Publié le: 19 janvier 2018

Puritains de la lumière pour tous

pascal liebetrau – Après un terrible accident, cet ingénieur spécialisé a conçu et fabriqué une nouvelle lampe LED avec l’aide de sa compagne Cécile Aubert. Une invention reconstructive que cet entrepreneur basé à Cudrefin propose via le crowdfunding.

C’est en me raccompagnant à la gare que Pascal Liebetrau raconte son accident. Après avoir été directeur de sa propre entreprise spécialisée dans la vente et la réalisation de projets haut de gamme dans les éclairages LED, ce fut pour lui le point de départ d’une nouvelle vie. Une vie d’artisan-entrepreneur. «C’est dans cette rue de Cudrefin (VD) que cela s’est passé. Il y avait une fête de village et je voulais montrer mes segways à des amis. J’étais arrêté, je ne sais pas comment cela s’est passé. J’ai chuté sur la tête. Je ne me souviens plus de rien.» Ambulance et hôpital: le traumatisme crânio-cérébral de niveau deux se traduit par une hémorragie cérébrale avec une boule de sang dans son cerveau. «De la taille d’un œuf», précise-t-il.

Longtemps, Pascal est resté dans un dense brouillard à Neuchâtel. Il ne garde presque aucun souvenir de ce passage à l’hôpital. De temps à autre, sans en être conscient, il prenait la poudre d’escampette. «Après coup, on m’a raconté que je parcourais les couloirs, descendais les escaliers, prenais l’ascenseur, changeais de bâtiment. Et pourtant, j’étais complète­ment dans les vapes et je ne savais plus qui j’étais, ni où j’étais. J’étais complètement détruit.»

Une mémoire photographique

Après des mois de rééducation, le mystère s’éclaircit tout doucement. Il faut aussi dire que Pascal Liebetrau n’est pas un traumatisé ordinaire. Enfant prématuré, il fait une décou­verte fracassante il y a deux ans: «Lors de ma rééducation, il y a deux ans, j’ai subi des tests neurologiques. C’est seulement à ce moment-là que nous avons réalisé que j’étais Asperger.» Il s’agit d’une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard du langage. «A l’école, j’étais assez doué pour le dessin technique. Je suis 
capable de mémoriser un objet en le photographiant mentalement d’un trait et de le redessiner en 3D.» Un peu comme Stephen Wiltshire, cet autiste qui s’envole en hélicoptère avant de dessiner tous les traits d’une ville, de mémoire.

Ses idées fusent dans toutes les directions, pascal sait qu’il a besoin d’être recadré.

Revenons un instant à l’hôpital de Neuchâtel: Pascal Liebetrau le connaissait par cœur pour y avoir travaillé comme électricien à ses débuts. Un apprentissage qui le mène aux techniques de la lumière. La révolution qu’il a connue n’était pas celle des lumières, mais bien 
celle des techniques d’éclairage! L’arrivée des diodes électroluminescentes (LED) change la donne: «Dès leur arrivée, j’ai vu le potentiel qui s’offrait à moi.» Pascal démarre vite et se spécialise à la vitesse de la lu­mière. C’est à cette époque, il a trente ans, qu’il crée sa première entreprise spécialisée dans les éclairages LED et devient conseiller en éclairage de prestiges, enchaînant les projets hauts de gamme, salon de l’horlogerie, cliniques, wellness… Sans oublier une bonne moitié de projets privés sur lesquels il doit garder une grande discrétion. «Le point de départ, ce fut la villa du Suédois, se souvient-il. Il m’a donné carte blanche pour animer toute la lumière dans la maison, y compris une salle de projection privée. J’ai eu un déclic!» Après l’accident, fidèle à ses côtés, Cécile le soutient. Travaillant dans de grands cahiers, dessinant ses rêves et ses envies, ce grand créatif a besoin de discipline pour mener à bien un projet aussi ciblé que cette nouvelle lampe. «Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un contrôleur DMX sous la main, ni du matériel professionnel», jargonne-t-il un brin en souriant, avant de redevenir plus accessible face à notre incompréhension. «Je voulais mettre à disposition des amateurs des couleurs, des nuances, une palette qui permettent d’aller plus loin que les simples éclairages LED vendus dans les supermarchés.»

