Publié le: 8 septembre 2017

Où trouver tout cet argent?

prévoyance vieillesse 2020 – Le champion olympique de judo Sergei Aschwanden se fait du souci pour les jeunes si cette réforme passe. Les dégâts à la Suisse seraient terribles selon lui.

Journal des arts et métiers: Qu’est-ce qui vous pousse à vous engager dans cette campagne?

n  Sergei Aschwanden: J’ai à cœur de contribuer à trouver des solutions pour une prévoyance vieillesse pérenne et qui respecte le contrat entre les générations. Le projet, adopté à une très faible majorité par les Chambres fédérales, ne résoudra pas les problèmes de financement. Au contraire, il les aggravera. Il prévoit d’augmenter les prestations alors même que l’AVS est déjà déficitaire. Il veut taxer davantage les salariés et les entreprises pour financer des prestations supplé­men­taires offertes à tous les nouveaux rentiers alors que, nous le savons déjà, ces prestations rendront l’AVS déficitaire d’ici une dizaine d’années.

Qu’est-ce qui vous frappe?

n Cette réforme est particulièrement injuste. Elle oppose les générations, en effet les retraités actuels ne toucheront pas un franc de plus. Pendant des années, les jeunes financeront la facture de l’AVS, alors qu’ils ne seront même pas sûrs de toucher un jour leur propre rente. Le financement de cette réforme n’est pas viable à long terme, un déficit est déjà à prévoir dès 2027.

«Pendant des années, les jeunes financeront la facture de l’AVS. ils ne seront même pas sûrs de toucher un jour leur propre rente.»

Pour quelles raisons Prévoyance 2020 est-elle une mauvaise réforme?

n Cette réforme met en danger la 
pérennité de notre AVS. Elle tend à la fragi­li­sation de la prévoyance professionnelle. Idéologiquement, la gauche souhaite renforcer l’AVS au détriment de la prévoyance professionnelle. Le projet de Prévoy­ance 2020 oppose les jeunes, qui paieront davantage tout en voyant diminuer leurs chances de toucher une rente, à la génération des baby-boomers, qui n’aura pas de perte de rente et touchera le supplément de 70 francs. Les rentiers actuels, eux, seront soumis comme tout un chacun à la hausse de la TVA, mais ne toucheront pas le supplément de rente.

De plus, cette réforme offre un court répit à l’AVS. Si elle est acceptée, un déficit est déjà attendu en 2027. Il nous faut une vraie réforme pérenne. Il est tout de même curieux que, confronté à un déficit structurel, on songe à augmenter les prestations. Je souhaiterais une réforme qui permette réellement de résoudre les problèmes financiers de l’AVS et qui prenne en compte toutes les générations.

 

Quels sont les enjeux, concrètement, pour les jeunes actifs?

n Cette réforme met en danger le contrat intergénérationnel. Les jeunes actifs verront leurs cotisations salariales augmenter, ils payeront davantage de TVA et financeront la hausse des mesures compensatoires. Pour être concret, un jeune actif de 35 ans ayant un salaire annuel de 80 000 francs payera 895 francs supplé­men­taires par an au titre des cotisations salariales. Il devra s’acquitter de la hausse de la TVA de 0,6 points. Tout cela, sans avoir la certitude de pouvoir un jour bénéficier de cette assurance. En effet, si cette réforme est acceptée, un déficit est attendu en 2027 déjà et atteindrait 3 milliards en 2030. Il est particulièrement difficile pour un jeune actif d’accepter de payer davantage de charges tout en sachant que ses prestations dans la prévoyance professionnelle vont baisser, alors que la génération dite de transition verra elle ses prestations maintenues.

 

Dans quelle situation seraient les PME si ce projet passait?

n Les PME seront confrontées à la hausse de 250 millions par an des cotisations employeurs dues à la suppression de la franchise. La TVA augmentera, ce qui rendra la compétitivité des PME locales plus difficile. De plus, la Confédération devra injecter quelques 700 millions de francs supplémentaires par an dans l’AVS. On se demande où elle trouvera tout cet argent. Les PME suisse sont déjà confrontées à un contexte concurrentiel difficile dû au franc fort et à la concurrence inter­na­tio­nale, augmenter les charges des PME aujourd’hui c’est mettre en danger les emplois de demain.

