Publié le: 9 mars 2018

Soit la 5G, soit des milliers d’antennes

Téléphonie mobile – Interruptions d’appels, connexions lentes, applications désactivées: la Suisse est menacée de désavantages concurrentiels. Les Etats ont fait un pas en arrière en refusant d’augmenter les valeurs limites sur le rayonnement non ionisant.

La nouvelle n’a pas échappé aux spécialistes qui commentaient déjà, mardi dernier, «une mauvaise nouvelle pour la compétitivité technologique de notre pays» (Scal.ch). C’est par 22 voix contre 21 et 2 abstentions que le Conseil des Etats a en effet refusé d’augmenter les valeurs limites définies par l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI). Il s’agissait d’une motion déposée par la commission des Transports et des Télécommunications du Conseil des Etats.

C’est en raison de questions liées à la prévention de la santé, la Suisse a limité les rayonnements des téléphones mobiles en instaurant il y a une vingtaine d’années des valeurs limites dix fois plus sévères que celles recommandées par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). De ce fait, puisqu’une seule antenne est autorisée à émettre moins de rayonnement, il faut en Suisse plus d’antennes pour installer et faire fonctionner les réseaux qu’en Allemagne ou en France, par exemple. Cet état de fait exaspère la population et rend les réseaux mobiles suisses deux fois plus chers qu’ailleurs.

5G, le nerf de la guerre

En raison de la limitation des rayonne­ments en Suisse et de ces valeurs 
limite, plus de 90% des sites de téléphonie mobile dans les villes et les zones densément peuplées, ainsi que 66% des sites dans toute la Suisse, ne peuvent plus être agrandis. Ni pour faire face à l’augmentation du trafic de données, ni surtout pour mettre en œuvre la prochaine étape technologique: la cinquième génération de communications mobiles – baptisée 5G. Sans correction de la valeur limite du système, il faudrait construire environ 15 000 nouveaux sites d’antennes au cours des prochaines années, un nombre presque aussi important que le nombre qui prévaut actuelle­ment. Ce n’est tout simplement pas jouable. On peut déjà prévoir les bouchons de la téléphonie mobile pour dans quelques années. C’est certain. Le réseau suisse ralentira – et les réactions ne manqueront pas, à l’image de celles qui ont explosé lorsque Apple a ralenti les iPhones.

La cinquième génération de communications mobiles 5G est donc cruciale pour la numérisation et la compétitivité future de la Suisse. L’introduction de la 5G crée un environnement favorable à l’économie avec des infrastructures de haute qualité.

La 5G ouvre des possibilités de participation à la vie sociale et économique complètement nouvelles et décentralisées. Elle autorisera des innovations comme la «réalité augmentée», afin d’accompagner les interventions chirurgicales ou divers travaux d’assemblage dans la construction de bâtiments. L’Internet des objets permettra pour sa part de piloter les véhicules, d’assurer la gestion des chauffages, des machines à laver. Ou encore d’assurer le suivi et l’optimisation des mailings, les flottes de véhicules, les transports publics. Enfin, pour clore ce plaidoyer, la 5G favorisera également un meilleur accès aux régions périphériques au profit de l’industrie régionale et du tourisme.

Quid des limites d’émissions?

Autant dire que la pesée des intérêts est rapide: la Suisse devrait-elle maintenir les limites d’émission strictes et scientifiquement infondées pour la téléphonie et en subir le contrecoup en renonçant à la numérisation? N’aurait-on pas au contraire tout intérêt à amender la moindre ces normes? Le monde des PME a besoin de communications mobiles efficaces. Inutile de tenter de mettre des barrières au progrès technologique. Les PME suisses ne peuvent vraiment pas se permettre un désavantage concurrentiel dans le contexte international actuel.

Mardi dernier, les Etats ont refusé la motion de la Commission Transports et Télécommunications. Cette décision est un mauvais signal. Faire aboutir la 5G prendra beaucoup plus de temps et coûtera bien plus cher. Cette perte de temps se traduira aussi par une perte de compétitivité.

Henrique Schneider,

directeur adjoint de l’usam

conditions-cadres

La 5G dès 2018

Swisscom souhaite déployer la 5G dès la fin de l’année. Soit deux ans plus tôt que prévu initialement. L’introduction progressive du réseau ultra-rapide peut être avancée étant donné que la standardisation à l’échelle internationale s’est déroulée plus rapidement qu’escompté. Le fournisseur Ericsson est en mesure de livrer les composants réseaux et logiciels à temps pour un déploiement dès le quatrième trimestre de cette année. Swisscom prévoit d’atteindre une couverture nationale de la 5G dans un délai de deux ans. Des tests sont effectués depuis ce printemps, le shop Swisscom de Zurich proposant depuis mai des vitesses de connexion mobile de 800 Mbit/s. À la mi-mars, la première antenne 5G sera mise en service à Ittigen à des fins de test. À noter que les premiers téléphones portables compatibles 5G sont prévus pour début 2019.

Le nouvel agenda de Swisscom est néanmoins soumis à des conditions externes. Pour commencer le déploiement de la 5G, l’opérateur historique devra en effet s’être vu attribuer les fréquences nécessaires par l’OFCOM. «Il est concevable que les bandes de fréquences soient à nouveau mises aux enchères, comme dans le cas de l’UMTS», explique le géant bleu. En outre, l’introduction de la 5G dépend aussi d’un assouplissement des conditions-cadres de l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI).

Comparé aux réseaux LTE actuels, la 5G devrait permettre un débit de transmission de données de 10 à 30 fois plus élevé par cellule radio et une capacité supérieure d’environ 1000 fois à celle des réseaux LTE actuels, souligne Swisscom. Avant de préciser que la 5G profitera aussi bien à l’économie, à la science, à l’industrie qu’aux clients privés. Ces connexions à ultra-haut débit seront notamment capables de booster la communication M2M (machine à machine). Alors que la technologie 4G LTE Advanced actuelle offre un débit maximum de 100 à 1000 Mbit/s, la 5G permettra d’atteindre des débits jusqu’à 30 Gbit/s, souligne l’opérateur.

SOURCE: ICT Journal

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