Publié le: 3 septembre 2021

«La Suisse est notre ADN»

BRUNO STIEGELER – La pandémie a montré «l’importance des PME pour notre pays et l’économie locale», souligne le CEO de la banque coopérative WIR – établissement fondé durant une autre crise économique (1934).

La plupart des gens associent immédiatement «WIR» à la monnaie WIR. Votre banque essaie gentiment de se défendre contre ce catalogage. La monnaie n’est plus assez attractive?

Bruno Stiegeler: Au contraire! C’est pourquoi il n’y a aucune raison de résister au WIR – ni gentiment, ni brutalement. La Banque WIR est depuis longtemps une banque coopérative nationale pour les PME et les clients privés. Elle dispose de sa propre monnaie complémentaire pour les entreprises prospères et propose ensuite à toutes les parties intéressées, c’est-à-dire explicitement aussi à tous les particuliers, des produits bancaires modernes ainsi que des solutions d’épargne et de pension qui comptent parmi les meilleures du marché.

Le total de notre bilan est d’environ 6 milliards de francs suisses. Plus de 90% de nos activités consistent en des hypothèques et des prêts normaux ainsi qu’en des avoirs d’épargne et de retraite en francs suisses. La monnaie complémentaire WIR (CHW), qui est l’un des produits de la Banque WIR, est le sel de notre soupe: ainsi, nos clients bénéficient d’offres avantageuses inégalées dans le mix de financement avec CHF et WIR. Dans le cas de l’hypothèque à valeur ajoutée, nous allons même jusqu’à verser des intérêts hypothécaires au client grâce aux taux d’intérêt négatifs du côté du prêt – et non l’inverse. Unique dans le paysage financier suisse. Et grâce au solide réseau WIR, les PME ont également la possibilité d’élargirleur clientèle et de générer davantage de ventes et de revenus.

Votre banque se positionne, entre autres, avec l’argument qu’elle favorise les PME. Comment avez-vous pu soutenir les PME pendant la pandémie de Covid-19?

Dans la phase chaude de la pandémie, nous avons aidé financièrement nos clients PME avec des reports d’amortissement simples et les prêts Covid-19 – de manière simple et non bureaucratique. D’ailleurs, nos clients WIR connaissent depuis des années les prêts instantanés sans intérêt: ils font partie intégrante de notre offre PME.

En ce qui concerne les revenus, nous avons consciemment accepté une baisse des revenus dans l’activité WIR afin de soutenir nos PME WIR pendant la pandémie. Dans le cadre de notre campagne (en allemand, ndlr) #zusammenstark pour les ventes additionnelles de WIR, nous avons renoncé à la moitié de la contribution au réseau pendant six mois. Ce montant substantiel a directement bénéficié aux PME.

«LES PRÊTS INSTANTANÉS SANS INTÉRÊT FONT PARTIE DE NOTRE PAQUET PME EN STANDARD.»

Pour le moral des troupes, nous avons apporté notre contribution notamment lors du premier verrouillage, également dans le cadre de #zusammenstark: en direct sur Facebook et sur notre blog, nous avons montré quotidiennement des exemples impressionnants de PME qui ont fait face à la crise avec des solutions créatives.

Enfin, la pandémie a montré l’importance des petites et moyennes entreprises pour notre pays et l’économie locale. L’innovation, la qualité, la durabilité et un réseau solide sont nécessaires pour concurrencer les offres de l’étranger. Dans le défi quotidien de renforcer l’économie suisse et d’assurer la prospérité de notre pays, nous sommes à l’avant-garde avec notre système de monnaie complémentaire. La Banque WIR est la Suisse. Elle est ancrée dans l’économie locale, n’a que des clients suisses et est organisée comme une coopérative terre à terre. La Suisse est notre ADN, elle est au cœur de l’identité et de l’image de soi de la Banque WIR.

Le bon résultat semestriel (11 millions de francs de bénéfice) laisse penser que les clients de la banque, et donc de nombreuses PME, ont bien commencé l’année 2021 malgré la pandémie. Comment voyez-vous la situation?

Nos clients et nous avons bien, voire très bien, commencé l’année 2021. À ce jour, nous n’avons pas constaté d’effets majeurs ou inattendus liés à la pandémie de Covid. Par prudence, nous avons anticipé une certaine évolution de la notation de nos PME et avons constitué des provisions correspondantes.

En tant que banque, nous restons prudents: nous avons utilisé le bon résultat semestriel pour continuer à constituer des réserves. Cette solidité financière, où nous dépassons de loin les exigences réglementaires, nous permet également de verser durablement un dividende attractif à nos apporteurs de capitaux. Et lorsque je parle de fournisseurs de capitaux, je tiens à souligner – pour faire le lien avec la question d’introduction – que l’achat d’actions ordinaires de la Bank WIR est ouvert à tous, c’est-à-dire aux clients privés et aux entreprises, et n’a rien à voir avec la monnaie WIR.

La première solution entièrement numérique d’approvisionnement en titres, VIAC, a contribué à ce bon résultat. Le potentiel de la numérisation sera-t-il bientôt épuisé lorsque tous les clients utiliseront des solutions numériques?

Pas du tout ! Permettez-moi d’expliquer cela de manière différenciée: Le potentiel qui existe avec le seul VIAC est énorme. Dans ce domaine, nous avons déjà gagné plus de 10 000 nouveaux clients au cours des six premiers mois, qui ont déposé plus de 500 millions de francs suisses. VIAC est de loin la meilleure et la plus aboutie des solutions numériques pour les retraites en Suisse, et donc la référence pour tous les autres imitateurs.

