Publié le: 13 décembre 2019

Qendresa et la fluidité maximale

portrait – Titulaire d’un brevet fédéral de spécialiste en gestion de PME, Qendresa Zumberi adore l’optimisation des processus. Elle revient sur sa trajectoire dans une entreprise médicale, sur les valeurs communes aux PME et à ses racines kosovares.

Elle a soif d’apprendre et cela se voit tout de suite. Rencontrée en gare de Lausanne, Qendresa Zumberi nous explique qu’elle se réjouit d’inter­venir dans les PME et de continuer à se former. En parlant avec elle, on réalise une fois de plus que c’est dans les petites structures que se découvrent les grands talents.

RĂ©sistance et force de proposition

Sa marotte, Qendresa la découvre un peu par hasard: c’est l’optimi­sation des processus. Dès qu’elle en parle, son cœur bat la chamade, ses mains s’envolent, son regard s’illumine. Après un CFC d’assistante en pharmacie, elle se lance dans une maturité professionnelle. Une tentative héroïque menée à l’autre bout du canton de Vaud – deux années de cours du soir à Pully tout en travaillant la journée à 70% à Nyon. Un revers dont elle se console très vite en décrochant un nouvel emploi dans une PME de la branche médicale. Ce n’est pas pour rien qu’en albanais, le prénom de Qëndresa signifie «La Résistante…»

Nommée assistante dans un service d’admission des patients, elle apprend très vite et sur le tas – grâce aussi à un entourage professionnel qui sait identifier ses talents. L’entreprise pousse à vitesse grand V et les structures organisationnelles montrent leurs limites. Il faut prendre les choses en main et faire des propositions.

Comme si c’était ta propre boîte

«Nous avancions avec un bandeau sur les yeux, se souvient-elle. Il y avait tant de choses à mettre en place, à commencer par la gestion des appels téléphoniques et les relations de suivi de ses appels entre la réception et les admissions.»

Qendresa fonctionne de manière proactive. «Au début, il n’y avait que deux personnes au service des admissions et quatre pour la réception. Mais vu la croissance de notre activité, cet équilibre a très vite été rompu et la traçabilité des appels s’est retrouvée menacée.»

Dans ces situations, elle a tendance à écouter ceux qui lui disent – «travaille comme si c’était ta propre boite!» – et de renvoyer les apôtres de l’immobilisme fataliste à leurs propres contradictions.

«Avec les services informatiques, nous avons mis sur pied une plate-forme informatique interne qui permettait aux différents services de gérer les appels des patients de manière fluide, tout en offrant aux intervenants la possibilité d’ajouter des informations pour que l’accueil du patient se déroule bien – sans allées et venues entre les services.»

Optimiser l’accueil du patient

Et ça marche! Nommée à la tête du service des admissions, responsable d’une équipe de six personnes, elle explore de nouvelles pistes, prend contact avec d’autres départements, se confronte à d’autres réalités, noue des collaborations – et finit par avoir une bonne vue d’ensemble de l’entreprise.

La suite coulait de source. «Je devais améliorer mes compétences dans un certain nombre d’autres domaines, marketing, droit, RH, finances. En cherchant sur Internet, j’ai trouvé cette formation de spécialiste en gestion de PME.» Un brevet fédéral sur dix-huit mois, le mercredi soir et le samedi matin.

Que gardez-vous de cette formation?

Les modules comprenaient de la gestion, du droit, du marketing, des RH et des finances, donc une formation très complète autour de l’entreprise. Les chargés de cours étaient très présents et nous ont toujours incités à poser des questions. C’était aussi passionnant de pouvoir échanger avec les collègues de cours qui venaient d’horizon différents, des personnes indépendantes ou actives dans une entreprise familiale, ou ceux qui se vouaient à des postes de cadres dans des entreprises.

Qu’emportez-vous de cette PME dans laquelle vous avez travaillé ces dernières années?

Leur soutien a donné de nouvelles ailes à ma carrière. Ils m’ont donné des responsabilités et m’ont fait confiance. Et à mon tour, j’ai eu envie de donner plus.

D’où tenez-vous votre assurance?

Pendant toutes ces années, j’ai eu pas mal de collègues psychologues, sourit-elle. Je crois que cela m’a apporté quelque chose en plus, j’ai en tout cas beaucoup appris sur moi-même. Et aussi à prendre du temps pour retrouver l’équilibre, à ne pas foncer tout le temps tête baissée…

Vous êtes née au Kosovo et avez grandi à Ferizaj, au sud de Pristina et vous êtes arrivée en Suisse à l’âge de 5 ans et demi. Au plan professionnel, que gardez-vous de vos racines kosovares?

