Ils vendaient des hedge funds et des produits dérivés, ils se mettent au goût du jour. Rien d’original: tout ce qui augmente le bonus est bon par définition! Depuis quelques années, des termes comme ESG ou durabilité ont fait leur entrée dans le monde de l’investissement et de la finance. La confrontation actuelle avec ces notions semble être un fait social total, mais parfois on tombe dans la superficialité en identifiant trop rapidement ESG et durabilité. Les deux sont encore plus vite réduits à la protection de l’environnement ou, plus étroitement encore, à la protection du climat. Il est rare que toutes les dimensions couvertes par ces notions soient abordées. En l’occurence, les conflits d’objectifs ne sont pratiquement jamais abordés.

Deux exemples permettent d’illustrer ce point. Le premier: le développement social des pays nécessite souvent l’utilisation, voire la dégradation, de l’environnement naturel. Il n’est par exemple pas possible de sortir l’Inde de la pauvreté sans utiliser la nature à son détriment. Comment un investissement conforme aux critères ESG doit-il gérer ce conflit d’objectifs?

Deuxième point: du point de vue de la protection du climat, l’électrification est très bien adaptée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Si elle ne fonctionne qu’avec des sources d’énergie primaire non émettrices. Mais l’électricité éolienne, solaire et hydraulique se fait au détriment de la biodiversité. Comment un investissement durable doit-il se comporter face à ce conflit d’objectifs?

Bien sûr, ces deux conflits d’objectifs peuvent être résolus par une pesée d’intérêts. Mais c’est précisément cette possibilité de résolution pratique au cas par cas qui montre qu’il ne peut pas y avoir de formule générale pour l’ESG ou la durabilité. Le cas par cas n’est possible que via un jugement de valeur. Qu’est-ce qui est le plus important, la lutte contre la pauvreté ou l’intégrité environnementale, la protection du climat ou la biodiversité? Tout de suite apparaît un corrélat important: le développement de méthodologies se révèle être un combat contre des moulins à vent. S’il faut impérativement des jugements de valeur pour mettre en œuvre l’ESG et la durabilité, il faut alors se demander quelles valeurs sont mises en œuvre.

Dans la plupart des cas, plusieurs acteurs sont impliqués. Il n’est donc pas possible d’attribuer à l’un d’eux un jugement de valeur. On voit vite que la discussion sur les jugements de valeur sera déjà compliquée et conflictuelle. La prise en compte de l’ESG ou de la durabilité conduit à davantage de frictions, à une moins bonne gouvernance et ouvre ainsi un potentiel d’arbitrage pour toutes les personnes impliquées. L’ESG affaiblit la gouvernance et la durabilité est une porte ouverte à l’optimisation à court terme.

Ces deux aspects expliquent probablement leur popularité croissante parmi les fournisseurs de services financiers. Là où la gouvernance est affaiblie et où les objectifs à court terme peuvent être mis en œuvre de manière semi-clandestine, il existe un potentiel de profit et de bonus. Cette fois, le bonus est même célébré par le public avec de la limonade et de l’accolade.

Que faire? Les placements financiers doivent rapporter, rester liquides et être sûrs en fonction des risques. Il est déjà difficile d’y parvenir. Rendre ce processus encore plus compliqué avec des frictions et des débats de valeurs supplémentaires est dommageable.

ESG, durabilité, compatibilité climatique, social et autres slogans sont donc nuisibles. Ils compliquent l’activité d’investissement et compromettent la rentabilité, la liquidité et la sécurité. Ils sont donc exactement le contraire de ce qu’ils prétendent être. Comme dans le cas des hedge funds et des bulles immobilières, l’ampleur des dégâts ne peut être constatée qu’a posteriori. Henrique Schneider, usam