Publié le: 25 janvier 2019

«Plus de PME sous la Coupole»

JEAN-FRANÇOIS RIME – Le président de l’usam, conseiller national, est aussi l’un des rares entrepreneurs du camp bourgeois. Il s’exprime sur les dossiers politiques importants pour la Suisse – en cette année d’élections fédérales.

Journal des arts et métiers: En ouverture de cette année électorale, quel est le message à apporter aux PME et au monde politique suisse?

Jean-François Rime: Il faut viser cet automne un Parlement qui soit favorable à l’économie et soutienne les PME dans les combats que nous aurons à mener. Nos parlementaires sont issus des partis bourgeois, PLR, UDC, PDC. Cela dit, nous devrions avoir plus d’entrepreneurs sous la Coupole, tout spécialement en Suisse romande!

«L’initiative sur le mitage serait une catastrophe pour toute l’économie.»

Vous êtes en effet l’un des rares Romands à être simultanément parlementaire et entrepreneur. Est-ce si difficile de concilier et donc d’attirer les chefs d’entreprise en politique?

Le problème des chefs d’entreprise reste la surcharge de travail: j’ai la chance d’avoir trois fils qui s’activent dans mes entreprises. En étant au National, je ne suis pas toujours derrière eux à contrôler ce qu’ils font. Ce point peut être sensible lors d’une succession. À Fribourg, je verrais un entrepreneur, Eric Collomb, à la tête d’une entreprise de transports: il était premier des viennent-ensuite pour le PDC et il pourrait être élu puisque Dominique de Buman ne se représente pas.

Vos trois fils s’intéressent-ils toujours à la politique?

Oui, bien sûr, les trois sont inscrits à l’UDC: l’un était conseiller général à Fribourg, mais il a déménagé. Le deuxième est conseiller général à Bulle et le troisième premier des viennent-ensuite à Bulle également.

Comment un entrepreneur peut-il obtenir son «tiquet» pour Berne?

Il n’est pas évident de se faire élire au Conseil national. Les prétendants se bousculent. Cet automne à Fribourg, nous aurons vraisemblablement entre 80 et 100 candidats. Ce que je conseille à tout jeune qui souhaite entrer en politique, c’est d’opter pour un parti qui gagne et obtient des sièges! À cet égard, le système proportionnel représente une difficulté supplémentaire. Et puis surtout, il faut pouvoir être en tête de liste.

Quelles sont les priorités politiques pour cette année?

Aux premières loges, je vois le projet fiscal (PF 17/RFFA). Bien que je ne sois pas personnellement très favorable à cet amalgame entre AVS et fiscalité, il se trouve que personne n’a proposé de meilleure solution. Mieux vaut en tout cas mêler l’AVS à la fiscalité plutôt que les allocations familiales, comme le Conseil fédéral le prévoyait maladroitement dans son projet initial. Parmi les autres dossiers importants, les assurances sociales sont cruciales, compte tenu du vieillissement de la population et des coûts de la santé qui augmentent.

Comment le projet fiscal peut-il l’emporter devant le peuple? À savoir, que doit faire le CF Maurer pour obtenir une victoire?

Vous avez vu la bataille au Congrès du PS? Il faudra prendre le temps d’expliquer qu’il n’y a pas d’autre porte de sortie. Et que ce compromis non orthodoxe est nécessaire pour avoir un maximum de soutiens. La grande difficulté, c’est qu’il sera voté au plan fédéral, puis appliqué dans les cantons. Celui de Berne l’a déjà refusé. À Fribourg, le Grand Conseil a soutenu la variante fribourgeoise en décembre. Mais la gauche a déjà annoncé qu’elle allait faire un référendum. Ce projet n’est pas une invention de la Suisse et de son Parlement: il nous a été imposé de l’extérieur par une organisation internationale.

Un autre sujet vous tient à cœur?

La loi sur les armes: nous ne devrions pas nous laisser imposer des mesures par l’UE et tout changer à chaque fois qu’elle durcit ses directives, comme c’est le cas à cause de la situation française. Tout cela ne tient pas la route. Ce ne sont pas les tireurs et les chasseurs qui font un mauvais usage des armes. Étant moi-même chasseur, je trouve totalement absurde l’idée d’un désarmement général!

À quoi nous conduirait l’initiative des Jeunes Verts contre le mitage?

Elle serait catastrophique pour l’économie, petites et grandes structures. Aujourd’hui déjà, il est très difficile de trouver des terrains abordables pour déplacer une entreprise, surtout si on a besoin d’une certaine surface. Si je voulais déplacer mes trois entreprises, je ne trouverais pas les dix hectares nécessaires dans le canton de Fribourg (lire le Journal de campagne dans cette édition).

«Aux jeunes qui veulent se lancer en politique, je dis d’opter pour un parti qui obtient des sièges!»

Comment entendez-vous gagner cette campagne?

Comme toutes les campagnes, par un travail de terrain. L’argent et les annonces ne suffisent pas.

À l’étranger, les gilets jaunes en France ont fait couler de l’encre, quel est votre point de vue sur ce mouvement?