Certainement tout ce qui touche à de très fortes valeurs familiales. Je suis arrivée en Suisse en 1996 et j’ai fait toutes mes classes ici. Au Ko­sovo, mes parents étaient dans l’enseigne­ment – ils ont dû s’adapter à la situation. Cette capacité à s’adapter est devenue importante à mes yeux. En Suisse, j’ai appris d’autres valeurs, celle qui permettent à l’individu de s’épanouir – plus les valeurs de l’entreprise. J’espère que je parviendrai à créer une bonne synthèse de tout cela!

Avez-vous déjà pris le temps de vous projeter dans l’avenir? Ou pensé à la création d’une entreprise?

Je me verrais bien à la tête d’une structure de conseil d’ici quatre à cinq ans. D’ici là, je souhaite continuer à explorer différents secteurs en me confrontant à la grande diversité de PME que l’on trouve dans le paysage. De sorte que, par la suite, je puisse trouver des solutions adaptées et originales à mettre en place.

Quelle serait votre démarche?

En partant des besoins réels des PME, j’aimerais aider à relever le nez du guidon pour mettre en place de petites et de grandes choses qui vous changent la vie. Une heure par ci, une heure par-là, on peut faire beaucoup pour dégager plus de temps pour les métiers de base qui doivent parfois céder du temps aux tâches administratives.

Et par quoi avez-vous envie de commencer?

Par renforcer mes connaissances en finance, j’en ai besoin. Dès janvier, je débute dans une entreprise où j’espère apprendre beaucoup!

François Othenin-Girard

«loyauté, honnêteté, persévérance et volonté de maintenir l’entreprise en bonne santé»

Ma famille et mon entreprise: des valeurs communes

Nous avons tous un modèle à qui nous rêvons de ressembler. Pour ma part, il y en a plusieurs, dont voici les trois premiers.

Mon grand-père: patriarche dirigeant le clan familial d’une main de fer dans un gant de velours.

Mes parents: qui durent quitter famille, amis et points de repère pour se plonger dans l’inconnu et tout recommencer à zéro dans un autre pays, une autre culture.

Vous l’aurez compris, le dénominateur commun entre ces trois modèles, c’est la famille. Il n’est sans doute pas anodin que beaucoup d’entreprises suisses soient certes des PME, mais avant tout des entreprises familiales. Nul doute que leur réussite est à attribuer à plusieurs éléments externes, mais je pense que les valeurs que sont la loyauté, l’honnêteté, la persévérance et la volonté de maintenir l’entreprise en bonne santé sont des éléments clés assurant une prospérité sur le long terme.

Cela ne veut pas dire qu’un business ne se monte qu’avec des membres de la famille. Pensons à toutes ces personnes que nous rencontrons durant notre vie. Elles ne sont d’abord que des connaissances, puis pour certains, ils deviennent des amis. Parmi ces amis, certains deviendront même la famille que nous avons choisie, faisant ainsi partie à part entière des membres de cette même famille. Nous pourrons donc compter sur elles comme des personnes ressources. Là encore, tout comme l’entreprise qui mettra des années à se construire, ces liens auront besoin de quelques années pour se consolider et devenir une force inestimable.

A l’âge de 21 ans, j’ai décidé de faire un tatouage sur le poignet intérieur gauche (côté cœur) avec respectivement les initiales de ces trois personnes. Mon grand-père (J), mon père (H) ainsi que ma mère (D) pour ne jamais perdre de vue l’essentielle des valeurs qu’ils m’auront transmise. A partir de cette base-là, toutes les portes sont ouvertes afin de pouvoir réaliser ses projets et défendre ses ambitions. Qu’ils soient professionnels ou privés, d’ailleurs. Je fais partie d’une fratrie de quatre enfants et quelle fierté pour nos parents de savoir que trois de leur enfant sont à la tête de PME chacun dans un domaine différent.

Alors bien sûr, il est rare de ne pouvoir vivre que d’amour et d’eau, donc ces éléments seuls ne suffiront pas à concrétiser ses rêves et être indépendant notamment financièrement. Mais à contrario, même en ayant tout l’or du monde, la famille et les amis font partie de ces choses que nous ne pouvons acheter, car leur valeur est tout simplement inestimable. Ou si je me trompe, peut être que quelqu’un arrivera à quantifier et donner une valeur marchande à sa famille, mais à ma connaissance, il n’existe aucune formule aboutissant à cela.

Nous connaissons tous le nom d’au moins une grande entreprise suisse qui, initialement, a commencé par un business familial et qui aujourd’hui, des décennies plus tard, non seulement est encore présente, mais elle fait partie des plus grandes.

Qendresa Zumberi

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