Publié le: 15 mai 2020

Romands en sortie de crise (I)

SUIVI ET REPRISE – Le programme d’action de l’usam (A4A) doit permettre de renouer avec la croissance, avec un train d’assouplissements et de suppressions de réglementations inutiles. Nous avons repris contact avec les entrepreneurs de Suisse romande pour envisager avec eux la la reprise des activités.

Le programme d’action de l’usam repose sur trois piliers: un allègement durable des charges de l’économie via une réduction des coûts réglementaires inutiles, des mesures visant à renforcer la place économique suisse et la numérisation. Un renforcement des conditions-cadres ciblé et rapide dans le but de favoriser la compétitivité et de remédier rapidement aux dommages économiques et le renoncement systématique à l’introduction de nouvelles charges de même qu’à l’extension des prestations étatiques – notamment dans le domaine des assurances sociales. Sous ces conditions, la reprise semble jouable pour les PME – et ce sans opposer la politique sanitaire et la politique économique.

«L’usam lance un programme d’action qui favorise la concurrence et mise sur la liberté entrepreneuriale.»

Dans la pratique, les entrepreneurs vont de l’avant. Dans ces pages, nous avons gardé le contact avec ceux qui nous avaient expliqué comment ils s’étaient retrouvés – il y a bientôt onze semaines. Et nous leur avons demandé comment ils voyaient la suite.

Bernard Favre/patron fondateur:

Menuiserie Favre Bernard SA.

Comment il vit cette situation de reprise progressive: «Entre-temps, j’ai eu un téléphone de la RTS pour une enquête sur l’après. Ils sont venus chez moi pour un petit reportage qui est passé à Infrarouge le 16 avril. Comme l’a dit M. Rueger à la suite du reportage TV, Monsieur Favre est un entrepreneur suisse qui va se battre pour faire survivre son entreprise.»

Et c’est ce qu’il fait. «Je vis assez bien cette période très difficile. C’est un énorme coup de frein. Je n’ai pas arrêté de travailler, mais tout a ralenti. Pour la reprise, j’ai pris conscience qu’il faudra vivre avec cette menace qui rôde autour de nous. On a quand même des contrats qui arrivent. Il faut prendre les précautions imposées.»

Comment il s’organise: «C’est un peu le parcours du combattant pour l’organisation de nos travaux: prise de rendez-vous si on peut aller chez nos clients, il y a en général peu de refus, c’est plutôt le contraire, la peur que leurs projets ralentissent ou s’arrêtent, j’imagine. Pour la pratique, nous appliquons la prudence, les distances sociales, une seule personne par véhicule si possible, gants, masques si nécessaire. Et le lavage des mains.»

«La réunionite aigüe doit disparaître: nous devrions songer à deux fois avant de prendre notre véhicule.»

Ce qu’il a appris: «Milles choses. Je suis conforté dans mon impression d’avant. De beaucoup de futilités. Comme j’ai eu une septicémie à l’âge de 15 ans et connu 2 semaines de soins intensifs entouré de médecins et soignants habillés avec masques et surblouses qui m’ont sauvé la vie, j’ai pris conscience, depuis lors, de la valeur de la vie. On a une occasion de revoir notre façon de vivre et je dirais qu’il y a une relation certaine avec la mondialisation. Désormais, il faudra penser local, vivre avec la proximité, voir les gens proches. Mon impression est qu’il faudra vivre longtemps avec ces virus et modifier nos comportements sociaux.»

André Berdoz, patron fondateur:

Electro-Techniques AZ SA.

Le vice-président de l’usam confirme les propos de Bernard Favre. La musique de fond tend à reprendre: «En fait, à l’exception d’un collaborateur en RHT, l’entreprise à continuer à fonctionner normalement avec un pic à la mi-mars et un ralentissement début avril. Mais la tendance est à la reprise.»

Le plus important à ses yeux, c’est donc d’abord de respecter les demandes de ses clients au niveau des protections. «Nos activités nous permettent des interventions à distance. Cette manière de faire a été généralisée. Les quelques manipulations nécessaires sur les sites ont été réalisées par les clients directement.»

