Publié le: 2 juin 2017

Mon sac a gagné la régate

rondechute – Dans un local branché à Fribourg, la PME produit des sacs avec des voiles 
high-tech qui ont navigué sur les mers (ou les lacs). Redémarrage réussi après un coup de mou.

Aux dernières nouvelles, il va bien! Aaron, le jeune Singapourien venu s’immerger en 2016 dans une PME suisse grâce à un stage organisé par la HEG de Fribourg, avait eu l’occasion de participer au développement d’un nouveau produit pour Rondechute, une PME fribourgeoise spécialisée dans la confection locale de sacs en tissu de voile high-tech (lire JAM 8 2016). «Après son stage, Aaron est parti au Brésil pour effectuer un autre stage, avant de rentrer à Singapour et commencer sa carrière dans le domaine financier », explique Christoph Meier, l’un des trois co-directeurs de Rondechute.

Et le projet qu’Aaron avait présenté? «Le sac étanche à deux compartiments pour les gens qui font de la voile n’a finalement pas été lancé, mais l’idée n’est pas abandonnée, explique le directeur. Ce qui n’a pas encore fonctionné, c’est la vidéo pour présenter les sacs avec le crowdfunding. Celle qui avait été développée ne nous satisfaisait pas et un bon film pour les réseaux est crucial pour le lancement!»

Durable et haut de gamme

Du reste, le programme de Singapour redémarre ces jours, avec douze étudiants, soit un nombre deux fois plus important de stagiaires que l’année dernière. Rondechute y participe cette fois encore: «Notre stagiaire va développer un nouveau projet, une étude de marché pour voir s’il s’avère possible de vendre nos sacs à Singapour, avec un côté research et un côté scénario. L’idée est aussi de développer la production de sacs en tirant parti des voiles singapouriennes trouvées sur place, comme nous le faisons ici à Fribourg. Beaucoup de gens naviguent là-bas, font de la planche et du dériveur. Il y a donc des voiles high-tech à recycler.» L’année dernière à Rio, le team de voile suisse équipé du sac Rondechute a croisé le team de Singapour, sponsorisé lui aussi par le jeune équipementier fribourgeois. Un produit durable issu du recyclage qui faisait tout son sens dans cette baie si polluée.

Du cousu main Ă  Fribourg

La décontraction est peut-être ce 
qui frappe le plus quand on rend 
visite à Rondechute. En face de 
l’ancienne chocolaterie Villars, l’un des lieux où se focalise une partie de l’activité nocturne des jeunes Fribourgeois – le mythique Frisson. Dans ces bâtiments, on déniche 
un petit restaurant, un bouquet 
d’artistes et de PME, entremêlées dans un joyeux tourbillon d’activités créatives.

L’atelier de Rondechute se trouve dans le même espace que le petit resto. Encadré par deux grandes étagères sur lesquelles se trouvent les sacs à vendre, les bureaux et l’atelier de production. Le jour de notre visite (le 11 mai dernier), Madame Siva s’arqueboutait sur sa machine à coudre. «Certains de nos visiteurs regardent les sacs et voient notre collaboratrice travailler, mais ils n’arrivent pas à croire que nous fassions tout sur place», sourit Christoph Meier. Le directeur a fait des étude d’économie à Fribourg, s’est activé au sein d’une start-up dans l’événementiel à Morat et à Berne. Puis, il fut responsable du cinéma West-Side à Berne (l’un des plus grands multiplexes de Suisse). Au final, beaucoup de mouvement, mais quelque chose lui manquait. Interview «pain sur la planche».

Et pour la suite, avez-vous encore du pain sur la planche?

n Christoph Meier: Oui, plein de projets: actuellement nous avons passé le stade du développement initial de l’idée et de sa commercialisation sur le marché. Nous avons développé un réseau de fournisseurs de voiles. Mais ce que nous visons aujourd’hui, c’est un développement en deux étapes. Nous voulons grandir dans la production et dans les ventes. Il y beaucoup à faire et sur tous les plans, des difficultés à résoudre, des projets à réaliser.

