Publié le: 9 novembre 2018

Le grand risque du feu rampant

INFLATION – Plus facile de prévenir que de guérir! L’inflation est là en Suisse, bien réelle. Multifacette, sa compréhension passe par une perception des différents contextes où elle agit, le plus souvent sans que l’on s’en rende compte.

Dans l’immobilier lorsque les prix montent: elle est déjà là, l’inflation. Dans la prévoyance aussi dès que la décision sur l’adaptation des rentes sera prise: elle est encore au rendez-vous. Et il suffit de constater la diminution objective de la proportion de capitaux propres dans les grandes structures, pour qu’elle vive à tous les étages…

Est-ce déjà le retour de l’inflation? Cette question se pose actuellement dans les pays développés, au sein des banques, lors des réunions entre économistes. Et les patrons de PME la voient aussi de manière concrète. Le phénomène inflationniste est un fidèle compagnon de l’histoire économique humaine. Et malheureusement, c’est aussi un personnage incompris.

L’inflation figure à la fois une hausse des prix et une dépréciation de la monnaie. La majorité des économistes acceptent que l’inflation est créée par l’accroissement excessif des instruments de paiement (billets de banque, capitaux). Il s’agit pour eux d’une conséquence néfaste d’une politique monétaire expansionniste.

Record du monde en Suisse

Une minorité croissante pose des questions: si une politique monétaire laxiste s’avère responsable de l’inflation, pourquoi est-ce que les États Unis, l’Europe et certainement la Suisse et le Japon ne doivent pas faire face à une hyperinflation? Car en définitive, les banques centrales de ces États ont poursuivi des politiques ultra-laxistes au cours des dernière dix années.

Cette question mérite que l’on s’y arrête un instant. Prenons le cas de la Suisse. En 2008 encore, le bilan de la Banque nationale s’élevait à environ du 30% du produit intérieur brut PIB en 2008. Mais depuis, il a pris l’ascenseur pour atteindre actuellement 100% du PIB. Un tel développement correspond à un véritable record du monde, celui de l’expansion la plus forte de la base monétaire par rapport au PIB.

Et voici l’immobilier

Et les prix? En Suisse et de manière surprenante, ils ne se sont élevés que d’environ 1,5% au cours de la même période (2008-2018). Il semble donc que l’expansion de la base monétaire n’a pas généré de l’inflation dans notre pays. Oui mais! Le problème, avec ce type de raisonnement, c’est de présupposer que l’inflation se manifesterait au niveau des prix finaux, donc des prix proposés aux consommateurs. Or en réalité, l’inflation se manifeste de manière différenciée selon les secteurs. En Suisse, elle est apparue dans les prix de l’immobilier – qui a connu des hausses atteignant 70% selon les régions et le types de biens.

Elle pointe le bout de son nez

Au plan international, l’inflation se manifeste par exemple dans la hausse des valeurs boursières, notamment des actions. Les bourses ont pris de la hauteur sans que les PIB des pays respectifs voient leur niveau de productivité s’élever de manière synchrone. En plus, l’inflation apparait aussi dans le phénomène bien observé de la diminution des fonds propres dans les capitaux des entreprises privées.

Au final, l’image qui se dégage de l’inflation est celle d’un phénomène nuancé et multifacette qui concerne de nombreux aspects de la réalité économique – et qui s’installe de manière latente, sans que les acteurs s’en rendent compte.

Trop tard, lorsque le feu dévore

La métaphore qui s’impose est celle de l’incendie. Quand on remarque l’inflation, il est souvent trop tard.

C’est bien clair: une inflation élevée engendre des effets néfastes. Dont le premier est de faire perdre de la valeur à l’épargne. Pour la grande majorité des personnes vivant dans un pays, cet effet se traduit immédiatement dans les comptes de prévoyance vieillesse qui perdent de la valeur. Cela se traduira pour les intéressés par une diminution des rentes – un effet qui a déjà cours en Suisse.

Mais l’inflation va plus loin: avec elle, l’investissement et la productivité chutent. Dans les cas extrêmes, l’exemple donné est celui du Venezuela, les agents perdent toute confiance en la monnaie nationale et la substituent par une autre monnaie. Si ce scenario persiste, on risque un effondrement de toutes les institutions de gouvernance.

L’inflation se comprend mieux lorsque l’on parvient à saisir toutes ses nuances. Il est plus facile de la combattre à ses débuts que quand elle est déclarée.

Henrique Schneider, usam

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