Publié le: 6 février 2015

Nouvel esprit des 3 Vallées

sara rossi – La rédactrice en cheffe de la Rivista 3 Valli, éditée par les Editions JAM à Prosito, commente l’évolution des entreprises et les valeurs dans cette région qu’elle arpente.

Journal des arts et métiers: Comment percevez-vous la situation dans cette région suite à l’annonce de la BNS?

n Sara Rossi: Nous peinons encore à mesurer les effets de cette décision, mais je pense que nous ne devons pas avoir plus peur que d’autres régions du pays, tout aussi exposées. Ce n’est pas une spécificité tessinoise! Beaucoup d’entreprises qui sont actives dans la région des trois vallées disposent surtout d’une clientèle suisse et tessinoise, ce n’est pas comme à Lugano où les grandes entreprises, le tourisme, les services 
et l’industrie d’exportation prédominent.

Comment décririez-vous l’évolution de l’économie de ces trois vallées dans lesquelles vous exercez votre métier de journaliste?

nLa Riviera est plus tournée vers Bellinzone, dont elle devient un peu une périphérie résidentielle. Il y a peu d’entreprises, à part les carrières de granit. Il existe toutefois un petit miracle international, la Airlight Energy de Biasca. Cette entreprise innovatrice exporte ses capteurs solaires jusqu’au Maroc. La deuxième vallée est celle de Blenio, avec ses beautés naturelles un peu menacée par l’autoroute. Un projet d’établissement thermal fait parler de lui depuis trente ans. Lors de la dernière tentative, les investisseurs ont finalement renoncé, mais le projet était à bout touchant… Il y a aussi l’idée d’un Parc national avec les Grisons et quelques communes du Tessin. Cela permettrait l’émergence de petits artisans, fromagers, producteurs de laine, de tisanes, de bonbons aux herbes, d’écharpes, tout un monde de petits métiers. Comme une pluie bénéfique à toute la région…

Et la troisième vallée?

nIl s’agit de la Leventina et son histoire liée à celle du chemin-de-fer et de l’autoroute, du Gothard, des aciéries et des fabriques des années 1960. Ces dernières sont désormais abandonnées et certaines structures sidérurgiques marquent encore le paysage. Pour ma part, je trouve cela un peu sinistre. Ici aussi, de nombreux hôtels et restaurants ont dû cesser leur activité. Sur les hauteurs, un travail se fait pour relancer l’économie locale. Parviendra-t-on à attirer les investissements? Un projet de roseraie sous serres a été abandonné, semble-t-il, en raison de problèmes liés à des obstacles bureaucratiques. Nombreux sont ceux qui comparent le Tessin avec le Valais en expliquant que, là-bas, tout est possible pour un entrepreneur!

 

Sur quelles valeurs l’économie tessinoise peut-elle tabler?

nSur les hauts de Locarno, il existe un village dans lequel des jeunes ont repris une épicerie qui devait fermer. Ils la tiennent à tour de rôle et font un peu de résistance! Il y a aussi une crèche qui a connu un succès exceptionnel. Ou un petit agritourisme situé pas très loin de falaises de grimpe, un sport d’aventure très en vogue au Japon et aux Etats-Unis. Du coup, cet endroit est mentionné dans les guides spécialisés. Une nouvelle clientèle associe désormais le Tessin à ce sport, même si de nombreuses personnes de la région ignorent tout ­cela. Deux filles ont décidé de reprendre un B&B pas très loin. Elles organisent des soupers-crêpes en associant la population locale à leur démarche. Nombreux sont ceux qui se lancent. Ainsi, mon mari et son frère ont lancé une PME qui réalise des films vidéo pour les entreprises, une offre qui n’existait pas jusqu’ici, car les gens faisaient faire cela en Italie. Un nouvel esprit entrepreneurial tend donc à voir le jour.

Quelle est la ligne de votre journal, la Rivista 3 Valli?

nNous essayons de parler des gens qui vivent et travaillent ici, dans leur grande diversité, en lançant une réflexion sur l’avenir, le passé et le présent. Nous essayons de leur amener quelque chose de substantiel. Quels sont les rêves de cette région? Qui sont ceux qui ont quelque chose à raconter? Il y a aussi les Tessinois qui sont partis au loin. Un jour, j’irai interviewer Manuel Valls qui a gardé une attache sentimentale forte avec notre région. (Réd.: la mère de Valls, Luisangela Galfetti, vient de Ludiano, près de Biasca, et son oncle, Aurelio Galfetti, est un architecte connu.)

Propos recueillis

par François Othenin-Girard

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