Publié le: 4 mars 2022

PME en mode mort-vivant

SOCIÉTÉS FANTOMES – Environ 30 % du capital entrepreneurial en Grèce est lié à des entreprises zombies, plus de 20 % en Italie et en Espagne, 15 % en Allemagne et en Autriche. Et en Suisse, qu’en est-il?

À première vue, les chiffres publiés par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont étonnants. En Suisse, l’organisation estime que les entreprises zombies représentent environ 10 % du capital.

Qu’est-ce qu’une PME zombie?

Une entreprise zombie est une entreprise fortement endettée qui, en raison de ses activités non rentables, n’est pas en mesure de payer les intérêts des crédits qu’elle a contractés.

Pour assurer la survie à court terme d’une entreprise zombie, de nouveaux crédits sont souvent contractés pour payer les intérêts et, dans certaines circonstances, les remboursements des crédits existants. Ce processus est particulièrement marqué dans un environnement de taux d’intérêt négatifs ou faibles, comme c’est le cas depuis un certain temps.

En principe, l’entreprise est déjà morte, car elle serait en fait insolvable. Les taux d’intérêt bas et le paiement des intérêts dus par de nouveaux crédits permettent toutefois aux entreprises de continuer à faire semblant d’être en vie. D’où le terme de «zombie». La plupart des zombies ne peuvent pas vivre de manière autonome, sans crédits. Mais elles ne meurent pas non plus complètement, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas touchées par les changements structurels puisqu’elles sont sont maintenues en vie grâce à des crédits bon marché.

Pourquoi les entreprises zombies constituent-elles un problème? Cela dépend du point de vue. Pour l’entreprise elle-même, sa «zombification» n’est en principe pas un obstacle. En fin de compte, il s’agit de risques croissants pour les entrepreneurs, et lorsque ces risques se matérialisent, ceux-ci perdent leur capital. Pour les bailleurs de fonds, ce n’est en principe pas non plus un problème. Car ils prennent des risques calculés lorsqu’ils prêtent de l’argent aux entreprises zombies. Si l’argent ne peut pas être remboursé, il y a des pertes. Mais celles-ci ont été intégrées dès le départ dans le calcul du bailleur de fonds.

Quels risques pour l’économie?

Malgré tout, l’OCDE met en garde contre les risques que représentent les entreprises zombies pour l’économie nationale. Elles engorgent en effet le marché, ralentissent le changement structurel et mobilisent des ressources qui pourraient sinon être utilisées par des entreprises productives. Donc: tout le capital mentionné au début, qui est actuellement immobilisé dans des entreprises improductives, aurait mieux fait de soutenir l’entrepreneuriat actif. Et ainsi créer des emplois et des formations, faire progresser la croissance économique et la qualité de vie.

Les ressources immobilisées par les entreprises zombies sont notamment le capital, la main-d’œuvre et les parts de marché qui, à un niveau normal de taux d’intérêt, c’est-à-dire dans des conditions de concurrence loyale, seraient utilisées par des concurrents davantage productifs.

Risques liés aux crédits

Il existe un point de rupture: avec la hausse des taux d’intérêt, il sera de plus en plus difficile pour les entreprises zombies de supporter la charge d’intérêt de leurs crédits. Si les intérêts des crédits de refinancement sont nettement plus élevés que les intérêts des anciens crédits de refinancement et que l’entreprise zombie n’est pas en mesure de supporter la différence et ne trouve pas de nouveaux bailleurs de fonds, elle devient insolvable.

Si le niveau des taux d’intérêt augmente de manière générale, de nombreuses entreprises sont touchées d’un seul coup. Dans ce cas, on assiste à une vague de faillites. Il y a donc un risque d’assainissement massif du marché pour les entreprises concernées. Et cela pose alors un problème à l’ensemble de l’économie.

La Suisse peut s’estimer heureuse si seulement environ 10 %du capital des entreprises est lié de cette manière. Et pourtant, en janvier 2022, le pays n’a jamais enregistré autant de faillites.

Henrique Schneider, usam

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