Publié le: 5 mars 2021

Le Pacifique en mode libre-échange

rcep – C’est le plus grand accord de libre-échange (ALE) au monde, signé en 2020 par les pays de l’ASEAN – dont fait partie l’Indonésie! Or la Suisse est le pays européen qui a signé le plus grand nombre d’ALE dans ce cadre.

Ils ont négocié pendant huit ans – «du sang, de la sueur et des larmes», a expliqué le ministre malaisien du commerce. La création du «Partenariat économique régional global RCEP» – la plus grande zone de libre-échange au monde – est presque passée inaperçue!

Les pays de l’ASEAN (Brunei, Indonésie, Cambodge, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande et Vietnam), l’Australie, la Chine, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Corée du Sud ont signé le RCEP. C’était le 15 novembre 2020 lors du 37e sommet de l’ASEAN. Certes, les ratifications nationales respectives sont encore attendues – cela pourrait prendre jusqu’à deux ans. Mais de fait, la plus grande zone de libre-échange du monde vient d’être mise sur orbite.

En ajoutant les uns aux autres les PIB de ces quinze pays, on obtient 30% de la valeur ajoutée mondiale. Par comparaison, la zone de libre-échange nord-américaine obtient 28% et l’Union européenne 18%. Cela ne s’est pas fait jusqu’ici, mais il reste toujours possible que l’Inde rejoigne le RCEP. L’avenir le dira. Si cela se concrétisait, 40% de la population mondiale vivrait alors dans la même zone de libre-échange.

Des liens qui font sens

Le RCEP est un accord de libre-échange, la majorité de ses 20 chapitres portent donc sur le commerce. Comme pour tous ces accords, les droits de douane ne sont pas éliminés immédiatement. Diverses concessions ont été faites pour différents groupes de marchandises et de pays – du poisson pour le Japon, des produits en plastique pour le Laos, par exemple. Néanmoins, 92% des droits de douane seront réduits ou éliminés.

Indépendamment des droits de douane, des mesures concrètes sont prévues pour réduire les coûts du commerce extérieur. Ces dépenses sont de toute façon élevées en Asie. Une réglementation complète est également prévue pour la protection des contrats ou des droits de propriété intellectuelle et des investisse­ments. Même les «secteurs tabous» traditionnels tels que les services financiers et les télécommuni­cations seront partiellement libéralisés.

Accords séparés

Un tel accord a des effets divers. Au premier plan, il y a les avantages économiques. Les économistes du groupe de réflexion américain, Peterson Institute for International Economics (PIIE), estiment que le produit intérieur brut des pays participants augmentera de façon permanente de 0,2%. C’est beaucoup, et cela pourrait représenter plus de 74 milliards de dollars par an.

Mais Gabriel Felbermayr, président de l’Institut de Kiel pour l’économie mondiale (IfW), met les choses en perspective: «Le traité contribue à une formation de blocs plus forts, ce qui pourrait porter massivement atteinte au principe du multilatéralisme.» Et même s’il ne s’agissait pas de former un bloc politique, mais plutôt de se concentrer uniquement sur les marchés de vente, Felbermayr pourrait avoir raison.

Réponses nécessaires

Avec cet accord, l’Europe perdra en effet de son importance pour la Chine à long terme. A l’avenir, la République populaire ne sera plus aussi dépendante de la vente de ses biens à l’Allemagne ou à la France. A l’inverse, les entreprises européennes sont également désavantagées si elles veulent produire en Asie ou y vendre leurs produits. Cela est dû au fait que la plupart des pays européens n’ont pas d’accès au libre-échange avec les pays du RCEP. La bonne nouvelle pour la Suisse, c’est qu’elle se distingue des autres économies du Vieux-Continent.

La Suisse est le pays européen qui a conclu le plus grand nombre d’accords de libre-échange dans le cadre du RCEP. A l’exception du Laos, du Cambodge, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, la Confédération suisse – seule ou au sein du groupe AELE – maintient ou négocie de tels accords avec tous les pays de la région. La Suisse est également active dans la nouvelle route de la soie et participe aux comités qui s’y trouvent. La seule question est de savoir dans quelle mesure elle s’y positionne.

Henrique Schneider, usam

COUP DE PROJECTEUR sur un nouveau mondeContenu de l’accord

Barrières douanières éliminées sur 91% des biens

Le partenariat régional économique global, ou en anglais: Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), est un projet d’accord de libre-échange entre 15 pays autour de l’océan Pacifique. C’est l’accord commercial le plus important du monde. Il a été signé le 15 novembre 2020 lors d’un sommet virtuel de l’ASEAN.

Il inclut les dix pays membres de l’ASEAN, à savoir: la Birmanie, Brunei, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam; ainsi que cinq autres pays qui possèdent déjà un accord de libre-échange bilatéral avec l’ASEAN, à savoir: l’Australie, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande.

Contenu de l’accord

L’accord vise à réduire les droits de douane et les formalités administratives. Il permet d’éliminer les barrières douanières sur 91% des biens. Les suppressions sur les tarifs douaniers d’importation de biens agricoles sont de 61% pour le Japon, 56% pour la Chine, 49% pour la Corée du Sud. Les tarifs douaniers sont maintenus sur le riz, le blé, les produits laitiers, le sucre et le bœuf et le porc pour protéger les fermiers locaux. Les autres pays réduisent leur tarifs douaniers de 91,5% sur les exportations industrielles japonaises.

Dans le cas de la Chine, le taux de taxe douanier passera de 40% à 0 après 21 années. En Corée du Sud, le taux de 15% sera éliminé après 15 années. Les tarifs chinois de 10% sur les coquilles Saint-Jacques et pétoncles japonais seront également éliminés. Il comprend des règles d’origine unifiées dans tout le bloc, ce qui peut faciliter les chaînes d’approvisionnement internationales et le commerce au sein de la région.

Au niveau de la taille, le RCEP a cinq fois plus de population que l’alliance transpacifique, ainsi qu’un PIB global deux fois plus élevé.

RĂ©d/agences

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