Publié le: 8 juillet 2016

Les privilèges d’une profession avantagée

AGRICULTURE – La position de l’usam sur l’égalité de traitement. Les cas présentés mettent en évidence une asymétrie gênante.

Il y a quelques mois, le Parlement décidait que l’agriculture devait être épargnée par le programme d’économies de la Confédération. Tout le monde est supposé se serrer la ceinture, à l’exception des milieux agricoles à qui on fait des cadeaux. Paiements directs, remboursement de l’impôt sur les huiles minérales, allocations pour enfant plus élevées… La suppression de l’impôt sur les plus-values des terrains agricoles constructibles approuvée par le Conseil national est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il faut savoir dire stop aux avantages indus des agriculteurs (lire le JAM de juin).

RĂ©action larmoyante

Du côté des paysans, Jean-Pierre Grin (UDC/VD) met en avant les conditions de vie difficiles des agriculteurs. «La décision prise par le Tribunal fédéral en décembre 2011 engendre des situations épouvantables et des injustices, pleurniche-t-il. C’est un massacre économique pour certains paysans ou une spoliation fiscale pour d’autres.»

Egalité de traitement? C’est cela!

«L’usam n’a rien contre l’agriculture ni les activités para-agricoles, souligne Hans-Ulrich Bigler, directeur de l’usam. Toutefois, il est clair que des activités semblables doivent bénéficier de conditions équitables. Or, bien que les lois exigent clairement une égalité de traitement entre commerce et agriculture, les exemples de situations discriminantes à l’égard des arts et métiers ne manquent pas. Les activités de type artisanal exercées par les paysans – comme les ventes à la ferme ou les tables d’hôtes – engendrent d’importantes distorsions de marché, en raison des différentes prescriptions légales.» Quelques exemples illustrés…

n Aménagement du territoire

Un agriculteur payera son mètre carré de terrain agricole 5 francs alors qu’un commerce devra investir 250 francs/m2. Autorisés à construire leur agro boutique et tables d’hôtes hors des zones à bâtir, sur ce terrain agricole, ces activités secondaires entrent en concurrence directe avec les arts et métiers. 

n Droit du travail

Les heures de travail hebdomadaires sont fixées à 42 pour les arts et métiers contre 50 heures pour l’agriculture. De plus, les arts et métiers doivent payer les heures supplémentaires et les heures de nuits. Ceci ne s’applique aux activités para-agricoles. Les coûts salariaux sont massivement plus élevés dans le commerce et se répercutent sur les prix, ce qui mène inexorablement à un désavantage concurrentiel.

n Crédit d’investissement

Les crédits d’investissement de 2015 se sont montés à 308,4 millions. Nous ne remettons pas en cause l’existence de ces crédits, mais bien l’utilisation qui en est faite. Cette somme est égale­ment utilisée pour développer des activités qui entrent en concurrence avec des entreprises artisanale existantes telles que les boulangeries, fromageries, la restauration et l’hôtellerie...

n Contrôle alimentaire

Bien que la plupart des contrôles prévus soient les mêmes, ils sont très souvent pratiqués de manière beaucoup moins intensive dans les activités annexes des agriculteurs que dans des commerces artisanaux comparables, tels que les tables d’hôtes ou vente à la ferme par exemple.

n Allocations familiales

La loi fédérale sur les allocations fédérales prévoit une allocation pour enfant de minimum 200 francs et une allocation de formation professionnelle de 250 francs par mois. Or une réglementation spéciale s’applique aux personnes travaillant dans l’agriculture. Dans leur cas, les allocations familiales sont financées par la Confédération et les cantons. Il est prévu une majoration de 20 fr. par enfant pour les agriculteurs en zone de montage. Les indépendants quant à eux financent leur allocations eux-mêmes. Ils versent un montant aux caisses d’allocations familiales par mois. Ce traitement de faveur accordé aux paysans n’est pas rationnelle­ment justifiable.

n Remboursement de l’impôt sur les huiles minérales

Les agriculteurs bénéficient d’un remboursement intégral de la surtaxe sur les huiles minérales et d’un remboursement partiel de l’impôt sur les huiles minérales pour leur production agricole. L’administration fédérale justifie cela en disant que l’application du total de l’impôt sur les carburants utilisés dans l’agriculture entraînerait l’augmentation des coûts de production agricole et donc des produits agricoles. La somme versée en 2015 s’élève à quelque 68,5 millions de francs.

«la neutralité de concurrence figure noir sur blanc dans la Loi fédérale sur l’agriculture!»

Le lobby agricole met souvent en avant que les débats en cours au Parlement ne tendent pas à introduire un privilège fiscal, mais à éviter une discrimination. Or les arts et métiers qui payent des impôts sur la revente de terrains à bâtir s’en trouvent considérablement défavorisés. Cette loi viole le principe de l’égalité de droit. Selon les mots d’Ueli Maurer, les paysans échapperaient ainsi à un régime fiscal basé sur la capacité contributive. La ristourne fiscale de 400 millions pour les agriculteurs qui vendent des terrains constructibles n’est cependant qu’un exemple parmi tant d’autres de privilèges accordés à la profession. La barque est déjà bien chargée.

L’Union suisse des arts et métiers exige l’application du principe de neutralité de concurrence, qui figure noir sur blanc dans la loi fédérale sur l’agriculture. Il est temps de prendre le problème à bras le corps et de mettre un hola à l’escalade des privilèges accordés aux paysans.

Hélène Noirjean, responsable aménagement du territoire, agriculture et commerce

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