Publié le: 6 octobre 2017

Un caractère sur le marché du granit

femmes – Lorenza Bignasca et ses collègues producteurs de granit au Tessin se relèvent peu à peu du choc de l’euro. Avec eux, l’énergique quadragénaire a fondé une nouvelle association pour offrir un visage au monde politique et aux partenaires sociaux.

Chez Adriano Bignasca SA, Lorenza Bignasca mène avec passion, détermination et un peu de philosophie cette PME de 25 collaborateurs en travaillant la montagne avec respect pour extraire du granit tessinois. Cette quadragénaire qualifie son style de management de persuasif parce que c’est un métier qu’elle n’a pas appris dans une école. «Je pense avoir du flair pour cela, avec une facette de chaleur humaine aussi, ce qui est important pour les contacts. Et un peu de philosophie, de respect et d’éthique, face à la montagne, mais aussi pour le client.» Interview.

JAM: Comment vont les affaires dans le secteur du granit au Tessin?

n Lorenza Bignasca: C’est schizophrénique! Tantôt le carnet de commandes est plein, mais il y a aussi des temps morts que nous trouvons particulièrement longs.

Y a-t-il du nouveau au plan réglementaire?

n Nous sommes très attentifs à ce que le Canton prépare pour légaliser notre activité, et en lien avec l’aménagement du territoire. Nous avons encore du potentiel pour nous améliorer…

Quel est votre objectif?

Nous voulons obtenir plus de crédibilité face au monde politique et à nos partenaires sociaux et en même temps nous tenons à notre territoire.

Alors, qu’allez-vous faire?

n Nous avons fondé une nouvelle association des extracteurs et producteurs de granit, dont je suis la vice-présidente et qui s’appelle Ticino-Gneiss. Cela s’est passé le 30 juillet 2016 avec les collègues. Les membres émanent en partie de la vieille association dans laquelle il y avait beaucoup de discussions, mais de manière regrettable, nous n’avons pas eu de CCT pendant 5 ans. C’est désormais chose faite.

Comment avez-vous survécu ces dernières années?

n Après le Krach de l’euro face au franc suisse, nous avons vécu une année des plus tragiques. Nous avons pratiquement tout perdu, soit 90% de nos exportations en 2015. Puis l’euro est passé à 1,10 et cela a commencé à remarcher. Vers 1,17, 1,18, cela tourne en faveur des acheteurs étrangers. Donc en 2016, nous avons pu récupérer 50% de ce qui avait disparu pour ce qui concerne le marché étranger. D’autre part, nous avons pendant cette année pu récupérer en grande partie le marché intérieur, où nous avons bénéficié de larges soutiens, un choix conscient de la part de nos clients suisses. Un produit suisse à kilomètre zéro. Mais il nous manque encore un 40%. Et cela pèse.

Et aujourd’hui, comment vous en sortez-vous?

n Nous avons en revanche pu réaliser des achats de fraises et de scies à de meilleurs prix et investir dans l’outillage et les machines. C’est un avantage. Donc je reste optimiste, sinon je ne serais pas là à trimer toute la semaine! Aujourd’hui, les changements sont très rapides. Les paiements entrent aussi moins facilement, tout est plus lent.

Produire à l’étranger, c’est une bonne idée?

n Nous devons travailler sur place. Je connais des gens qui se sont lancés en Turquie, ou en Angola. Mais cela ne marche pas tellement bien. Il faut être sur place pour contrôler et surveiller. De plus, le gneiss tessinois est l’une des seules matières premières suisses. Il est inconcevable de l’extraire sur place et 
de l’amener à l’étranger pour le travailler!

L’introduction d’un salaire minimal à la sauce neuchâteloise vous inquiète-t-elle?

n Oui, bien sûr, car on ne peut pas tout le temps augmenter les salaires. Les nôtres ne sont pas concernés par cet objet. En raison de la pénibilité du travail, nos salaires se situent en effet au dessus.

Interview: François Othenin-Girard

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