Publié le: 6 avril 2018

Le jardin progresse, le salon recule

printemps – À Lausanne, c’est Habitat Jardin qui, chaque année au début du mois de mars, annonce le printemps. Le public-cible de ce salon? Plutôt typé: 83% des visiteurs de l’édition 2018 étaient propriétaires ou futurs propriétaires d’un bien immobilier.

À Lausanne, la foire Habitat Jardin, qui s’est tenue à Beaulieu du 3 au 
11 mars, a annoncé une diminution conséquente du nombre de ses visiteurs: quelque 74 000 personnes, soit 7% de moins qu’en 2017 (*). Assurément une mauvaise surprise pour les organisateurs. Mais est-ce vraiment une surprise? À l’heure où l’on peut trouver à peu près tout sur 
Internet, de mille recettes de mortier de chaux aux offres de tous les magasins d’ameublement de la planète, ou presque, ce genre de manifestation ne commence-t-il pas à avoir un petit air d’anachronisme?

«ce genre de manifestation ne commence-
t-il pas à avoir un petit air d’anachronisme?»

Et puis, bon, c’est une foire, hein? Le genre d’endroit où des démonstrateurs à la langue bien pendue arrivent à scotcher les visiteurs en leur exposant les mille charmes d’un égouttoir à casseroles ou d’un lave-vitre à manche télescopique.

Et d’où l’on ressort encore plus 
perplexe qu’on n’était entré. Parce qu’on peut quasiment le parier d’avance: le spécialiste B du chauffage au bois (ou de ce qu’on voudra: du canapé convertible mais quand même design, du jacuzzi modèle spécial grande famille, de la tondeuse autonome qui contourne les pâquerettes ou de l’isolation de toiture garantie végane) nous démontrera à peu près exactement le contraire de ce que nous aura ex­posé le spécialiste A dudit mode de chauffage quelques minutes plus tôt. Avant que ses arguments ne s’écroulent à son tour devant ceux du spécialiste C.

Bref, s’il y a une chose dont on peut être sûr, c’est que lorsqu’on sortira de là, le dos en compote et croulant sous deux tonnes de prospectus, on ne sera pas plus avancé qu’avant sur le choix de son futur poêle (ou canapé, ou jacuzzi, etc.). Sauf, évidemment, si l’on s’est entretemps laissé séduire par la promesse d’un rabais spécial foire.

Mais s’il a fallu insister un brin pour me persuader d’y aller, à Beaulieu, c’est aussi que les précédentes éditions manquaient un peu trop de verdure à mon goût. Dans le logo d’Habitat Jardin, le mot jardin est écrit aussi gros que le mot habitat. Mais depuis que la foire existe, soit depuis 37 ans, la réalité est différente. Et en dépit de divers efforts faits pour 
végétaliser la manifestation, la chlorophylle n’y jouait qu’un rôle très secondaire – à moins qu’on ne considère que les piscines, les vérandas et les portes de garage relèvent du jardin. Bref, l’impression que j’avais gardée des éditions précédentes était assez aride: une succession de stands présentant des équipements sans doute utiles, ou peut-être même indispensables, mais pas vraiment affriolants. Des kilomètres à louvoyer des adoucisseurs d’eau aux chaudières à gaz ou à mazout, en passant par les systèmes d’enroulage automatique des stores, les abris de piscine ou les cheminées imitation pierre, pour enfin atteindre quelques mètres carrés de verdure, ou du moins de quelque chose ayant vaguement trait au monde végétal.

«lorsqu’on sortira de là, le dos en compote et croulant sous deux tonnes de prospectus...»

Mais pour cette édition 2018, j’ai été déçue en bien. Par pur hasard, nous avons choisi la bonne entrée et atterri directement sur le stand de l’association Hortus, qui revisitait toute l’histoire des jardins. Fondu enchaîné sur la réalisation pratique avec les stands de divers paysagistes et notamment celui des créations avant-gardistes de Mise en Scène, puis immersion dans un bois-jardin rêvé par des jeux de miroirs… Après ça, j’étais prête à affronter même les pompes à chaleur et les revêtements de sol.

Isabelle Erne

(*) Sur l’évolution des salons en fonction des attentes des consommateurs, lire également l’interview d’André Hefti sur le GIMS à Genève! (p.21)

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