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«La Jeunesse socialiste suisse veut que les revenus du capital soient taxés 1,5 fois de plus que les revenus du travail. En vertu de quoi ?», se demande Simone de Montmollin, conseillère nationale (PLR/GE). À ses yeux, une nouvelle notion, celle du revenu du capital, serait introduite. «Or ni la Constitution, ni la législation fiscale ne connaissent une telle notion. Il faudrait la définir, poursuit-elle. Les initiants restent aussi imprécis sur l’utilisation des revenus fictifs générés. Il est question de réduire la charge du revenu du travail ou de financer la ‹prospérité sociale›. Laissant au législateur le soin de décider …»
«En affirmant vouloir allĂ©ger les charges du revenu liĂ©es au travail, les initiants menacent en rĂ©alitĂ© ce qui fait la force de la Suisse: l’entreprenariat. Imposer les revenus du capital aurait des consĂ©quences dĂ©sastreuses pour les entreprises familiales, les exploitations agricoles, les PME, les start-up ou encore les indĂ©pendants, qui, grevĂ©s d’une surÂimposition arbitraire et extrĂŞme, ne pourraient plus faire face aux investissements, voire mĂŞme assurer une succession, dĂ©taille Simon de Montmollin. En voulant une redistribution plus rigoureuse, mais en laissant une marge d’interprĂ©tation quasi totale au lĂ©gislateur, cette initiative ne manquera pas dresser les diffĂ©rentes catĂ©gories de contribuables les unes contre les autres. Elle tend Ă diviser plutĂ´t qu’à assurer la cohĂ©sion.»
Un piège fiscal
Pour cette conseillère nationale genevoise, cette initiative est en rĂ©alitĂ© 100% dommageable pour la Suisse, contraire au principe d’équitĂ© affirmĂ© dans notre Constitution, et contraire Ă l’intĂ©rĂŞt Ă©conomique. «Le flou qui la caractĂ©rise prĂ©sente des failles importantes. Le Conseil fĂ©dĂ©ral comme le Parlement l’ont refusĂ©e sans opposer de contre-projet. La Suisse connaĂ®t la progressivitĂ© de l’impĂ´t, un système de redistribution Ă©prouvĂ© et est un des rares pays Ă imposer la fortune. PrĂ©tĂ©riter les conditions-cadres Ă©conomiques et renforcer le dĂ©savantage comÂparatif en matière de concurrence fiscale en Suisse est une bonne manière de faire fuir les contribuables indispensables au financement des charges de l’État.»
«Les Jeunes socialistes espèrent tirer 8 milliards de l’impôt confiscatoire sur le revenu du capital qu’ils proposent. Soit à peu de choses près le budget du canton de Genève, réagit Blaise Matthey, directeur général de la Fédération des Entreprises Romandes à Genève (FER Genève). De quoi faire fuir les plus fortunés de notre pays, qui assurent l’essentiel des recettes fiscales, et d’étrangler les entreprises qui devront le payer. Je rejette fermement ce piège fiscal.»
Petits épargnants pénalisés
«Gagner Fr. 100.– et ĂŞtre imposĂ© sur un revenu de Fr. 150.–, vous trouvez le principe normal? Moi pas!, estime le conseiller aux États Philippe Bauer (PLR/NE). Je trouve cela contraire Ă tous les principes prĂ©valant en matière de fiscalitĂ©. L’impĂ´t ne doit en effet pas ĂŞtre confiscatoire mais doit uniquement permettre aux collecÂtivitĂ©s publiques de remplir leurs missions. Je voterai dès lors NON Ă l’initiative 99%.» Au surplus, note le sĂ©nateur neuchâtelois, «cette initiative – comme toutes les initiatives des jeunes socialistes – vise Ă crĂ©er de nouveaux impĂ´ts, comme par exemple un impĂ´t sur le gain en capital qui pĂ©nalisera avant tout les petits Ă©pargnants qui boursicotent pour amĂ©liorer leurs revenus. Elle vise aussi Ă augmenter sensiblement la pression fiscale sur les PME familiales notamment sur celles en raison individuelle. Enfin, elle oublie volonÂtairement de rappeler que 1% des contribuables paient aujourd’hui dĂ©jĂ presque 25% des impĂ´ts sur le revenu.»
«Il convient enfin aujourd’hui de définitivement torde le cou à l’idée qui veut que la finalité de l’impôt soit avant tout de redistribuer la richesse, conclut Philippe Bauer. L’impôt ne sert en effet qu’à financer les dépenses publiques en demandant à chacun, par le biais de taux proportionnels, et l’IFD en est un bon exemple de participer à ce financement en fonction de ses moyens. Alors NON à l’initiative 99%!»«La Jeunesse socialiste fait une nouvelle fois preuve de créativité puisqu’elle nous propose un impôt supplémentaire, relève la conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE). Afin de faire passer la pilule, le texte dit ne cibler que le pourcent le plus riche de la population. Le mécanisme ne brille pas par sa clarté mais on peut l’expliquer par l’exemple. Aujourd’hui, lorsque vous allez au match au loto, vous espérez revenir les bras chargés de lots. Mais il se peut que le hasard soit contraire et que vous rentriez bredouilles.»
«Avec l’initiative 99%, vous pouvez toujours partir les mains vides mais si au contraire vous avez gagné quelque chose, l’Etat vous le prend, regrette la conseillère nationale. Dans ces conditions, il est évident que le public se raréfiera rapidement. C’est très exactement ce que la Jeunesse socialiste entend faire au niveau fiscal. La santé économique de notre pays doit beaucoup à l’innovation, domaine où nous sommes à la première place mondiale.» Pour innover, conclut-elle, il faut investir, ce que l’initiative découragera. «En cas d’échec, l’investissement est perdu, en cas de succès, le bénéfice est confisqué par l’Etat. En résumé, avec l’initiative 99%, entreprendre signifiera au pire, perdre, au mieux ne rien gagner. Le jeu du qui perd-perd en quelque sorte. Qui aura envie de jouer?»
«Nous avons créé notre entreprise, active dans le bâtiment, il y plus de 30 ans et grâce aux réserves constituées nous avons pu surmonter les différentes crises économiques, témoigne Gérard Constantin, entrepreneur électricien et responsable de formation (VS). Si la charge fiscale était appliquée comme le demande l’initiative 99% nous aurions dû à plusieurs reprises licencier du personnel. Cette initiative ne permet pas une croissance saine des nouvelles entreprises et des PME car une charge fiscale trop élevée empêche les investissements nécessaires à la continuité et à la prospérité des entreprises. Il faut donc la rejeter.»
Propos recueillis par
François Othenin-Girard