Publié le: 2 juillet 2021

l’édito

Le prêt-à-penser en mode hyperventilé

Après le rejet par le peuple de la loi sur le CO2, les réactions ont été très variées. De «mainte­nant plus que jamais» à l’arrêt complet de toute politique climatique. La réaction la plus étrange est probablement celle du «think tank» «libéral» Avenir Suisse: «La Suisse devrait rejoindre le club climatique de l’UE.» Dans un concours visant à accumuler les absurdités, cette citation obtiendrait des lauriers. D’abord, parce que les clubs climatiques sont tout sauf libéraux. Ensuite, un tel club n’existe pas, du moins pas dans l’UE. Et enfin, la réalisation politique d’un nouvel accord bilatéral est juste irréaliste.

Un club climatique est une association volontaire de pays. Ses membres introduisent un prix minimum uniforme pour les émissions. Un tarif punitif est imposé sur l’importation de biens et probablement de services de pays non membres, pour inciter d’autres pays à rejoindre le club. Bref, une proposition non libérale au possible. Un groupe de pays forme un cartel et fait pression sur tous les autres pour qu’ils rejoignent le syndicat. Si vous ne voulez pas vous associer au gang, il faut payer. Il n’est pas nécessaire de faire partie d’un «think tank» pour comprendre que deux taxes sont en jeu ici: le prix minimum du CO2 et le tarif punitif. Vraiment pas très libéral, tout cela!

Ce n’est pas pour rien que les clubs climatiques n’existent pas, vue l’infinie diversité d’économies, de sociétés et de politiques climatiques. Cela étant, les prix du CO2 sont fixés par les pays ou les régions, si tant est que de tels prix existent. En revanche, les prix uniformes et minimaux réglementés par l’Etat entraînent des distorsions du marché. Ce que non seulement les libéraux, mais aussi tous ceux qui ont terminé leur première année d’apprentissage savent. Enfin de tels clubs sont en contradiction avec les Accords de Paris, dont le but est de développer une coopération aussi large que possible, et non de procéder par exclusion.

Sur le club climatique, l’UE n’a sans surprise, adopté que la clause punitive. Elle est félicitée par des pays très protectionnistes qui, jusqu’ici, n’avaient montré que très peu d’intérêt pour la protection du climat. Quant à l’«expert» d’Avenir Suisse, il admet que «la variante [de l’UE] est clairement plus bureaucratique que la […] taxe punitive, mais la Suisse devrait sérieuse­ment envisager de rejoindre le club climatique de l’UE.» Un gadget protectionniste motivé par la fiscalité et bureaucratique. Pourquoi y adhérer? Et comment imaginer que cela puisse résoudre le problème du climat?

Avenir Suisse ne comprend rien, ni la politique climatique ni le libéralisme. C’est à se demander si dans ce pays, les «penseurs» ont encore un lien avec la réalité lorsqu’ils balancent des phrases du style: «Ici non plus, on ne peut manifestement pas contourner l’Europe. La Suisse devrait donc rejoindre le club climatique de l’UE.»

La Suisse vient d’enterrer l’accord-cadre avec l’UE. Négocier un nouvel accord, adhérer à un club fantôme, c’est irréaliste. La probabilité que les politiciens et la population valident un accord coûteux, cloisonnant et bureaucratique semble des plus minimes. Il faut conclure: Avenir Suisse a une fois de plus échoué dans sa prétendue compétence de base, la réflexion.

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