Quelles sont les difficultés?

n Nous voulons conserver un bon équilibre entre la production et la vente. Grandir, mais en faisant attention de ne pas emprunter de fausses pistes. Engager des gens qui excellent en couture et travaillent de manière précise, en se concentrant sur les détails et dont l’efficacité soit également redoutable. Il faut enfin sélectionner les bons points de vente, ceux qui mettent réellement le produit en valeur. Un produit régional fait à la main. Du recyclage, mais à partir d’un matériau très complexe et doté d’une jolie structure.

Côté fournisseurs de voiles, 
arrivent-ils à tenir le rythme et devez-vous varier vos sources?

n A une certaine période de l’année, les gens changent leurs voiles. Au début de l’année, de nombreux régatiers font faire de nouvelles voiles. Mais ils ne savent pas encore s’ils vont continuer à utiliser l’ancienne ou pas. Parfois, ils la gardent encore quelques mois. A la fin de l’été, il y a plein de voiles à prendre, mais la production augmente simultanément en raison des marchés de Noël — un créneau qui marche très bien pour nous. En début d’année, en revanche, nous n’avons plus beaucoup de choix et nous devons réactiver nos canaux. Nous travaillons de cette manière depuis quelques années et ça marche très bien.

Avez-vous des stocks conséquents?

n Voici une voile de Décision 35 (D35), un multicoque conçu pour les régates sur les lacs. C’est un gennaker de 200 m2. Nous faisons des sacs pour des clients particuliers, qui en ont besoin pour leurs sponsors ou comme prix à distribuer lors de régates. Les voiles fournies sont souvent en très bon état car elles sont utilisées une, voire deux années. A ce niveau, les gens savent bien traiter le matériel.

Combien de sacs avez-vous produits jusqu’ici?

n L’année passée, nous avons confectionné 2000 pièces avec le logo Rondechute. Mais en plus, nous avons des mandats pour des partenaires ou des clients, sans notre logo. Ici, nous avons utilisé une bâche pour un musée, des matériaux différents. L’année passée, nous avons fait entre 300 et 400 articles en bâche.

Comment Rondechute a-t-elle poussé depuis ses débuts?

n Le premier sac, ce blanc accroché au mur, a été produit en 2008, avec une voile blanche de dériveur. En 2013, les choses ont démarré avec une grande commande et une couturière professionnelle a été engagée. C’était le début, un Rondechute 1.0. En 2014, les deux frères fondateurs Alexandre et David Giovannini ont entamé leur tour du monde. Ils sont actuellement en Polynésie. Puis une autre personne a géré l’entreprise pendant une année et demie. Ces temps furent difficiles. Le succès n’était pas encore au rendez-vous. En 2015, les deux frères pensaient même arrêter. J’avais encore un 50% à disposition pour essayer de renverser cette tendance. Je me suis lancé...

Qu’avez-vous fait en arrivant?

n La première année était un peu difficile, il fallait reprendre les choses. Retravailler les contacts avec les revendeurs et les fournisseurs, les clients aussi. En 2016, nous avons doublé la production et la vente, changé le site Internet, les moyens de communication, les brochures, les flyers. Une métamorphose! Nous sommes revenus à meilleure fortune, mais il reste encore beaucoup à faire pour atteindre la taille critique que l’on souhaite obtenir.

Quelle taille visez-vous?

n Celle que le marché peut supporter et qui nous permet de rester ici dans une production locale en travaillant des matériaux recyclés. Il nous faudra quatre couturières, quelqu’un qui gère le tout et une autre personne qui puisse être responsable des ventes et du design des produits.

Vous allez travailler avec d’autres matériaux ?

n Nous nous concentrons sur les voiles. C’est quelque chose de fort et qui se raconte bien. Du reste, on ne voit pas tout de suite que c’est une voile. Notre sac ne crie pas: «Je suis une voile, je suis une voile!» Nous en vendons beaucoup dans les comptoirs, les festivals, les marchés, les régates ou d’autres événements sportifs. Parfois, la couturière m’accompagne pour montrer au public comment nous les fabriquons.

François Othenin-Girard

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