Publié le: 8 avril 2022

MEMBRE DU COMITé DIRECTEUR

Les véritables enjeux de Frontex

La votation du 15 mai sur Frontex-Schengen représente un enjeu considérable pour les entreprises et la branche du tourisme en particulier. En cas de rejet, des difficultés d’approvisionnement pourraient survenir et la Suisse risque d’être exclue automatiquement de l’espace européen sans visa «Schengen». À elle seule, la branche du tourisme perdrait jusqu’à deux milliards de francs... par an.

La résiliation automatique conduirait au retrait de l’espace Schengen

À première vue, la votation sur le référendum du 15 mai porte sur une augmentation relativement faible de la contribution suisse à l’agence européenne de gardes-frontières et de garde-côtes, connue sous le nom de Frontex, d’environ 37 millions de francs. L’objectif est d’aider les pays qui sécurisent les frontières extérieures communes de l’Europe et accueillent les réfugié∙e·s qui arrivent, par exemple à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne. À bien des kilomètres de nous, pourrait-on penser. Le problème est qu’un vote négatif concernant Frontex déclencherait automatiquement le mécanisme de résiliation selon l’art. 7 de l’accord de Schengen entre la Suisse et l’Union européenne. Pour pallier cet automatisme juridique, la volonté unanime de tous les pays européens, autorisant la Suisse à effectivement évoluer sur une voie propre, ou du moins à organiser une seconde votation, serait indispensable. Un scénario très improbable sur lequel on ne peut pas compter pour mettre en place une planification sérieuse.

Empêcher un îlot de visas et les difficultés d’approvisionnement

Sans «Schengen», la Suisse serait un îlot de visas, car les touristes des principaux marchés éloignés hors d’Europe auraient besoin d’un visa séparé pour la Suisse. Sur la base de la part de ces hôtes dans les nuitées et de leurs dépenses quotidiennes moyennes, la perte pour l’ensemble de la chaîne de création de valeur du tourisme pourrait atteindre jusqu’à deux milliards de francs par an. À cela s’ajoutent les contrôles aux frontières, qui devraient être rétablis, car la Suisse formerait à nouveau la frontière extérieure de l’UE. Pour les hôtes, cela donnerait lieu à une bureaucratie pour voyager au lieu d’une liberté de voyager. Pour les entreprises, cela représente un risque latent de problèmes d’approvisionnement ou de retards concernant les denrées périssables.

La sécurité et la politique européenne sont également concernées

Mais Schengen représente encore bien davantage, car au-delà de notre branche, il est également important pour la sécurité de manière générale. Grâce à Schengen, la police a accès à la base de données européenne commune SIS pour la lutte contre la criminalité internationale. Les demandes d’asile déposées en Suisse peuvent être analysées grâce au Règlement Dublin lié à Schengen. À moyen terme, un «non» aggraverait également la situation de départ de la politique européenne déjà difficile de la Suisse. En cas de nouveaux blocages dans le dossier européen, non seulement les contrôles aux frontières et les dispositions en matière de visas nous pendent aux nez, mais nous compromettrions aussi un accès facile de la clientèle, des produits et de la main-d’œuvre qualifiée en provenance d’Europe. Des relations stables avec l’Europe et une politique européenne constructive sont absolument primordiales pour l’hôtellerie.

Un OUI comme en 2019

Nous avons connu une situation de départ exactement identique en 2019 avec l’adoption de la directive sur les armes, hormis le fait qu’à l’époque, le référendum avait été lancé par les tireurs et non par des groupes de gauche. L’élément déclencheur est différent, mais les arguments, les conséquences et les personnes touchées sont les mêmes. Il est donc logique qu’en 2022, l’industrie s’engage à nouveau pour le maintien de l’accord de Schengen. De Schengen dépendent la liberté de voyager, l’espace libre de visas, l’ouverture des frontières, la sécurité et les bonnes relations avec nos voisins. En revanche, avec un NON, nous finirons par «jeter le bébé avec l’eau du bain». Pour ne pas en arriver là, glissons donc un OUI dans les urnes le 15 mai.

Andreas Züllig, hôte et président d’HotellerieSuisse

*Président d’HotellerieSuisse et membre du comité directeur de l’Union suisse des arts et métiers usam

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