Publié le: 9 août 2019

«Négligent et précaire»

RÉVISION LPP – La conseillère nationale Verena Herzog (UDC/TH) craint un conflit de générations: «Les générations futures devront payer le prix fort pour ce gâchis.» S’éloigner du modèle des trois piliers serait une «politique irresponsable».

Journal des arts et métiers: Le taux minimal de conversion du deuxième pilier est depuis longtemps trop élevé. Est-ce grave?

Verena Herzog: La situation est grave. Il y a déjà une redistribution des jeunes vers les personnes âgées dans le 2e pilier. Cela n’était pas prévu et pèse sur le capital-retraite de la génération active. Ces lacunes devront ensuite être comblées à nouveau par les jeunes. C’est une spirale négative irresponsable, une sorte de boule de neige.

Le taux de conversion minimum est un paramètre technique. Cependant, les politiciens sont responsables des ajustements. Est-ce que cela fait sens?

Comme vous pouvez le constater, la politique n’est pas la bonne autorité pour déterminer le taux de conversion minimum. Ces paramètres techniques devraient être dépolitisés et liés, par exemple, à l’espérance de vie.

Dans la révision LPP, l’Union patronale soutient le modèle syndical qui prévoit une redistribution dans le deuxième pilier. Qu’en pensez-vous?

C’est irresponsable de jeter par-dessus bord notre modèle des trois piliers qui a fait ses preuves. Le 2e pilier sera alors comme le 1er pilier, une machine à redistribuer que vous n’enlèverez jamais. Les générations futures devront payer cher ce gâchis.

«les paramètres techniques devraient être dépolitisés.»

Mais dans notre pays prospère, pourquoi s’opposer à l’augmen­tation des prestations et à un supplément de pension?

Quelqu’un doit payer pour cette augmentation. Nos PME seraient les plus durement touchées. Aucun de nos services sociaux n’est solidement positionné. Il est négligent et irresponsable de penser à l’augmentation des prestations dans ce domaine.

Le monde entier admire la Suisse pour ses trois piliers. Craignez-vous qu’en abandonnant le principe des cotisations dans le deuxième pilier, ce modèle soit mis en péril ?

Oui, je le crains effectivement. Notre système a fait ses preuves depuis longtemps. Le fait que l’Union patronale soit en train de bousculer l’idée de proposer des améliorations structurelles est plutôt inquiétant.

Le modèle signifierait également que les personnes âgées à revenu élevé devraient être subven­tionnées par les jeunes. Est-ce politique­ment acceptable?

Non. Avec des institutions de redistribution aussi importantes, il y a toujours de fausses incitations et de nouvelles injustices. Ensuite, un changement de réglage d’un côté provoque des dysfonctionnements de l’autre. La redistribution des jeunes vers les personnes âgées ne devrait pas faire partie du deuxième pilier. Il y a fort à craindre que le conflit des générations continuera de s’intensifier.

«BIENTÔT, LES SYSTÈMES DE REDISTRIBUTION NE SERONT PLUS finançables.»

Craignez-vous un conflit de générations?

Cela risque d’empirer. Bientôt, ces systèmes de redistribution ne seront plus finançables. L’AVS sera elle aussi très vite de nouveau dans le rouge. Et ainsi, nous transférerons les problèmes aux générations futures.

Quel serait l’impact d’une augmentation des pourcentages pris sur les salaires pour la place économique suisse?

La Suisse perdrait de son attrait en tant que place économique. Nous avons déjà des coûts salariaux élevés, mais avec l’augmentation des prélèvements la situation ne ferait qu’empirer.

Si la déduction de coordination était réduite de moitié, les secteurs à bas salaires seraient les plus durement touchés. Est-ce que cela fait sens?

La réduction de la déduction de coordination entraîne également des coûts supplémentaires et constitue une augmentation. Mais pour pouvoir amortir partiellement l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes, qui aurait dû être repoussée depuis longtemps, étant donné qu’une grande partie des femmes travaillent à temps partiel, il conviendrait d’envisager au moins une réduction de la déduction pour coordination.

«UNE AUGMENTATION N’EST PAS NÉCESSAIRE.»

L’usam a présenté son propre modèle (voir encadré), qui s’abstient délibérément d’étendre les prestations et d’augmenter les pourcentages de salaire. Elle se limite à compenser les pertes résultant d’une réduction du taux de conversion minimal. Comment évaluez-vous cette approche?

Cette approche doit être suivie. Nous ne pouvons pas éviter de nous attaquer aux causes profondes des problèmes. La réduction du taux de conversion doit, bien entendu, être amortie. Toutefois, il n’est pas nécessaire de l’augmenter, et il n’y a aucune raison de le faire.

Le conseiller fédéral Alain Berset souhaite que le modèle syndical soit adopté par le Parlement rapidement et sans modifications majeures. Va-t-il réussir ou le Parlement apportera-t-il d’autres correctifs?

Dans le cas d’un Parlement bourgeois, il se peut qu’il y ait des corrections. Mais si l’économie suisse n’est plus unie par notre modèle de réussite libéral et autonome, avec un Etat maigre et des systèmes de protection sociale intelligents, le houblon et le malt seront probablement perdus.

Interview: Adrian Uhlmann

trajectoire

Verena Herzog (63 ans) représente l’UDC thurgovienne au Conseil national depuis 2013. Elle est membre de la Commission de la science, de l’éducation et de la culture et de la Commission de la sécurité sociale et de la santé. Cette institutrice de maternelle diplômée est mariée et a trois enfants. Depuis 2001, elle est directrice générale d’un cabinet d’orthodontie. En octobre, Verena Herzog briguera à nouveau un siège au Conseil national.

www.verena-herzog.ch

position de l’usam

Maintien du principe des 3 piliers

Une réduction du taux de conversion minimal, amortie par l’augmentation des bonifications de vieillesse et des mesures en faveur de la génération transitoire: tels sont les chiffres clés du modèle de l’usam pour la révision LPP. Contrairement au modèle syndical, qui est soutenu par l’Association patronale, le modèle de l’usam ne prévoit pas d’augmentation des prestations ni de redistribution dans le deuxième pilier. Le principe des trois piliers est maintenu. Le modèle de l’usam coûte environ un milliard de francs de moins que le contre-modèle.

L’approche de la plus grande association faîtière de l’économie suisse s’abstient délibérément d’augmenter les pourcentages salariaux ou d’adapter la retenue de coordination.

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