Publié le: 10 novembre 2017

Le ressentiment de la vache sacrée

ÉNERGIE HYDRAULIQUE – Menacée, la branche hydroélectrique suisse appelle au secours et réclame davantage de subventions. N’oublions pas que le secteur s’est lui-même mis en danger, provoquant sciemment la situation dans laquelle il se trouve.

Dans toute l’Europe, les prix de l’électricité sont au plus bas. Si bas que, selon les dires des énergéticiens, ils ne couvrent même plus les frais de fonctionnement, quel que soit le type d’installation. Pire, ils ne paieraient même plus les coûts d’infra­structure. Pas tout faux… et logique puisque les prix sont planchers depuis bien longtemps. Mais quelles en sont les raisons?

Subventionnement massif

L’une des raisons majeures de la chute des prix du kilowattheure, c’est le subventionnement massif de l’électricité. Au sein de l’Union européenne, les énergies renouvelables sont quasiment toutes subventionnées à cent pour cent. Ce n’est pas tout, la production d’électricité au charbon en Allemagne et nucléaire en France est subventionnée par les fonds publics. Ceci a conduit à un nivellement vers le bas des prix de l’électricité – sans que les coûts de production de l’hydroélectricité, eux, soient réduits.

Capitaliser les bénéfices,

socialiser les pertes…

Mais ne reportons pas toute la responsabilité sur nos voisins et leur électricité subventionnée! Car de nombreux problèmes rencontrés 
par le secteur hydroélectrique aujourd’hui sont de leur propre faute. Quand les temps sont bons, la plupart des énergéticiens suisses se comportent comme des entreprises privées en présupposant que, lorsque les temps seront durs, l’Etat volerait à leur secours. Après tout, le raisonne­ment se tient puisque l’Etat est un actionnaire important chez nombreuses d’entre-elles.

Donc, au lieu de préparer des scénarios plus difficiles pour l’avenir, elles tablaient sur une augmentation sans fin du prix de l’électricité. En 2011 encore, on entendait des représentants du secteur hydroélectrique annoncer que le prix de l’électricité ne diminuera plus jamais. Et c’est sur la base d’un kilowattheure élevé qu’ils ont engagé leurs investissements. Pire, le rendement cible du capital des opérateurs hydroélectriques est d’environ 6% (!). A notre époque d’intérêts négatifs, on se demande bien qui peut croire à une stratégie réaliste?

«AVEC 6% DE RENDEMENT, QUI PEUT CROIRE À UNE STRATÉGIE 
RÉALISTE?»

A cela s’ajoute le fait qu’en Suisse aussi, le secteur touche des subventions! L’argent de l’Etat a beau apporter de l’eau à leurs moulins, les prix de l’énergie hydraulique n’en sont que davantage sous pression. Et pourtant, ces entreprises n’hésitent pas à réclamer des subventions.

ZĂ©ro remise en question

Le lobby des entreprises hydroélectriques sur la politique est énorme. Dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050, des mesures ont été prises pour les aider. Ces mesures ne sont pas encore appliquées puisque la révision de la loi entrera en vigueur à partir de 2018. Et que font les entreprises hydroélectriques? Au lieu d’attendre les subventions quelles ont réclamées, elles pleurent déjà pour en obtenir davantage.

Et qui paierait? Leurs clients, bien sûr, autrement dit les ménages et PME. Si l’Union suisse des arts et métiers l’a dénoncée, la demande n’a pu être évitée. La solution transitoire serait pourtant simple, attendre de voir ce qu’apporte la Stratégie énergétique 2050. Entre-temps, les entreprises hydroélectriques devraient abaisser leurs rendements de 6 à 3 ou 4%, tout comme l’a fait le reste de l’économie. De plus, les entreprises hydroélectriques devraient optimiser leurs coûts administratifs. Et au passage, on pourrait légitiment se demander si les cantons devraient pas renoncer à une partie de leurs dividendes.

Morale de l’histoire: au lieu de pleurer, la vache sacrée pourrait retrouver le sourire si tout le monde tirait sur la même corde.

Henrique Schneider,

directeur adjoint usam

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