Publié le: 2 juin 2017

Laisser éclater leurs talents en cuisine

gland – Au Buffet de la Gare, le Chef José Fernandes s’engage pour la sensibilisation des jeunes aux métiers de bouche et ne compte pas son temps pour que ses apprentis donnent le meilleur d’eux-mêmes. Plusieurs d’entre eux ont déjà gagné des prix.

José Fernandes a beaucoup réfléchi et testé avant de donner un nom à l’hôtel qu’il a fait construire en face de la gare de Gland. Un nom de fleur? Une allusion aux pins avoisinants? Que faire? Les clients du Buffet lui ont donné un coup de main. «Je mettais une allusion sur la carte et j’enregistrais un peu les réactions, se souvient le Chef. Au final, c’est «Hôtel Glanis» qui est sorti du lot. Le petit côté latin a tout de suite plu.»

Ce flair, c’est tout José Fernandes. Un mélange d’audace et de sensibilité, bien ancré dans un tissu entrepreneurial local. Au final, il parvient le plus souvent à ses fins. Son fils gagne prix sur prix dans le monde des rôtisseurs, un 1er rang au plan suisse à Lucerne et un 4e mondial à Manchester au Royaume Uni. Il a même été engagé par le prestigieux restaurant de l’Hôtel de Ville de Crissier. On finira par l’apprendre, mais plus tard et par personne interposée. Le Chef est sanguin mais doté d’une solide dose d’empathie. Il sait gérer ses équipes avec amour et humour. Ce qui n’exclut pas de temps à autre un petit éclat!

Une classe en cuisine

Le jour de notre visite, nul besoin de hausser le ton. Un groupe d’adolescents «s’activent» en cuisine sous bonne supervision. Nous découvrons une classe du secondaire en mode exploratoire. Le cuisinier Alexis et la prof. Arianne mettent les bouchées doubles, les collégiens mettent la leur à la pâte. Littéralement, car il s’agit de préparer diverses sortes de petits pains et de miches. Autour de la table, ça «papote» en «touillant» la pâte. Mais l’essentiel est ailleurs. C’est plus tard que cela se jouera: Leonardo se voit architecte, Jules aussi. Mais Gabriel a quant à lui osé un stage dans la cuisine du Chef Fernandes. Séduit par ce monde, il aimerait bien en faire son métier.

Jeune talent récompensé

Plus loin, le jeune Jérémy Rochat prépare des filets de poisson. Revêtu d’une toque immaculée, il arbore un tablier sur lequel on peut lire l’inscription suivante: «Poivrier d’argent, finaliste 2016». Le jeune homme a aussi été le meilleur apprenti vaudois de sa génération et récompensé également au concours de SwissSkills. Interview du jeune chef et de son mentor.

Quelle a été votre trajectoire avant ces concours?

n Jérémy Rochat: J’ai fait mon apprentissage avec le Chef Fernandes. Durant les travaux ici à Gland, il avait repris le Bœuf Rouge à Crassier. C’est là que j’ai débuté. Puis, il m’a proposé de continuer dès la réouverture. En 2014, j’ai participé au concours du meilleur apprenti vaudois. Je suis arrivé quatrième. Mais la deuxième fois, en 2015, je l’ai gagné. En 2016, j’ai terminé deuxième au Poivrier d’argent, le concours du meilleur apprenti cuisinier de Suisse romande et Tessin. L’année passée, j’ai aussi participé au SwissSkills, mais sans gagner de médailles.

En 2017, vous ferez quoi?

n Jérémy Rochat: Je pense participer au concours Proviande et Chaîne des Rôtisseurs, mais ce n’est pas encore décidé.

On doit souvent vous demander si vous êtes parent avec feu Philippe Rochat, le célèbre cuisinier de Crissier (1953–2015) ?

n Jérémy Rochat: Oui, c’est une question fréquente (sourire)… Ma famille est éloignée, mais issue de la même souche, dans la Vallée de Joux.

Concilier la préparation d’un concours et la vie ordinaire dans une PME n’est pas évident: que devrait faire un patron pour donner toutes ses chances à un jeune qui se lance?

n Jérémy Rochat: Encourager l’apprenti durant cette préparation. Pour ma part, je travaillais avec le patron durant l’après-midi après le service avec les feuilles de recettes et les ingrédients auxquels nous avions droit. On regardait ensemble ce que l’on pouvait faire durant le temps imparti, les cuissons différentes. Le lundi, nous étions fermés et je m’entraînais durant trois à quatre heures avec le Chef pour m’améliorer. Donc donner du temps libre à l’apprenti pour l’aider. Il invitait aussi des amis à lui qui venaient goûter ce que je préparais, pour avoir un avis extérieur à l’établissement et me donner des conseils. Ce que j’entends par encouragement, c’est que le patron soit vraiment présent et que nous formions une véritable équipe qui se lance dans un concours, par contraste avec un apprenti qui se préparerait tout seul dans son coin. Par exemple pour les desserts, le pâtissier ici m’a beaucoup aidé.

Qu’en dites-vous, Chef Fernandes?

n José Fernandes: Les jeunes, c’est ma vie! Cela veut dire, partager ce que j’ai appris avec des gars qui arrivent à me suivre! Bien sûr que nous avons aussi des soucis avec eux. Il y a des hauts et des bas. Au bout de deux années de travail ensemble, quand ils reviennent avec des 6, c’est une belle récompense. Certains sont fascinés par les émissions vues à la TV. C’est bien, mais ensuite il reste beaucoup de travail. Avec le temps, on reconnaît celui qui a un don et les talents finissent par émerger. Et Jérémy en a! Je sens qu’il a quelque chose de particulier, un pouvoir de communiquer – c’est super!

Vous êtes dans le métier en Suisse depuis 1985, après une formation en hôtellerie à l’école hôtelière Viana do Castelo au Portugal à la fin des années 1970. Quelle est votre philosophie de l’apprentissage: directivité, autonomie, coup de gueule ou laisser-faire?

n José Fernandes: J’ai formé beaucoup d’apprentis, deux à trois par année. On commence de sentir les choses. Car c’est très dur. Nous travaillons ici deux fois par jour. Nous avons trois menus du jour. Cela demande une concentration énorme. Il faut cette disponibilité. Chaque jour, la marchandise change. Tous les jours, on se met en compétition. On ne sait pas ce que le client va aimer. C’est avec cela que nous vivons.

Comment les encadrer?

n Je laisse faire, je suis der-
rière. Il faut qu’ils prennent confiance. Je vois cet aspect seulement depuis une dizaine d’années. Avant je faisais moins confiance. Autrefois, le ba-gage scolaire était souvent limité. 
Aujourd’hui, les jeunes qui viennent font parfois de très bonnes notes.

François Othenin-Girard

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