C’est un déclencheur de tout le malaise qui remonte à la surface dans un pays où le SMIG taraude les entreprises et où les charges sociales s’accumulent. C’est de moins en moins facile de vivre dans un État devenu, au fil des décennies, le champion pour écraser ses citoyens par les impôts, les taxes, redevances et autres. Je trouve intéressant qu’il y ait actuellement en France une discussion sur le droit de référendum.

«Il est difficile de négocier avec un partenaire faible. Or c’est le cas aujourd’hui de l’Union européenne.»

Quant au président de l’Assemblée nationale (Richard Ferrant, ndlr) qui se permet de critiquer la Suisse de cette manière, je trouve son attitude totalement inadmissible. Comment accepter que le troisième ou quatrième personnage de la République française s’exprime de cette façon-là sur la Suisse. Si l’inverse s’était produit, nous aurions eu un beau scandale. Je pense que l’ambassadeur de France aurait dû être convoqué immédiatement!

Quel est votre avis sur la question du Brexit?

J’espère que le Brexit se fera. Je ne vois pas comment il serait possible de revenir en arrière. S’il faut revoter, cela ne peut pas être sur la même question, sur le Oui ou le Non au Brexit. La difficulté réside dans le fait que, s’il existe probablement une majorité pour le Brexit, il n’y en a pas pour définir la manière dont cette sortie doit se concrétiser. Certains soutiennent un soft-Brexit, d’autre préfèrent une solution radicale. Si les gens votent Non au Brexit parce qu’ils ne sont pas d’accord avec la situation choisie, il est probable qu’un Oui ne passera pas.

Quelle répercussion voyez-vous pour les négociations entre la Suisse et l’UE?

C’est difficile de négocier avec un partenaire faible. Or c’est le cas aujourd’hui de l’Union européenne. Madame Merkel va bientôt exploser. En Italie, le budget sera-t-il respecté? En France, les déficits vont exploser depuis les concessions faites aux gilets jaunes. En Espagne, le gouvernement est minoritaire, la Grèce n’a toujours rien résolu et les pays de l’Est, Bulgarie, Pologne, Hongrie, l’Autriche elle-même, ne ménagent pas leurs critiques. Le jour où l’UE n’aura plus d’argent pour ces pays, je ne suis pas certain qu’ils y resteront longtemps. Brexit ou pas, ils doivent se réformer fondamentale­ment.

Sur le plus long terme comment l’usam conçoit-il l’accord-cadre avec l’UE?

Comme président de l’usam, j’ai été plusieurs fois en réunion avec des membres du Conseil fédéral. Messieurs Schneider-Ammann, Cassis et Berset nous ont parlé des lignes rouges à ne pas franchir, mais sans jamais nous donner plus de précisions. Ensuite, il y a eu une proposition d’accord négociée par le secrétaire d’État Roberto Balzaretti. Mais celle-là, on ne nous l’a jamais montrée avant début décembre dernier (interview fin décembre). Lors des dernières réunions avec les syndicats, l’union patronale, l’usam et les cantons, ce projet d’accord ne nous a même jamais été présenté!

Et avec les syndicats, comment voyez-vous la situation des partenaires sociaux sur cet accord?

Aujourd’hui, les syndicats freinent: non pas tant à cause de la règle des huit jours que sur le respect des salaires. Un arrêt de la Cour européenne vient d’être rendu, précisément sur cette question. Pour des employés de l’Est payés avec des salaires qui ne respectaient pas les salaires autrichiens, l’Autriche a été condamnée. Si nous n’avons pas aujourd’hui une clause très stricte au niveau des salaires, les syndicats ne donneront jamais leur accord. Reste à savoir qui soutiendra cette question au Conseil fédéral. Ce sera assez vite vu. En fait, c’est mal parti, car le parti socialiste ne lâchera pas.

Et pour les PME, quelle est la situation?

Pour les entreprises qui viennent en Suisse, nous devons obtenir cette fameuse caution. Sans cela, les contrôles seront extrêmement difficiles. Principalement, si on accepte la proposition de l’UE qui dit en substance: «Pas de cautions mais des amendes à ceux qui ne respectent pas le droit.» Or sans la caution, le risque est grand que les entreprises invoquent à chaque fois une raison sociale différente.

«je préfère avoir face à moi des gens qui ont une forte personnalité, comme pierre-yves maillard.»

Sinon, les entreprises fautives seront condamnées, mais ne payeront pas et tout sera perdu. Dans le second œuvre, il faudra se lever très tôt pour coincer les gens qui viennent poser des moquettes et faire des travaux de peinture, de courte durée.

Pierre-Yves Maillard est désormais à la tête de l’USS. Quel effet cela aura-t-il sur votre dialogue avec les partenaires sociaux?

Pierre-Yves Maillard est un Monsieur qui a une très forte personnalité. En définitive, je préfère avoir face à moi des gens qui ont une telle personnalité. Surtout lorsque nous décidons d’avoir une confrontation. «PYM» a une grande expérience d’exécutif, il sait comment composer. Je l’ai bien connu au Conseil national et nous avons beaucoup échangé. De mon point de vue, avec les relations que nous avons jusqu’ici, nous partons sur les meilleures bases possibles. Et nous sommes les deux Fribourgeois!

Propos recueillis par François Othenin-Girard

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