Publié le: 9 avril 2021

Réactivation d’une vieille règle fiscale allemande

Propriété intellectuelle – Les nombreuses entreprises innovantes suisses risquent gros avec la volonté de l’Allemagne de remettre au goût du jour une imposition à la source en lien avec les brevets. Avalanche bureaucratique prévue!

2020 a été marquée par la crise de la Covid-19, mais pas seulement. Le fisc allemand a décidé de réactiver une ancienne règle datant de 1925 visant l’imposition des droits de propriété intellectuelle. Ce qui va déclencher un ras de marée bureaucratique impactant de nombreuses entreprises suisses et administrations fiscales cantonales. Comble de l’ironie, la réactivation de cette ancienne règle n’aura aucun impact positif sur les recettes fiscales de l’Allemagne. Un article jamais utilisé, mais dont la réactivation causera une déferlante bureaucratique.

Créée sous la république de Weimar, la loi allemande relative à l’impôt à la source contient un passage qui n’a jamais été appliqué. Malgré les nombreux instruments disponibles pour lutter contre les paradis fiscaux, le fisc allemand a décidé de réactiver le passage de cette loi pour filtrer minutieusement les entreprises internationales. Résultat des courses, une énorme charge administrative pour toutes les entreprises innovantes et les autorités fiscales des pays. L’article de loi réactivé stipule que le revenu de la licence d’un brevet enregistré en Allemagne ou la vente d’un tel brevet entre deux sociétés non-résidentes en Allemagne entraîne une obligation de retenue à la source en Allemagne si la vente du produit protégé par le brevet (un médicaments, par exemple) a également lieu en Allemagne.

D’après le fisc allemand, les accords de licence peuvent être mis en place relativement facilement par le biais de sociétés boîtes aux lettres dans les paradis fiscaux. Ainsi, la réactivation de cet article de loi permettrait d’avoir accès aux flux de trésorerie et de cibler les entreprises voulant échapper au fisc allemand.

Quels effets pour un pays

d’innovation comme la Suisse ?

Outre le fait que la Suisse est un pays d’innovation, l’Allemagne est le principal partenaire commercial de la Suisse. Par conséquent, les entreprises suisses déposent naturellement leurs brevets en Allemagne. La convention de double imposition entre l’Allemagne et la Suisse, qui règle clairement l’imposition des revenus de licence et des ventes de brevets entre les deux pays, limite le droit d’imposition des autorités fiscales allemandes. Il n’y a donc aucune raison de réactiver une telle clause.

«Le fisc allemand part de l’idée que les entreprises ont agi volontairement pour frauder le fisc.»

Malgré l’existence de cette convention de double imposition et le fait de savoir que cette règle ne va pas engranger de grandes recettes fiscales pour l’Allemagne, le fisc allemand persévère et exige la retenue des impôts à la source et des impôts sur le revenu pour des contrats de licence ou des ventes de brevet. Le fisc allemand part de l’idée que les entreprises ont agi volontairement pour frauder le fisc et exige maintenant que toutes les entreprises fassent des déclarations d’impôts et paient les impôts dus depuis 2012. L’application rétroactive de ce passage de la loi est complètement inacceptable et va occasionner un ras de marée bureaucratique.

C’est un cauchemar, il y a sûrement une solution ?

Non, c’est bien la réalité! Bien que ce passage de loi n’ait jamais été appliqué, le fisc allemand opte pour une réactivation rétroactive et demande aux entreprises les informations et documents relatifs à cette loi avec des délais très ultra serrés.

En même temps, le ministère des finances fédérales accorde des délais très généreux pour le dépôt de demandes d’exceptions, alors que la CDI entre la Suisse et l’Allemagne stipule très clairement que l’Allemagne n’a droit à aucun substrat fiscal ou dépôt général de ces cas. Avec les élections allemandes en septembre 2021, un retour sur ces pratiques fiscales semble peu probable.

La marge de manœuvre pour la Suisse est quasi imperceptible. Tourner le dos à ces demandes reviendrait à se défaire du principal partenaire économique pour la Suisse. Il y a lieu de s’alarmer.

«La marge de manœuvre pour la Suisse est quasi imperceptible.»

Mais, dans un contexte de pandémie anxiogène, il sera très difficile pour le Conseil fédéral de jouer des coudes pour aider les nombreuses entreprises suisses.

Alexa Krattinger, usam

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