Publié le: 6 novembre 2020

Supprimer la pénalisation fiscale du mariage?

réflexion – Suite à l’échec de la hausse de la déduction des frais de garde le 27 septembre, le débat

peut reprendre. Où il est question pour certains de ressortir l’imposition individuelle et d’autres pistes…

Le 27 septembre dernier, le projet permettant une meilleure conciliation vie familiale et vie professionnelle n’a pas été accepté. La hausse de la déduction fiscale pour frais de garde des enfants aurait constitué un premier pas important pour les familles. Le débat sur la suppression de la pénalisation fiscale du mariage revient une énième fois sur la table, mais parviendra-t-on enfin à y mettre un terme?

Bref retour en arrière

Après les erreurs de calculs faites par l’administration fédérale concernant le nombre de couples touchés par la discrimination fiscale du mariage et la décision du Tribunal fédéral (TF) d’annuler la votation sur l’initiative du PDC, le débat devait être relancé et clairement prendre en compte des formes d’imposition plus modernes comme celle de l’imposition individuelle ou celle du quotient familial. Le projet de hausse des déductions des frais de garde a momentanément mis en attente cette réforme de l’imposition du couple et de la famille. En effet, très vite, et du côté des opposants, il a été question d’un projet de réforme de politique familiale, alors qu’il s’agissait simplement de faire un geste envers les parents voulant concilier au mieux vie professionnelle et vie familiale.

Alternative au projet?

La proposition du Conseil fédéral du barème multiple avec calcul alter­natif de l’impôt ne semble avoir aucune chance et ne rassemblera jamais une majorité. Ce modèle représente une procédure de taxation compliquée et va à l’encontre de la simplification du système fiscal, puisque deux calculs d’impôt doivent être effectués (un calcul sur base commune et un calcul sur base individuelle).

Les commissions parlementaires n’ont pas vraiment avancé dans le traitement de ce dossier. L’examen du projet de suppression de la pénalisation des couples mariés a carrément été suspendu en attendant que le Conseil fédéral prenne acte des considérants écrits de l’arrêt du Tribunal fédéral et informe les commissions des options envisageables pour la suite des travaux. La votation sur la hausse de la déduction aurait dû avoir lieu en mai.

Quotient familial?

Pour opter pour le bon modèle d’imposition, la question se pose aujourd’hui de savoir quels sont les réels avantages en plus de la suppression de la discrimination. Idéale­ment, le modèle d’imposition des couples et de la famille devrait comporter moins de charges administratives pour les autorités fiscales et les contribuables, avoir des effets bénéfiques sur l’emploi, des effets bénéfiques sur les finances fédérales et respecter bien sûr les exigences liées à la décision du TF datant de 35 ans en arrière maintenant. Deux options de modèle d’imposition des couples et de la famille se dessinent: imposition individuelle et quotient familial. A l’aune des progrès de la numérisation, et malgré le rejet de la motion 16.3006 «Pour enfin introduire l’imposition individuelle en Suisse», le modèle de l’imposition individuelle présente de nombreux avantages et l’estimation des coûts induits faite à l’époque doit être mise à jour.

Ce modèle d’imposition moderne doit être pris en compte dans le débat parlementaire, puisqu’il combat par ailleurs la pénurie de personnel qualifié en incitant les contribuables à plus travailler. La surcharge administrative n’est par ailleurs pas si conséquente. Dans la grande majorité des cas, la déclaration pourrait se faire en ligne et il n’y aurait pas forcément besoin de remplir deux déclarations par couple, puisque la déclaration pourrait comporter une colonne pour chaque conjoint.

Une vaudoiserie?

L’idée de développer au niveau fédéral ce modèle appliqué depuis maintenant plus de trente ans dans le canton de Vaud est tout à fait valable d’un point de vue constitutionnel et répond aux exigences de l’arrêt du Tribunal fédéral. Le modèle tend à rendre l’impôt aussi neutre que possible, puisque la capacité économique d’une famille ne dépend pas seulement du revenu mais également de sa taille. Il tient donc compte des charges du contribuable. Le modèle du quotient familial répond également à l’objectif de l’initiative visant à combattre la pénurie de personnel qualifié en ce sens qu’il ne pénalise pas outre mesure le deuxième revenu.

L’administration n’a pas voulu entrer en matière pour des raisons quasi-dogmatiques. Il est grand temps de rafraîchir le débat. L’administration fédérale devrait calculer les coûts-bénéfices pour tous les modèles en lice. Le fera-t-elle enfin rafraîchir ce débat, mais surtout aussi enfin trouver une solution qui supprime cette inégalité fiscale des couples mariés par rapport aux couples vivant en concubinage?

Alexa Krattinger, usam

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