Publié le: 10 novembre 2017

Réagir en cas de malaise

raphaËl comte – Adepte du dialogue et de la recherche de solutions, le conseiller aux Etats neuchâtelois (PLR) livre ses réflexions sur le salaire minimum, les roestis, les taxes et les finances.

Journal des arts et métiers: Pour construire des ponts et pas des mûrs entre la Suisse romande et la Suisse alémanique, que préconisez-vous désormais, également en tant qu’ancien président du Conseil des Etats et suite à la non-élection d’un ou d’une Romande au Conseil fédéral?

n Nous avons parfois, entre les régions du pays, des visions politiques différentes. C’est naturel, c’est même plutôt sain. Il n’y a pas de recette miracle pour rapprocher les communautés linguistiques: seul le dialogue peut favoriser la compréhension mutuelle.

«aux Romands d’être actifs au Parlement et d’aller au contact de leurs collègues alémaniques!»

La situation est loin d’être inquiétante: avec l’élection d’un Tessinois au Conseil fédéral, le Parlement a montré son attachement à une bonne représentation des communautés linguistiques. Avec 3 sièges sur 7, les latins ont une position tout à fait appréciable. Il appartient aux Romands d’être actifs au Parlement et d’aller au contact de leurs collègues alémaniques pour leur faire mieux comprendre les spécificités romandes, notamment notre ouverture au monde.

La version neuchâteloise du salaire minimum irrite et intrigue. Quelle est votre position sur ce sujet?

n Le peuple neuchâtelois a décidé d’introduire un salaire minimum. Ce n’est pas ce que j’ai voté, mais je respecte ce choix démocratique. La loi d’application a été adoptée, et nous allons maintenant voir les effets qu’elle va produire. Cette décision populaire est sans doute l’expression d’un malaise: même si les chiffres sont rassurants, une partie importante de la population neuchâteloise ressent une pression, notamment en matière de salaire, de la part des travailleurs frontaliers. Nous devons ­apporter de bonnes réponses à cette crainte, notamment par le biais des conventions collectives de travail. Les partenaires sociaux ont tout intérêt à prendre au sérieux les préoccupations de la population, car sinon, nous aurons de la peine à convaincre le peuple de voter en faveur de l’ouverture, et notamment en faveur de la voie bilatérale avec l’Union européenne.

Que faut-il penser de l’intervention du TF alors que le peuple suisse a toujours refusé le salaire minimal? Est-ce une atteinte à la démocratie?

n Le peuple suisse a toujours refusé un salaire minimum national, mais le Tribunal fédéral a admis que les cantons avaient une marge de manœuvre, certes restreinte, pour introduire un salaire minimum sur le plan cantonal. Deux cantons ont fait ce choix, à chaque fois de manière démocratique et dans le respect du droit fédéral. Le problème n’est pas juridique, il est politique: il appartient aux opposants au salaire minimum, sur le plan fédéral et dans les cantons, de convaincre une majorité que ce n’est pas la bonne solution.

En 2012, le Conseil des Etats a rejeté la loi sur la prévention. Mais le sujet revient dans l’actualité politique, une initiative cantonale neuchâteloise recommande un impôt sur le sucre et à Berne, une nouvelle stratégie sur la nutrition est à l’étude. Que pensez-vous en tant que libéral d’un tel impôt sur les mesures de préventions?

n La question de la prévention revient régulièrement à l’agenda politique, car c’est une question importante. Si nous voulons freiner l’augmentation des coûts de la santé, la prévention est sans doute, aujourd’hui, une piste sous-exploitée et qui permettrait d’économiser des ­deniers publics.

«je ne pense pas que les taxes soient la meilleure manière de changer les comportements.»

Nous avons donc tout intérêt, y compris sous un angle purement financier, à renforcer la prévention et à favoriser des bons comportements en matière de santé.