«NOTRE SECTEUR N’EN EST QU’AU DÉBUT DE LA NUMÉRISATION DES ACTIVITÉS BANCAIRES TRADITIONNELLES.»

En ce qui concerne la numérisation des activités bancaires traditionnelles, c’est-à-dire des activités de crédit et d’épargne, notre secteur n’en est qu’au début. Souvent, comme c’est le cas pour nous, c’est une question de partenariat. Nous saisissons systématiquement les opportunités de coopération profitable, notamment dans les domaines de l’innovation et de la numérisation. Depuis plus d’un an, par exemple, nos clients PME bénéficient de conditions très compétitives sur la plateforme FX Trading pour les transactions en devises et les paiements internationaux.

Depuis l’automne dernier, nous travaillons avec Credit Exchange AG, une plateforme numérique de courtage hypothécaire. Et également en automne 2020, nous avons annoncé notre participation à Vermando AG, qui propose et développe par exemple des solutions numériques pour la médiation entre les propriétaires immobiliers et les artisans PME avec la plateforme «hausheld.ch».

La Banque WIR est aussi activement impliquée dans Cargo sous terrain, qu’elle décrit comme une promotion de l’innovation. Qu’attendez-vous concrètement du plus grand projet logistique suisse jamais réalisé?

Nous sommes enthousiasmés par ce projet extrêmement important, qui vise à soulager les rails et les routes et à réduire la pollution environnementale. Après tout, il est alarmant de constater les problèmes que nous laissons à nos descendants. Avec Cargo sous terrain, nous faisons un geste pour les générations futures et l’environnement. Dans le même temps, le projet de grande envergure financé par le secteur privé garantit des emplois et du travail pour de nombreuses années à venir. Cela se passe au niveau local, régional et national, avec un impact bien au-delà de la Suisse qui ne doit pas être sous-estimé.

En tant que banque coopérative suisse, votre banque est très fortement réglementée. Comment et où vous battez-vous contre des réglementations plus strictes et plus nombreuses?

Notre revendication doit être de souligner à chaque occasion que toutes les banques ne sont pas les mêmes. De nombreuses réglementations sont nées de la crise financière, avec un œil sur les grandes institutions. En tant que banque coopérative purement suisse pour les PME et les clients privés, nous partageons certains points de vue avec d’autres petites et moyennes banques à vocation nationale. Par exemple, la réglementation sur l’adéquation des fonds propres n’est pas suffisamment adaptée à la taille des banques et à leurs modèles d’entreprise. On accorde beaucoup trop peu d’attention au fait qu’une banque exerce des activités à risque ou qu’elle soit active en Suisse ou à l’étranger.

Cet environnement réglementaire fausse la concurrence, menace la diversité bancaire en Suisse et fait peser une charge supérieure à la moyenne sur les petits acteurs.

Interview:

Adrian Uhlmann

Fondée durant une crise

La Banque WIR a été fondée en 1934 et ses activités sont soumises à la loi fédérale sur les banques depuis 1936. La crise économique mondiale qui sévissait depuis 1929 et a atteint son apogée en 1934 a été le déclencheur de la création de WIR Cercle économique soc. coopérative par Werner Zimmermann, Paul Enz et 14 autres personnes. L’idée, inspirée par la théorie du libre penseur Silvio Gesell sur une économie libre, était de répondre à l’approvisionnement trop faible en argent, résultant de sa thésaurisation, en ne payant plus d’intérêts sur le capital utilisé. Cet argent «libre» a été appelé plus tard l’argent «neutre». Une taxe aurait en revanche dû être payée pour l’argent inactif. Le Cercle économique n’était pas la première organisation à proposer une sorte d’échanges basés sur cette théorie de l’argent. Durant ces années de crise, des associations d’entraide se sont créées un peu partout, mais la plupart n’ont toutefois pas survécu longtemps. La notion d’entraide est présente depuis la fondation.

Une banque à part entière

Contrairement aux organisations basées sur le troc, WIR Cercle économique soc. coopérative jouit depuis 1936 des droits et des obligations d’une banque. Cela présente notamment l’avantage de pouvoir piloter la masse monétaire WIR par le biais de l’octroi de crédits WIR et d’être ainsi en mesure de donner les impulsions nécessaires au système WIR.

Com/réd

Fondée durant une criseUne banque à part entière

La Banque WIR a été fondée en 1934 et ses activités sont soumises à la loi fédérale sur les banques depuis 1936. La crise économique mondiale qui sévissait depuis 1929 et a atteint son apogée en 1934 a été le déclencheur de la création de WIR Cercle économique soc. coopérative par Werner Zimmermann, Paul Enz et 14 autres personnes. L’idée, inspirée par la théorie du libre penseur Silvio Gesell sur une économie libre, était de répondre à l’approvisionnement trop faible en argent, résultant de sa thésaurisation, en ne payant plus d’intérêts sur le capital utilisé. Cet argent «libre» a été appelé plus tard l’argent «neutre». Une taxe aurait en revanche dû être payée pour l’argent inactif. Le Cercle économique n’était pas la première organisation à proposer une sorte d’échanges basés sur cette théorie de l’argent. Durant ces années de crise, des associations d’entraide se sont créées un peu partout, mais la plupart n’ont toutefois pas survécu longtemps. La notion d’entraide est présente depuis la fondation.

Une banque à part entière

Contrairement aux organisations basées sur le troc, WIR Cercle économique soc. coopérative jouit depuis 1936 des droits et des obligations d’une banque. Cela présente notamment l’avantage de pouvoir piloter la masse monétaire WIR par le biais de l’octroi de crédits WIR et d’être ainsi en mesure de donner les impulsions nécessaires au système WIR.

Com/réd

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