Publié le: 6 février 2015

Une flotte helvétique si particulière

journée des garagistes – François Launaz, président d’auto-suisse, association des importateurs suisses, s’exprime à propos des conséquences du franc fort sur le marché de l’utilitaire, de la dévaluation du parc, des euro-bonus et de l’environnement.

Auto-suisse a passé la vitesse supérieure dans l’engagement politique. L’association défend les intérêts de 33 importateurs officiels de Suisse – soit 4500 revendeurs d’automobiles, d’utilitaires légers, poids lourds, autobus et autocars – un secteur de 12,7 milliards de francs! L’association défend les intérêts de la route qui transporte 75% des voyageurs, contre 16% pour le rail (situation en 2013), et refuse que ses usagers financent systématiquement les autres moyens de transport à chaque plein de carburant. D’où l’initiative «Vache à lait» qui plaide en faveur d’un financement équitable des transports. Parmi les autres batailles à mener comme la loi sur le CO2 qui impose aux importateurs un objectif à 95 grammes de CO2 par kilomètre sur la moyenne des véhicules vendus à l’horizon 2020 (130 g/km en 2015). Or cet objectif est impossible à tenir à cause de la spécificité de la demande dans la montagneuse et riche Helvétie – transmission 4×4, boîte automatique, motorisations puissantes, équipement de pointe – mais aussi parce que la Suisse, contrairement à l’Allemagne ou l’Autriche, ne pourra pondérer sa moyenne de CO2 avec l’ensemble des pays de l’UE. Les amendes (estimée de 50 à 80 millions de francs pour l’exercice 2015) coûteraient finalement, selon François Launaz, des centaines de millions de francs aux importateurs qui, fatalement, répercuteraient cette charge sur le prix des véhicules neufs. Enfin, depuis le 16 janvier, le franc fort secoue également la branche automobile, certes importatrice, par quelques effets négatifs comme nous l’explique le président d’auto-suisse.

Journal des arts et métiers: Quelle conséquence aura le franc fort sur le secteur automobile suisse?

n François Launaz: La même que lorsque le taux avait été fixé à 1,20 franc contre 1,00 euro, autrement dit une baisse de prix des produits importés, pour l’automobile comme pour toute marchandise venue de l’étranger. La conséquence positive, c’est évidemment une hausse du pouvoir d’achat des Suisses.

Super, les ventes de véhicules neufs seront soutenues, voire même stimulées?

nDifficile à dire à l’heure actuelle. Les effets seront probablement négatifs les premiers mois, jusqu’à ce qu’une stabilisation du cours permette à tous les acteurs de la branche de se déterminer sur une stratégie à court et moyen terme. En principe, les prix devraient évoluer à la baisse, mais également les prix des véhicules d’occasion, donc des reprises, ce qui pourrait avoir une conséquence négative sur les volumes de vente.

Là, vous faites allusion à la dévaluation du parc des 5,7 millions de véhicules immatriculés en Suisse? La perte n’est-elle pas catastrophique pour les revendeurs de parcs d’occasion?

nJ’estime cette baisse à 10-12%. Certes, la valeur du parc va baisser, mais pour autant que les véhicules soient vendus. Je pense également que la baisse touchera essentiellement les véhicules récents, probablement beaucoup moins les véhicules plus âgés.

Les «euro-bonus» fleurissent à nouveau chez les importateurs officiels, toutefois pas de manière équivalente à la hausse du franc – cette fois, le calcul est facile. Ne risquent-ils pas une concurrence accrue des importateurs directs?

nLa situation d’aujourd’hui ne se différencie pas vraiment de celle dans laquelle nous nous trouvions lorsque le cours a été fixé à 1,20 franc. Les conséquences sont les mêmes pour tous les importateurs, officiels ou non. La part de marché des importateurs indépendants n’a aucune raison d’augmenter.

Avec le franc fort, les sanctions dues à la loi sur le CO2 (voir introduction) ne seront-elles pas plus faciles à répercuter sur le prix des véhicules neufs devenus moins chers – autrement dit, la pilule ne sera-t-elle plus facile à faire avaler aux consommateurs?

nNon, puisque les amendes seront toujours calculées en francs suisses. Quant à la pilule, elle risque d’être encore plus difficile à avaler puisque, proportionnellement au prix de la voiture, la pénalité deviendra plus grande. La méthode de calcul prévue pour 2020 reste très injuste et nous nous battons pour que ce nouvel objectif soit un moyen de pression pour abaisser les émissions de CO2 et non pas un moyen détourné pour soutirer encore plus d’argent des automobilistes. Ce qui est le cas dans la proposition actuelle!

Qu’en est-il de la loi sur le CO2 concernant les véhicules utilitaires de moins de 3,5 tonnes de poids total? Ici, contrairement à l’automobile, il n’y a pas de spécificités liées au marché suisse, n’est-ce pas?

nLes discussions sur le CO2 se poursuivent au Parlement. L’objectif de 175 g de CO2/km devrait être fixé pour 2017. Oui, la flotte des véhicules utilitaires en Suisse est particulière, car, contrairement à celle de l’UE, elle compte bien moins de petits utilitaires légers! Ce qui rend cet objectif inatteignable et conduira à des sanctions, donc à une hausse du prix des véhicules utilitaires en Suisse.

Propos recueillis par

Jean-Luc Adam

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