Publié le: 4 juin 2021

Un bien piètre témoignage

MOBILITY-PRICING – La Confédération veut introduire une tarification routière sous le couvert d’une «tarification de la mobilité», sans tenir compte des faits nouveaux créés par la pandémie – ce qui est inexcusable. Les PME devront-elles payer la facture?

Le Conseil fédéral veut créer la base légale pour les cantons, les villes et les communes avec une loi afin que des projets pilotes locaux et limités dans le temps sur la tarification de la mobilité puissent être réalisés. Selon notre exécutif, cela devrait «fournir des indications sur de nouvelles formes de tarification permettant d’influencer de manière ciblée la demande de transport et le comportement de mobilité dans les transports privés motorisés et les transports publics».

Un Road-Pricing unilatéral

Avec cette formulation, le Conseil fédéral s’expose d’emblée. Son approche vise exclusivement la demande de mobilité. Elle vise uniquement un effet de pilotage par des mesures financières. Si l’on lit attentivement le texte du projet de consultation, il est précisé que «des projets pilotes pour le transport motorisé privé, le transport public ou les deux modes de transport ensemble» doivent être rendus possibles. Les mesures incitatives destinées exclusivement au transport privé motorisé (TPM) sont autorisées.

«Le conseil fédéral s’expose d’emblée.»

Ce faisant, le Conseil fédéral fait ses adieux aux conclusions du procès de Zoug. Le 13 décembre 2019, il concluait que «la tarification de la mobilité [pouvait] contribuer de manière significative à lisser les pics de trafic dans les agglomérations fortement congestionnées». À l’époque, il faisait explicitement référence aux transports publics (TP). Une proposition équilibrée de tarification de la mobilité devrait donc, au minimum, concerner conjointement les transports publics et les transports privés. Et ne pas ouvrir la possibilité de taxer uniquement les transports privés en introduisant unilatéralement la tarification routière.

Une approche fallacieuse

Cela signifie que le projet est déjà mal conçu dès le départ. Avec pour conséquence que les grandes villes dominées par la gauche et les verts, où les essais peuvent être raisonnablement envisagés, introduiront en fait une tarification routière exclusivement contre les TPM.

Le fait que le Conseil fédéral sacrifie finalement une idée neutre – la tarification en fonction de la demande et de l’offre – à une idéologie rouge-verte de la circulation est inquiétant, mais pas surprenant. Ce défaut de conception fondamental de l’actuel projet de législation signifie que peu d’expériences pratiques seront acquises en matière de tarification des transports publics – une occasion manquée.

Non seulement le dispositif expérimental proposé par le Conseil fédéral n’apportera aucun éclairage sur les transports publics, mais il vise une lutte purement acharnée. Le TPM sera réduit par un développement des transports publics. L’expansion unilatérale des transports publics conduira à renforcer la demande absurde de gratuité des transports publics, qui s’est déjà exprimée dans certaines villes.

Possibilités créatives ignorées

L’orientation idéologique unilatérale de l’avant-projet fait que l’on rate des occasions d’atteindre l’objectif d’un allégement sélectif des infrastructures de transport de manière créative. Citons par exemple le dialogue avec les partenaires sociaux dans le domaine de l’aménagement du temps de travail (en particulier dans le secteur des services), en relation avec une flexibilisation du temps de travail nécessaire depuis longtemps, dans le domaine du travail à domicile, mais aussi dans le dialogue avec les autorités, par exemple dans l’aménagement du temps d’enseignement dans les écoles et les universités.

Le fait que le projet de consultation, adopté en février 2021 après presque un an de pandémie, ne fasse aucune référence aux expériences de la crise et tente au moins d’évaluer les conclusions correspondantes, est un acte d’accusation. La pandémie a clairement montré qu’en assouplissant les horaires de bureau et d’école et en développant le télétravail, la charge de pointe dans les transports publics et privés pouvait être considérablement réduite.

Aux PME de payer les factures!

Les systèmes qui cassent les pics de trafic uniquement par des prix horaires plus élevés sont antisociaux. Ils frappent surtout ceux qui, par exemple, ont peu ou pas de marge de manœuvre dans leurs horaires de travail. Une fois encore, ce sont les PME qui payeront la facture. Le commerce et l’industrie en général, et les entreprises artisanales en particulier, n’ont pas d’alternative économiquement viable à la voiture particulière pour le transport de leurs équipements, outils et produits vers leurs clients. La tarification de la mobilité, ou même la tarification routière, entraînera des inconvénients considérables pour ces entreprises. Les entreprises devront faire face à une charge financière supplémentaire et seront contraintes de répercuter les coûts sur leurs clients, si tant est qu’elles soient en mesure de le faire.

Dans certains secteurs, les marges sont aujourd’hui étroites et ne permettent plus aucune marge de manœuvre: 85% de la distribution de marchandises se fait sur les routes. Cela ne changera pas à l’avenir. Pour les PME, la tarification routière entraînera inévitablement une augmentation des coûts. À cela s’ajoute l’augmentation du prix de l’essence déjà décidée par le Conseil national et le Conseil des États à la suite de la loi sur le CO2, qui sera votée le 13  juin.

Le Conseil fédéral a promis dans des rapports précédents qu’il n’avait pas l’intention de prélever des taxes supplémentaires. Néanmoins, les PME en ressentiront les conséquences sous la forme de coûts plus élevés. Car ce sont toujours les clients qui déterminent quand et où l’entreprise doit livrer. En outre, la tarification routière régionale, telle qu’elle est proposée dans le projet de loi, risque de créer une mosaïque de prélèvements différents et confus. Le projet de loi soulèvera une forte opposition, comme le montre la déclaration du Canton de Zurich, qui la qualifie déjà d’«arbitraire».

Position de l’usam

Il est en effet nécessaire d’agir. Toutefois, du point de vue de l’usam, il s’agit moins de contrôler le trafic que de garantir le financement à long terme des infrastructures de transport. Avec la baisse de la consommation de carburant et les effets de substitution par des véhicules à propulsion électrique, les flux financiers vers les routes nationales et les transports d’agglomération vont diminuer dans les années à venir.

Si l’on tient compte de la baisse de la consommation d’essence et de diesel (baisse des ventes de carburants de 18 à 30% par rapport à l’année de référence 2018) d’ici 2030 en raison des effets de substitution et d’efficacité, il y aura un manque à gagner de plusieurs centaines de millions par an. Des projets routiers prêts à être mis en œuvre pourraient être mis en veilleuse, voire compromis.

La question n’est donc pas de savoir qui est autorisé à conduire, où et quand, mais bien plutôt comment le financement des infrastructures de transport pourra être assuré de manière durable et sur le long terme.

Dieter Kläy, usam

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