De manière plus générale, que pensez-vous de telles taxes incitatives?

n Je ne pense pas que les taxes soient la meilleure manière de changer les comportements, et j’ai quelque peine avec un certain hygiénisme toujours plus intransigeant. Chaque être humain a ses défauts, ses péchés mignons, personne n’a une vie totalement saine. Il y a une tendance à vouloir nous prémunir de tous les risques, alors que, finalement, la vie elle-même est dangereuse et se finit, d’ailleurs, toujours mal! Il faut donc user des taxes à doses homéopathiques. Dans certains domaines, elles sont justifiées, par exemple dans le domaine du tabac, où l’on sait que l’augmentation du prix par la fiscalité a un effet sur une partie des consommateurs, notamment les jeunes. Mais il faut à chaque fois regarder si une taxe peut permettre d’atteindre l’objectif visé et, surtout, y avoir recours seulement si toutes les autres recettes se sont révélées inefficaces.

Que faire des 440 millions de francs prévus pour la Prévoyance vieillesse (PV 2020)? Diminuer la dette? Les laisser dans la caisse commune? Quelle est la position de votre groupe radical aux chambres? Ou votre position personnelle?

n Le Parlement devra s’atteler rapide­ment à une nouvelle réforme de la Prévoyance vieillesse. Suite à l’échec de Prévoyance 2020, le Conseil fédéral a proposé d’affecter une partie de cette somme au fonds d’infrastructure ferroviaire (en renonçant à une coupe prévue dans ce domaine) et l’autre partie au désendettement. Je pense que c’est une bonne base de discussion. Les infrastructures sont utiles à notre population et à notre économie, et reporter des travaux nécessaires n’est pas particulièrement judicieux. Il faudra aussi regarder si cette nouvelle marge de manœuvre financière peut nous permettre de renoncer à certaines coupes, par exemple dans le domaine de la formation, de la recherche et de l’innovation. Il faut toujours être prudent en matière de finances publiques, mais il ne faut pas non plus peindre le diable sur la muraille, les finances de la Confédération étant plutôt solides, notamment en comparaison internationale. Il faut que cela reste ainsi, nous devons donc rester prudent, mais ne pas sombrer dans les peurs infondées.

Les finances neuchâteloises sont à nouveau déficitaires et les nuages s’accumulent sur ce canton connu autrefois pour son dynamisme économique, pionnier de la promotion économique notamment et du redressement des crises. Que faut-il faire pour sortir Neuchâtel de cette ornière?

n Le dynamisme économique du canton de Neuchâtel ne se dément pas: les prévisions indiquent que le canton de Neuchâtel devrait connaître l’une des plus fortes croissances économiques du pays au cours des prochains mois.

«C’est aux opposants au salaire minimum de convaincre une majorité»

Par contre, il est vrai que ce dynamisme économique ne se ressent pas au niveau de l’état des finances publiques. Le problème des finances neuchâteloises réside principalement dans un déficit structurel de plusieurs dizaines de millions de francs. C’est à ce déficit qu’il faut s’attaquer en prenant les décisions qui s’imposent, y compris des décisions impopulaires. Si le déficit structurel est gommé, les finances neuchâteloises seront moins sensibles aux soubresauts économiques, et cette image de mauvais élève en matière de finances pourra appartenir au passé.

Interview: François Othenin-Girard

trajectoire

Originaire de Courtetelle (JU), le sénateur radical est né en 1979 à Neuchâtel. Ce juriste réside à Corcelles-Cormondrèche (NE). Son parcours politique débute au législatif communal de 2000 à 2008. Exécutif communal de 2008 à 2012. En parallèle, au législatif cantonal de 2001 à 2009: c’est à dire le plus jeune député de l’histoire du canton. Président cantonal du Parti radical neuchâtelois de 2004 à 2008. Là aussi, il fut le plus jeune président cantonal de l’histoire. En janvier 2010, il est élu au Conseil des Etats. Il devient ainsi le plus jeune membre de la Chambre. Il fut nommé le 30 novembre 2015 à la présidence du Conseil des Etats.

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