Publié le: 12 mai 2021

Ruiner les producteurs ne mène à rien

Vous pouvez acheter des fruits et des légumes suisses bio, ou commander un jardin à caractère naturel chez votre paysagiste. Ces avancées auraient été impossibles il y a quelques années encore. C’est grâce à la persévérance des professionnels de la terre et à l’innovation que de telles prouesses sont possibles.

Les cultivateurs aiment la nature et respectent leurs clients: c’est là le principal moteur des progrès qu’ils ont réalisés, grâce auxquels le recours à des produits phytosanitaires a pu être réduit de 40% ces dix dernières années! Alors pourquoi ne pas en finir avec les produits de synthèse et les supprimer définitivement, au nom du principe de précaution? Pourquoi les organisations professionnelles qui représentent les métiers de la terre, et même la faîtière des cultivateurs bio, s’opposent aux initiatives agricoles qui seront soumises au peuple le 13 juin prochain?

Aujourd’hui encore, malgré le développement de méthodes très innovantes et de variétés résistantes, certaines cultures ne peuvent pas encore être converties en bio, car elles sont plus souvent attaquées par des ravageurs ou des parasites. Il faut alors les protéger, pour ne pas perdre les récoltes. C’est le cas de nombreuses plantes d’intérieur ou de certains fruits et légumes.

Les produits phytosanitaires sont toutefois de plus en plus employés en pratique en tant que «médicaments de la dernière chance» pour sauver les cultures malades. On ne traite quasiment plus préventivement de nos jours. Parfois, un seul traitement avec un produit efficace permet de sauver une récolte.

Bon nombre de cultivateurs suisses devraient rendre leur tablier sans ces moyens. Il faudra alors importer ces produits. Des études nous indiquent par ailleurs qu’une conversion généralisée vers le bio nous ferait perdre un tiers de la production. En important ces fruits, ces légumes et ces plantes, la Suisse créerait alors d’autres problèmes environnementaux, en émettant notamment davantage de CO2 dans l’atmosphère. Nous ne contrôlerions par ailleurs plus les méthodes de production avant que ces produits atterrissent dans les assiettes des consommateurs. Ce qui aurait des effets indésirables en matière de santé publique.

Déplacer le problème n’est pas dans l’esprit des entre­preneurs. Attelons-nous à le résoudre durablement, chez nous. Une initiative parlementaire récemment votée par notre Parlement fédéral ancre d’ailleurs une réduction de moitié des risques dans ce domaine en cinq ans. La procédure de consultation est déjà lancée pour la mise en œuvre de ces nouvelles règles contraignantes, qui aboutiront à une nouvelle amélioration de la qualité de l’eau potable.

Personne n’a le droit de polluer et nos producteurs l’ont compris. Les attentes environnementales des Suissesses et des Suisses sont légitimes. Mais les initiatives vont trop loin et trop vite. La disparition de la production indigène toucherait aussi de plein fouet les industries de l’emballage, les entreprises de la logistique et le secteur de la gastronomie, qui paieraient tous un lourd tribut à cette délocalisation des activités de production à l’étranger.

Tout le monde serait touché. Le renchérissement des produits agricoles serait en effet massif, et les consom­mateurs qui ont les plus faibles revenus souffriraient particulièrement de cette situation.

Nous avons besoin de nos cultivateurs pour accomplir les objectifs environnementaux ambitieux souhaités par la population. Les ruiner à court terme n’apporterait que désolation dans nos campagnes et ne résoudrait pas les problèmes environnementaux dans leur globalité. Je vous recommande par conséquent de voter deux fois «NON» à ces initiatives extrêmes le 13 juin prochain!

* Président JardinSuisse et membre du comité directeur de l’usam

om@oliviermark.ch

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