Publié le: 5 novembre 2021

Numérisation: le lièvre ou la tortue

Ces dernières années, nous entendons de plus en plus parler de l’importance de disposer d’une stratégie d’informatisation et de numérisation. Il est vrai que la révolution que nous avons vécue, et que nous vivons actuellement, pose un certain nombre de questions et de défis, mais crée aussi de formidables opportunités.

Malheureusement, la Suisse, qui a eu tendance à fonder son succès sur le fait d’être un pays efficace et innovant, est réellement très en retard à cet égard. Cela est vrai même en comparaison avec les pays européens qui ne sont certainement pas les premiers de la classe.

Le problème réside dans le fait que dans ce domaine – et nous le constatons au quotidien – l’écart devient immédiatement significatif: à l’ère du numérique, avoir quelques années de retard équivaut presque à être à une époque. Pensons, par exemple, au fait qu’au début de la pandémie, certains chiffres et données n’étaient pas toujours fiables parce qu’ils étaient transmis par fax des cantons à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). C’était en 2020, pas en 1980. Il est facile d’imaginer qu’il existe de nombreux autres domaines où la situation n’est malheureusement guère meilleure.

Les raisons sont probablement à chercher dans un esprit parfois trop conservateur et peut-être trop soucieux de la protection des données, sauf lorsqu’il s’agit de partager nos vies sur les réseaux sociaux. Ce facteur est combiné à des institutions fragmentées par le fédéralisme, et qui ont donc un peu de mal à une époque où le partage est souvent la clé. Ces deux éléments risquent donc de constituer un frein important à ce développement.

Il est important de noter que lorsque nous parlons de numérisation, il ne s’agit pas simplement de transférer des processus familiers et consolidés du papier à l’écran d’ordinateur, mais plutôt de repenser entièrement la manière dont les données et les flux sont gérés, en dépassant les limites des structures administratives individuelles, tant au niveau institutionnel (Confédération, cantons et communes) qu’à l’intérieur de celles-ci (avec le fameux et redouté départementalisme). En bref, nous devons repenser notre façon de travailler, en plaçant l’utilisateur au centre, et le fait que c’est l’utilisateur (qu’il s’agisse d’une entreprise ou d’un individu) dont la vie doit être simplifiée au maximum, contrairement à ce qui se passe parfois aujourd’hui, où l’approche semble être de simplifier le travail de l’administration.

Par exemple, il convient d’appliquer le principe du «one-only», c’est-à-dire que les données ne doivent être fournies qu’une seule fois et non à chaque bureau. Cela devrait être la règle. Or, ce n’est pas le cas et les citoyens et les entreprises ont tendance à devoir continuer à fournir des informations que l’État possède déjà ou qui – et cela frise l’absurde – sont «produites» par d’autres services de l’État lui-même. Ou le fait qu’en 2021, il ne soit toujours pas possible de traiter avec les institutions de manière entièrement numérique, laissant le mode «traditionnel» comme une solution pour ceux qui le souhaitent, mais pas comme une règle ou un moyen privilégié.

Faire le saut demanderait un peu de courage, un changement de paradigme, et surtout la conscience que si nous poursuivons au rythme actuel, qui est beaucoup trop lent, non seulement la patience des utilisateurs s’en trouvera affectée, mais aussi une partie de notre compétitivité.

C’est pourquoi il est nécessaire et stratégique que les trois niveaux institutionnels donnent réellement un coup de pouce convaincu, en partageant peut-être les solutions qui fonctionnent, dans ce domaine pour faire en sorte que la tortue devienne le plus rapidement possible un lièvre. Nous aurions tous à y gagner.

*conseiller national (PLR/TI).

alex.farinelli@parl.ch

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