Publié le: 4 mars 2016

Ne pas enfoncer des portes ouvertes

INTéGRATION – La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga critique l’intégration «lente» des migrants au monde du travail. Elle exige plus d’engagement de l’économie. Mais tout arrive bien tard. Un projet plein de représentations erronées.

A propos de la mise en œuvre de l’initiative «Contre l’immigration de masse», le Conseil fédéral a fixé l’objectif de mieux exploiter le potentiel national et de renforcer les initiatives du monde professionnel. L’accent est mis sur les zones où la pénurie de main-d’œuvre qualifiée est particulièrement élevée, en particulier la santé et les professions techniques, la construction et l’hospitalité. Lors d’un sommet réunissant le monde professionnel en septembre 2016, les résultats seront présentés et les forces concentrées sur la mise en œuvre. En outre, le Conseil fédéral souhaite mettre en place des mesures dans l’administration et les grandes entreprises fédérales, comme les CFF, la Poste et Swisscom pour engager plus de collaborateurs sur le marché intérieur et renforcer la formation professionnelle.

Qu’entend-on par «lente»?!

Pour mieux exploiter le potentiel national, le Conseil fédéral a l’intention de lancer un programme pilote pour un apprentissage baptisé (à tort!) «pour réfugiés». L’objectif est d’intégrer les réfugiés reconnus et admis temporairement à un emploi rapidement. La conseillère fédérale Simonetta Sommaruga (PS) a critiqué l’intégration «lente» des réfugiés sur le marché du travail et demande en particulier aux secteurs de l’hôtellerie, de l’agriculture et de l’hospitalité de se réveiller. Compte tenu de l’engage­ment dont ces secteurs font déjà preuve, comme le montre l’initiative dite «RIESCO» dans la restauration. L’agriculture et la construction ne sont pas en reste, cette dernière a lancé un projet «en allemand sur les chantiers« (lire le JAM du 5 février 2016).

«C’est au tour de l’économie!»

En 2014, le nombre total de personnes prises en charge a atteint près de 15 000 personne. Huit réfugiés sur dix ont besoin de soutien. Le contexte de l’exigence Sommaruga est donc clair: la Confédération a dû dépenser, pour environ quinze mille réfugiés, beaucoup d’argent pour de l’aide sociale. Elle estime que c’est au tour de l’économie de prendre le relais.

traitement spécial? «attention au risque de porter atteinte à la haute valeur de 
l’apprentissage.»

Après tout, la Confédération a également reconnu la nécessité d’agir et voulu réduire les obstacles à l’emploi pour les réfugiés. Donc, l’employeur ne devrait pas avoir besoin à l’avenir d’une autorisation spéciale. La taxe spéciale de 10% sur ​​les salaires de réfugiés devrait être abolie. Quels employeurs voudraient seulement employer des personnes admises à titre provisoire? Les entreprises doivent planifier à l’avance! L’engagement et la formation du personnel coûte de l’argent et prend des ressources de temps.

Une critique de l’économie 
à côté de la plaque!

Et pourtant, disons-le clairement: la critique larvée que le Conseil fédéral adresse à l’économie est complètement hors de propos. Tant l’industrie hôtelière que la construction ont des projets pilotes déjà en route. A mentionner encore le fait que, lorsque que le Conseil fédéral identifie dans le travail à basse qualification un potentiel pour les réfugiés et les personnes admises à titre provisoire, il doit aussi prendre en considération les différentes conditions nécessaires au succès de son opération. En voici quelques-unes:

n Pour une intégration réussie, il faut une intégration linguistique précoce. Les personnes sans compétences linguistiques appropriées ne peuvent pas être utilisées de manière efficace dans le travail à basse qualification.

n Le concept d’un «apprentissage pour réfugiés» envoie un mauvais signal. Non pas le fait que les réfugiés et les personnes en admission temporaire fasse un apprentissage. Ceci n’est pas en soi négatif. Ce qui l’est, c’est l’idée que cela doit êtreréalisé avec les instruments existants. L’existence de traitements spéciaux fait courir le risque de dévaloriser l’apprentissage et la formation professionnelle. Par conséquent, il faut absolument aucun nouvelle création, les réfugiés et personnes admises temporairement doivent être qualifiés dans le cadre de la formation normale. C’est encore plus important que celui des programmes liés à l’assurance invalidité (AI).

n Si la Confédération exige, durant la phase pilote, entre 800 et 1000 places, cela devrait être de manière coordonnée et préparée avec l’économie. Sinon le risque de fausses attentes va devenir très élevé.

Berne en pleine opposition!

Lorsque la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga exige de la souplesse et une remise en cause de l’économie, nous voyons surtout la nécessité d’établir des conditions-cadres. Avec la suppression du devoir d’annonce et la suppression de la taxe spéciale, le Conseil fédéral réalise certes un premier pas.

«il est nécessaire 
de déconstruire 
la réglementation.»