Et un gros constat: «L’énorme privilège d’avoir vécu un passé quasi sans crise et qui nous a permis de passer Covid-19 sans trop de casse.» Car en définitive, souligne-t-il, comme dans toute expérience, «il faut garder le positif de ce que nous a apporté cette grave crise.»

Et dans la foulée de cet entrepreneur vaudois grand amateur de montagne: «La réunionite aigüe doit disparaître et nous devrions songer à deux fois avant de prendre son véhicule, penser à l’énergie et aux émissions de CO2.» Enfin, le moment est-il venu de consommer raisonnablement, de faire vivre le commerce de détail local. «On doit avoir la sensation d’être bien plus fort maintenant qu’avant Covid-19!»

Alexia Weill: sculptrice.

Nous avions réalisé son portrait dans l’édition précédente et nous avons pris de ses nouvelles. Elle nous raconte comment cela se passe du côté pratique.

«Depuis le début du confinement, en tant qu’artiste je travaillais dans mon atelier à la maison qui n’est pas mon atelier principal mais qui l’est devenu pendant toute cette période. Je suis mère de deux enfants et il a fallu s’organiser avec le home schooling. Mes deux principales expositions à l’étranger à New York en mars et Tokyo en mai ont été reportées. J’ai concentré mon travail sur de nouvelles créations et pendant la période de confinement, j’ai créé un ‹Cercle de la Solidarité› avec les matériaux que j’avais à la maison: structure en métal, bande plâtrée, ciment, peinture avec un masque intégré à l’œuvre qui ne se découvre que si l’on s’approche très près.»

«Cette création est le symbole de la chaîne solidaire entre nous qui étions à la maison et le personnel hospitalier qui était en première ligne pour lutter contre la pandémie. Cette sculpture a été installé il y a une semaine à l’entrée de l’Hôpital Riviera-Chablais comme œuvre témoignage de cette période qui nous a tous touché. J’ai aussi reçu via les réseaux sociaux, sur mon profil d’artiste, de nombreux messages de reconnaissance et de soutien de personnes qui souhaitaient s’associer à cette oeuvre. Ces textes sont affichés à côté du cercle.»

«J’ai créé une œuvre témoignage de cette période qui nous a tous touchés.»

«Cette reprise progressive va me permettre de retrouver mon atelier de sculpture et de continuer la création pour mes projets en Suisse. Notamment l’aménagement du giratoire de la Commune de Saint Légier, un des seuls projets artistiques à avoir été validé par la DGMR durant le confinement. Les sculptures seront inaugurées fin juin.»

«J’attends de voir comment va s’organiser l’école pour mes enfants et j’adapterai mon agenda en fonction. Je suis très flexible puisque je suis indépendante et je gère mes horaires comme je le souhaite. Quand je ne suis pas à l’atelier, je travaille depuis la maison. L’organisation d’expositions, répondre à des projets et la communication autour de mon travail d’artiste est aussi une grande partie de mon travail. Je vais développer la communication digitale avec la création d’une galerie virtuelle et des capsules vidéos qui présenteront mes œuvres. Je souhaite plus de proximité avec les personnes qui s’intéressent à mon travail d’artiste et compte tenu de la situation, le digital va prendre de plus en plus d’importance. Je le vois déjà avec les galeries qui me représentent à l’étranger et qui ont beaucoup communiqué sur les réseaux pendant toute cette période.

«Les épreuves nous ramènent à l’essentiel de notre humanité.»

J’ai appris à m’adapter et j’ai constaté à quel point la création était une respiration indispensable pour moi, un voyage intérieur nécessaire, quotidien qui me permet de me connecter à la fois avec mes propres sensations mais aussi avec ce que je captais de l’environnement. J’ai ressenti beaucoup d’empathie avec ceux qui ont été touchés directement par ce virus, ceux qui ont perdus des proches ou ont été gravement malades. Les épreuves nous ramènent à l’essentiel de notre humanité.»

Propos recueillis par

François Othenin-Girard

www.sgv-usam.ch/A4A_fr

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