Publié le: 6 octobre 2017

Les PME sauront-elles se mobiliser?

projet fiscal 17 – Pour l’heure, le «PF 17» n’est qu’une RIE III bis et ne passerait pas devant le peuple. De plus, les cantons ne 
réagissent pas. Enfin, le fait d’exiger une harmonisation matérielle apparaît comme inconstitutionnel et plutôt arbitraire.

En date du 12 février 2017, le peuple suisse a rejeté massivement la RIE III. Il ne s’agissait pas simplement de prendre acte de ce refus. Non, le système fiscal actuel, qui permet aux multinationales de bénéficier de statuts fiscaux spéciaux, ne correspond plus aux normes internationales. Cela ne suffit pas et il a donc fallu rapidement remanier le paquet de réforme fiscale des entreprises.

Imposition des dividendes 
et des allocations familiales

Le Projet fiscal 17 (PF 17) remplace la RIE III et est soumis à consultation jusqu’au 6 décembre. Il n’est qu’une RIE III bis et ne passerait sûrement pas non plus la rampe des votations populaires. L’organe de pilotage composé de plusieurs cantons et 
dirigé par le Département fédéral des finances (DFF) a mis l’accent sur des solutions permettant le contre-financement de la réforme. Ainsi, la grande différence entre la RIE III et le PF 17 réside en l’augmentation de l’imposition partielle des dividendes et des allocations familiales. Des mesures qui péjoreront les conditions-cadres des PME.

Le prix fort pour certains cantons

A la base, c’est une réforme fiscale faite pour les multinationales, mais les mesures avancées dans le PF 17 touchent de plein fouet les PME. L’effet de la double imposition des dividendes avait été atténué lors de la RIE II en 2009. La RIE III prévoyait un compromis avec l’imposition partielle des dividendes au moins à 60%, si le canton utilisait les NID. Pour sa part, le PF 17 exige purement et simplement d’imposer au moins à 70% les dividendes au niveau fédéral, tout comme au niveau cantonal. Le Conseil fédéral revient donc sur les acquis de la RIE II pour les PME et opère à une harmonisation matérielle. Le fait d’exiger une telle harmonisation est anticonstitutionnel et complètement arbitraire. C’est négliger les particularités des cantons et leur imposer une politique fiscale et tarifaire. Pour rester compétitif et attrayant, le canton – imposant au moins à 70% les dividendes – devrait également pouvoir baisser substantiellement son taux ordinaire d’im­position sur le bénéfice. Or, tous les cantons ne pourront pas se permettre de baisser le taux d’imposition sur le bénéfice comme ils le souhaiteraient. Car, il faut pouvoir se le permettre financièrement.

Les cantons sans réactions

Certains cantons taxent déjà les dividendes assez durement et n’auront par conséquent pas un gros effort à atteindre les 70%. Ils devront trouver le bon taux d’imposition du bénéfice pour garder les grandes entreprises et/ou pour en attirer (d’autres). Les PME pourraient selon la baisse du taux d’imposition ordinaire sur le bénéfice se retrouver soit dans une situation de statu quo, soit dans une situation légèrement plus favorable. Mais, et ce sera le cas pour la majorité des cantons, d’autres configurations pourraient au final causer du tort aux PME.

Le «susucre» pour les familles

Les cantons – qui auront une grosse différence (un gros rattrapage) à faire en ce qui concerne l’augmentation de l’imposition partielle des dividendes et qui ne pourront pas se permettre une baisse du taux d’imposition cantonal sur le bénéfice attrayante – causeront une augmentation substantielle de l’imposition pour les PME. Si le Conseil fédéral avait vraiment voulu mettre les grandes entreprises et les PME sur le même pied d’égalité, il aurait été judicieux de revoir le seuil des 10% de la quote-part de participation minimale, seuil à partir duquel la double imposition fait effet. En règle générale, ce sont les PME et les entreprises familiales qui sont touchées par cette double imposition. Personne ne détient plus de 10% de Novartis ou Nestlé. Ce seuil des 10% avait par ailleurs été fixé arbitrairement. Une telle harmonisation matérielle imposée aux cantons devrait provoquer de vives réactions! Non? Ce n’est pas le cas, on ne s’offusque pas du côté des cantons. Pourquoi? Tout simplement parce que cette augmentation de l’imposition partielle des dividendes permet des rentrées fiscales, tant au niveau de la Confédération (environ 80 millions de francs) qu’au niveau des cantons (environ 355 millions de francs). Et, ce n’est qu’une hypothèse, puisque le seuil est fixé à 70%, ce qui laisse aux cantons qui le désirent la possibilité d’augmenter à 80% voire plus.

L’augmentation des allocations familiales de 30 francs est la deuxième mesure qui impacte directement les PME. Ces mesures de politique sociale déploieront leurs effets dans tous les cantons, sauf ceux où les allocations familiales dépassent déjà de 30 francs ou plus (Berne, Fribourg, Zoug, Vaud, Valais, Genève et Jura). L’effort ne sera pas ou peu conséquent. D’ailleurs, les 30 francs sont souvent évoqués comme un «susucre» donné à la gauche et on peut très bien s’attendre à ce que cette dernière exige 100 francs de plus.

Ce type de mesurette ne fait pas peur aux multinationales. Par contre, les PME qui sont déjà taxées sur les dividendes ne verront pas d’un bon œil le fait de devoir encore passer à la caisse. Il est prévu que les employeurs contribueront à la réforme à hauteur de près de 300 millions de francs par an. Au total, les coûts d’une hausse des allocations sont estimés à 337 millions de francs (37 millions restants répartis entre indépendants, pouvoirs publics, assurance-chômage et personnes sans 
activité lucrative).

PME vs. grandes structures

Depuis le début, cette réforme est faite pour les multinationales. L’administration et Monsieur le Conseil fédéral Ueli Maurer ont été informés à maintes reprises des conséquences que pouvai avoir une réforme comme ce que le PF 17. Mais, les PME ne comptent pas comme les multinationales. Elles ont beau représenter plus de 90% du tissu économique, elles ne sont pas de grosses contributrices à l’impôt fédéral direct (IFD)! Les PME devront donc encore une fois se mobiliser pour faire valoir leurs intérêts et devront se battre pour éviter que les acquis de la RIE II soient remis en question (augmentation de l’imposition partielle des dividendes) et qu’elles paient encore des compensations sociales!

Alexa Krattinger, responsable de la politique fiscale et financière

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