Toutefois, cela suscite aussi bien des inquiétudes par rapport à d’autres exigences dans le pipeline – à propos de la révision de la loi sur l’égalité notamment. A savoir que l’employeur fédéral exige que tous les employeurs privés soient eux aussi dans l’obligation d’effectuer une analyse de leurs pratiques salariales par un opérateur externe. Puis, de manière tout aussi obligatoire, qu’ils informent tous leurs collaborateurs sur le résultat dudit examen (lire page 5 dans cette édition). Cette politique d’opposition à l’économie doit cesser. Ce qui est nécessaire, c’est de déconstruire la réglementation. C’est pour cela que l’usam se battra de manière conséquente.

Dieter Kläy, usam

d.klaey@sgv-usam.ch

construction

Valoriser ce qui existe

Depuis plusieurs années, les métiers de la construction s’engagent pour une meilleur intégration des travailleurs étrangers. Comme avec le projet «En allemand dans les chantiers» (lire notre consoeur, die Schweizerische Gewerbe Zeitung, du 22 janvier dernier). Rien qu’en 2015, plus de 400 migrants ont pris part à ce programme.

Au plan cantonal, soulignons la réussite du projet «Perspektive Bau», que l’Association des entrepreneurs de la construction ont lancé dans le canton de Lucerne (voir la photo ci-contre). Il s’agit d’un cours préparatoire d’une année durant que le migrant termine par un mois de stage pratique dans une entreprise du secteur. Il ne s’agit pas seulement de rudiments, mais de parvenir au niveau B1. Au cours d’une deuxième étape, ils se familiarisent notamment avec les valeurs et les fondamentaux du monde du travail suisse. Les candidats doivent être au bénéfice du statut de réfugié et disposer d’une attestation ou d’un certificat d’apprentissage dans le monde de la construction. Une tentative similaire est en cours dans le canton de Berne. Mais cela ne servirait à rien de réinventer la roue. Le Conseiller d’Etat Guido Graf estimait, lors du lancement du projet «Perspektive Bau» que les règles existantes suffisaient amplement. Comme il le disait en substance: «Après tout, qui mieux que l’industrie sait quelles sont les compétences qu’il est nécessaire d’apporter aux employés et à toutes les personnes qui entrent en formation.»

L’HÔTELLERIE ET LA RESTAURATION SOUTIENNENT LE PROJET RIESCO

«Un concept erroné auquel nous nous opposons dès le début!»

Max Züst, directeur de Hotel & Gastro formation, s’oppose à cecontresens, un «apprentissage pour réfugiés» et montre ce que la branche a déjà réalisé jusqu’ici pour l’intégration des migrants par le projet «RIESCO» (lire ci-dessus).

Journal des arts et métiers: quel bilan tirer de RIESCO?

nMax Züst: Il s’agit de préparer les réfugiés et les personnes temporairement admises sur le marché du travail à l’obtention d’une qualification professionnelle dans les domaines de la cuisine, du service et de l’intendance, par des stages et la transmission de qualifications. Le secrétaire Mario Gattiker a déclaré lors d’une cérémonie de remise des certificats RIESCO, il y a deux ans, que notre programme figurait parmi les meilleurs de toute l’économie suisse au plan du travail d’intégration durable.

Combien de personnes ont-elles déjà reçu un tel certificat?

n Nous avons formé 300 personnes en neuf ans. Pendant neuf ans, le programme RIESCO a été donné avec succès, comme le montre le fait que 80% des diplômés environ ont trouvé un emploi ou un apprentissage.

A partir de Lucerne et Zurich, faut-il élargir cette expérience?

n Nous sommes ouverts à offrir ce programme à d’autres régions qui le souhaitent. Des demandes sont en cours et certaines régions ont montré leur intérêt. Je peux vous dire que nous allons bientôt entamer des négociations concrètes avec un autre canton.

Que pensez-vous de cet «apprentissage pour réfugiés»?

nDepuis le début, nous nous sommes opposés à cette terminologie trompeuse, d’un «apprentissage pour réfugiés» qui suggère qu’une formation professionnelle de base est donnée, ce qui est faux. De toute façon nous n’arrivons plus à faire comme si le concept n’existait pas. Mais cela fait longtemps que nous faisons déjà ce que la Confération voudrait réaliser avec ses mesures. RIESCO répond déjà à ces exigences. Et rien ne s’oppose à ce que d’autres secteurs fassent leur part du chemin. Le pré-apprentissage comprend pour sa part déjà des mesures en faveur de l’intégration, l’employabilité, le développement des compétences linguistiques, ainsi que l’entrée sur le marché du travail et dans le système de formation professionnelle. Pour toutes les autres étapes, notre branche garantit la perméabilité de son marché du travail. Il y a donc redondance avec les objectifs Riesco. Dans le secteur de la restauration, un certificat de formation de courte durée modulaire est conçu pour répondre aux exigences de perméabilité. À la fin du certificat fédéral de base, il possible d’obtenir un CFC. Ainsi, les portes du diplôme fédéral restent ouvertes.

jst

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