 

Quels enjeux pour les jeunes entrepreneurs?

n Les jeunes entrepreneurs verront leurs charges de prévoyance vieillesse aug­men­ter, la compétitivité de leur entreprise sera rendue plus difficile. Ils ne pourront pas être sûrs de toucher une rente le moment venu, car cette réforme met l’AVS durablement en danger. De par mon activité professionnelle, je suis inquiet des difficultés supplémentaires imposées par cette réforme aux entrepreneurs et à leurs sociétés.

 

Comment voyez-vous la situation comme futur rentier (dans quelques années)?

n Personnellement, je ne fais pas partie de la génération dite de «transition». Je subirai donc l’augmentation des prélèvements salariaux, en plus de l’augmentation de la TVA et il est peu probable, en vue du déficit annoncé, qu’une fois arrivé à l’âge de la retraite je puisse toucher les 70 francs supplémentaires que mes efforts auront financés. Ce qui est navrant, c’est que cette réforme se fait sur le dos des plus jeunes contributeurs à l’AVS et qu’elle diminue encore plus leurs chances de bénéficier un jour des prestations du premier pilier.

 

Comment comprenez-vous la situation des femmes? Comment réagissent-elles autour de vous?

n Les femmes devront donner plus pour des cacahuètes… voire même pour rien du tout. En effet, elles verront leur âge de départ à la retraite relevé à 65 ans, subiront l’augmentation des déductions salariales et de l’AVS et au final, tous leurs efforts sont réduits à néant par l’extension de l’AVS. Cette réforme demande un effort particulier aux femmes, mais ne leur assure rien de plus. Elles financeront, par leur année de travail supplémentaire et la hausse de leurs cotisations salariales, l’augmentation généralisée des 70 francs de l’AVS. Autour de moi, j’ai de la peine à trouver des femmes convaincues par ce projet.

 

Quels sont les enjeux pour les bénéficiaires de prestations complémentaires (PC)?

n L’augmentions de 70 francs par mois de la rente AVS entrainera une diminution équivalente des prestations complémentaires. Il faut aussi rappeler que contraire­ment aux prestations complémentaires, les rentes AVS sont imposées. La réduction des prestations complémentaires peut faire perdre le droit à l’exonération de certains frais, tels que la redevance Billag par exemple. Les rentiers les plus modestes seront perdants.

 

Quel est le pire argument invoqué par le camp du OUI et comment y répondez-vous?

n L’argument de la pérennisation de l’AVS par la réforme de la Prévoyance 2020 est particulièrement risible. Cette réforme amène à un déficit prévu de l’AVS dans 10 ans déjà. Et un trou de plus de 7 milliards en 2035.

«je suis inquiet des difficultés supplémentaires imposées par cette réforme aux entrepreneurs et à leurs sociétés.»

Nous devons faire une réforme qui assure les rentes à long terme, nous le devons à nos concitoyens. Nous devons apporter des solutions pour les défis de la prévoyance professionnelle dans le deuxième pilier et non pas arroser tous les rentiers avec 70 francs supplémentaires par mois dans le premier pilier.

 

Que pense-t-on de cette question dans le monde du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration?

n Dans un contexte de franc fort et d’environnement fortement concurrentiel avec l’étranger, il est contre-productif de demander une hausse des cotisations de l’employeur dans le domaine du tourisme. On ne donne pas envie à ceux qui hésitent à s’implanter chez nous. Par ailleurs, la hausse prévue de la TVA rendra la Suisse moins attractive et plus chère pour les visiteurs face à ses voisins. La hausse de la TVA et des cotisations employeurs reviendrait à se tirer une balle dans le pied pour les hôteliers et les restaurateurs.

Interview: 
François Othenin-Girard

trajectoire

Sergei Aschwanden

Né à Berne en 1975 d’un père uranais et d’une mère keyniane, Sergei Aschwanden grandit à Bussigny, près de Lausanne, et apprend le judo avec Maître Kazuhiro Mikami. On le retrouve à Macolin dès 2001. Ses 304 victoires par Ippon ont permis au champion olympique d’acquérir un exceptionnel palmarès: médaillé de bronze aux Jeux Olympiques 2008 à Pékin, d’argent et de bronze aux Championnats du Monde en 2003 et 2001. Revenu en Suisse romande, il est actuellement directeur de station à Villars, un poste qui englobe tourisme et sport. Il s’active comme député au Grand Conseil vaudois au sein du groupe PLR.

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