Un atelier chez un menuisiser

Après 2 ans de développement et 
80 étapes dessinées dans ses cahiers, le bel objet est là. Il est là parce que Pascal a eu l’occasion de se familiariser avec de nouveaux outils durant sa réadaptation. Une découpe laser par exemple. Un programme informatique de modélisation en trois 
dimensions. Cécile Aubert, sa compagne, est un atout précieux à ses côtés. «Pascal va de l’avant avec une immense volonté et une force de 
caractère.» Ses idées fusent dans toutes les directions. «Pourquoi pas un festival du brouillard à Cudrefin, lance-t-il, mutin. Ce n’est pas le brouillard qui manque par ici. Et cela permet de diffuser de très belles lumière.» Le couple s’est réparti les compé­tences entrepreneuriales. «Cécile me sort de mes lignes de confort, elle me fait voir du pays, je suis un sujet difficile, mais elle me fait déconnecter, complète-t-il. Elle m’aide aussi beaucoup dans d’innombrables aspects de la vie pratique et administrative.» Pour se concentrer sur un seul modèle, il a fallu beaucoup d’énergie. C’est à partir d’un modèle en chêne poncé à la main, suivi d’un modèle en plexiglas, qui se sont avérés plups complexes et onéreux, que par touches successives, Pascal s’est orienté vers un modèle en bois MDF, le plus facile à réaliser et commercialiser. Il fait tout de A à Z, pour garantir un produit Suisse Made, artisanal à un prix juste (850 francs environ). La lampe est livrée avec une télécommande qui permet de programmer divers types d’éclairages et de moduler sa lumière au Kelvin près, par gradation entre le chaud et le froid, les pastels, toutes les nuances possibles et imaginables (lire encadré). «Pour la fabrication, je dispose d’un atelier dans une menuiserie à Boudry où le patron, un type vraiment remarquable, a adapté mon local en posant des parois pour me protéger du bruit, car je ne supporte pas les nuisances sonores.» Si les migraines font partie de sa vie quotidienne, Pascal expérimente aussi avec bonheur sa reconquête d’un cerveau qui fonctionne. «Un soir, j’ai eu des douleurs atroces, incomparables. Mais le lendemain, j’avais retrouvé la mémoire des noms.»

Le rĂŞve de CĂ©cile et de Pascal

Le micro est ouvert: «Que la campagne de crowdfunding (Wemakeit) lancée avant Noël fonctionne et que, en plus des demandes en consulting, nous puissions développer cet artisanat en créant de nombreux objets sous la marque LPC. Car le besoin pour moi est fort, de travailler autant avec mes mains qu’avec ma tête.» D’emblée, le fait que Pascal et Cécile valorisent la collaboration et les échanges avec d’autres artisans augmente d’autant les chances de leur réussite.

François Othenin-Girard

le produit phare de pascal liebetrau

Création artisanale avec du crowdfunding

«La lampe LED 49.5 est une création artisanale suisse, facile à installer et à utiliser, elle emballera votre inté­rieur d’une ambiance personnalisée et d’émotions, sans devoir passer par une installation fixe.» C’est le pitch de Pascal. «Elle a été conçue et fabriquée pour éclairer une surface verticale. Elle peut se poser facilement sur un meuble ou sur le sol. Des 
milliers de couleurs sont possibles grâce aux mélanges des couleurs de base: rouge, vert, bleu (RGB) + blanc chaud 2700K (W).» Côté technique, de nombreux modes de fonctionnement sont disponibles sur la commande RF (radio fréquence). «Il est également possible de varier l’intensité lumineuse et la vitesse des change­ments de couleurs, complète-t-il. La commande RF vous permet également de gérer la 49.5 sans la visualiser (~ 40 à 50 m). Vous avez le choix entre 8 coloris de lampe.»

La lampe de Pascal Liebetrau est actuellement en vente sur le site de financement participatif Wemakeit.com, afin de lancer et développer l’entreprise.

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