Publié le: 5 avril 2019

Le DDPS sous pression

ÉCOLE DE RECRUE ET APPRENTISSAGE – Par 26 voix contre 9, les Etats ont soutenu la motion Ettlin. En exigeant que l’armée fasse coïncider le début de la formation militaire avec la fin de l’apprentissage – et trouve une solution, comme pour les universités.

Depuis que le Journal des arts et métiers (JAM) et sa consœur la Schweizerische Gewerbezeitung (SGZ) ont lancé, en décembre dernier, le thème du chevauchement entre la fin de l’apprentissage et le début de l’école de recrue, le sujet est monté en force du côté des associations et au DDPS (lire nos éditions de décembre et de février).

Du côté des représentants des PME, on goûte peu le fait que le DDPS – à savoir Daniel Baumgart­ner, chef de la formation des forces armées – ne juge pas utile de trouver une solution à cette importante question. Ceci, alors qu’il n’y a précisément aucun problème pour coordonner le début de l’école de recrue avec les agendas des universités et des hautes écoles. Une inégalité de traitement qui déplaît aux entrepreneurs qui engagent des apprentis et espèrent profiter de leurs compétences lorsqu’ils sont devenus réelle­ment productifs.

Un front de résistance

Suite à cette incompréhension, et dépit des tentatives de dialogues, la pression est montée. Deux parlementaires, le conseiller national et entrepreneur appenzellois, David Zuberbühler (UDC/AR), ainsi que le conseiller aux Etats Erich Ettlin (PDC/OW) ont demandé que le DDPS fasse un correctif. «Plusieurs organisations professionnelles ont fait part de leur préoccupation en juin de l’année dernière, alors que Guy Parmelin était encore ministre de la défense. Mais les fronts sont restés figés et il a fallu intervenir au Parlement», a insisté pour sa part Martin Schmid (PLR/GR).

Le premier acte politique s’est déroulé aux Etats qui ont soutenu par 26 voix contre 9 (5 abstentions) la motion Ettlin. C’est désormais la conseillère fédérale Viola Amherd qui hérite de ce dossier. La cheffe du DDPS a préconisé «la recherche de solutions simples et non bureaucratiques», tout en recommandant le rejet de la motion.

Ce que dit le DDPS

Le Conseil fédéral se dit conscient de l’équilibre entre les intérêts de l’employeur et ceux de l’Etat. Un abandon complet du système actuel – avec une école de recrue d’hiver et d’été et passant par le report de huit à dix semaines du début des deux écoles – s’écarterait du principe selon lequel le début de l’ER serait coordonné de manière optimale avec le début des études, ceci afin de maintenir la durée des études aussi courte que possible.

RĂ©ponse des motionnaires

L’auteur de la motion Ettlin a rappelé devant les Etats que le déploiement de professionnels presque entièrement formés était tout aussi important pour les entreprises, en termes de gestion des affaires, que pour les jeunes professionnels eux-mêmes. «L’utilisation de leur main-d’œuvre au moment où ils sont le plus productifs fait expressément partie de leur apprentissage et sert également les deux parties.» L’achève­ment du contrat d’apprentissage en tant que premier contrat important de la vie est également d’une grande importance pour les professionnels.

«Compte tenu de la pénurie de professionnels dont se plaignent les dirigeants de l’armée elle-même, il est logique de rendre l’ER plus attrayante pour ces personnes en particulier», poursuit Ettlin. L’armée prétend qu’elle manque de spécialistes, de cuisiniers, de chauffeurs…

En même temps, il leur est difficile de concilier la formation pro­fessionnelle et l’enrôlement dans l’armée. Heureusement, la formation professionnelle est une priorité absolue pour les jeunes. Donc, s’ils doivent décider, ils décideront pour la profession et contre l’armée, ce qui est dommage.

Les PME mettent la gomme

Non seulement les politiciens, mais encore les associations professionnelles s’efforcent de mettre un terme aux conditions intenables pour les entreprises et leurs apprentis.

Les exemples ne manquent pas! Dans une lettre à la cheffe du DDPS Viola Amherd, l’Association suisse des maîtres charpentiers et fabricants de meubles (VSSM) demande au DDPS «de revoir et d’adapter l’avancement de la mise en place de l’école de recrutement». Le président central de la VSSM, Thomas Iten, et le directeur Mario Fellner rappellent au conseiller fédéral alors en charge du dossier (Guy Parmelin) que le début de l’école de recrue d’été 2018 a été avancé à fin juin en raison du développement futur de l’armée 2018. Cette avance tiendrait compte exclusivement des intérêts de l’enseignement supérieur, afin que le début du semestre dans les universités à l’automne se déroule sans heurts.

«Le DDPS montre qu’il est clairement du côté des unis.»

«Malheureusement, cette proposition de l’école de recrues ne tient pas compte des exigences des entreprises de formation et des apprenants.»

80% des officiers sont issus de la formation professionnelle

Le monde politique soutient le système dual dans notre pays et la formation des apprentis représente un élément névralgique de ce système, soulignent les charpentiers suisses. Cependant, dans cette histoire de dates, «le DDPS montre qu’il est clairement du côté de l’enseignement supérieur». Les universités pourraient pour leur part faire preuve d’une plus grande souplesse dans l’organisation des programmes d’études.

Les apprentis qui suivent leur dernière année d’apprentissage sont précisément en train d’acquérir une expérience professionnelle importante dans leur entreprise, entre la fin de l’examen final d’apprentissage et la fin de la formation à proprement parler. Enfin, les charpentiers attirent l’attention sur le fait qu’«environ 80% des officiers subalternes sont recrutés dans les milieux de la formation professionnelle».

Base constitutionnelle

Au surplus, Daniel Zybach, chef de la division Formation professionnelle et membre de la direction de cette association, invoque également comme base juridique la loi sur la formation professionnelle. «L’article 17, paragraphe 1, stipule clairement que la période d’apprentissage est de deux à quatre ans. Un raccourcissement de la durée de l’apprentissage par le début précoce de l’école de recrues remet donc fondamentalement en cause cet exigence.»

Au tour du National de soutenir

la formation professionnelle

Après le oui du Conseil des Etats, le Conseil national va maintenant s’occuper de ce dossier. Au cours de l’année électorale, on peut espérer que la majorité de la classe moyenne au sein du Conseil soutiendra les préoccupations des entreprises et surtout la formation des jeunes professionnels en garantissant à ces derniers une égalité de traitement par rapport aux étudiants des universités et des hautes écoles. Pour rappel, l’équivalence de l’enseignement professionnel et académique est ancrée dans la Constitution depuis 2006.

Gerhard Enggist (adapt. JAM)

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