Publié le: 6 juillet 2018

Une loi sur les services financiers qui oublie le passé

La protection des investisseurs, et en particulier des petits épargnants, est indispensable à un système financier moderne. La crise financière de 2008, notamment la faillite de la banque américaine Lehman Brothers qui a eu des répercussions jusqu’en Suisse, a abouti à un constat: les petits clients n’étaient pas ou peu protégés. Alors qu’ils avaient parfois perdu plusieurs dizaines de milliers de francs, les économies de toute une vie dans les situations les plus dramatiques, l’idée de mener un procès contre leur banque et d’engager de nouveaux frais – dont le montant et l’issue était incertains – leur était insupportable.

En réponse à ces lacunes législatives, le Conseil fédéral a pris le taureau par les cornes et proposé un projet de loi sur les services financiers qui, après plusieurs années de débat, vient d’être accepté par les Chambres lors de la session d’été 2018. Si le projet mis en consultation peu de temps après la crise financière était particulièrement innovant, le résultat final est décevant du point de vue des petits épargnants. Le projet mis en consultation prévoyait de nombreuses améliorations, mais ne subsistent dans la loi votée que quelques éléments positifs, comme la segmentation de la clientèle entre privés et professionnels, l’obligation pour une banque de fournir une fiche d’information de base lors de la vente de produits financiers ou encore l’ancrage dans la loi de la médiation en matière bancaire. Les éléments novateurs comme la possibilité d’agir collectivement devant un tribunal lorsqu’un grand nombre de particuliers est lésé via une association ou une organisation sans but lucratif, un meilleur accès aux tribunaux lors de litiges ou encore la possibilité d’une transaction de groupe, n’ont pas été repris dans le projet voté par le Parlement.

«Introduire un exercice collectif 
des droits ‹à la suisse› 
qui n’entre pas dans les travers 
de la class action américaine.»

Sophie Michaud Gigon*

Revenons en particulier sur l’action collective et la trans­action de groupe: il a été décidé de ne pas les introduire de manière spécifique dans cette loi spéciale, mais de passer par le biais d’une révision du Code de procédure civile (CPC). La consultation relative à cette révision vient de se terminer: les propositions faites par le Conseil fédéral vont dans le bon sens et permettront d’introduire un exercice collectif des droits «à la Suisse», qui ne connaîtra pas les travers de la class action américaine. Si l’affaire Lehman Brothers avait pu être résolue à l’époque grâce à la FRC, en permettant le remboursement de plus de 75% des lésés, il aurait été bien plus simple de pouvoir mener une transaction de groupe tel que cela est proposé dans le projet de révision du CPC. Dix ans après la crise de 2008, certains ont eu la mémoire courte. Pourtant, la Suisse, comme le reste du monde, n’est pas à l’abri d’un nouveau séisme financier. Une loi sur les services financiers forte et novatrice aurait permis de donner aux petits épargnants une confiance dans le système qu’ils n’ont parfois plus.

*Sophie Michaud Gigon est Secrétaire générale de la Fédération romande des consommateurs.

position de l’usam, par henrique schneider

Equilibre entre liberté d’entreprise et protection des consommateurs

Faire une nouvelle loi en fonction du passé est une erreur. Faire une nouvelle loi en fonction d‘un passé mal interprété est encore pire. La première version du paquet des lois financières avait été construit en fonction de la crise financière de 2008. Mais ses architectes avaient oublié l’élément le plus important de cette crise. Ce qui fut corrigé par la suite ...

La crise financière est précisément liée à une crise de la réglementation. Premier exemple archétypal de cette crise, Bernie Madoff. Avant que l’escroquerie n’éclate, sa pyramide de Ponzi avait été contrôlée de trois manières différentes par les autorités: son modèle d’entreprise avait été validé. Lui-même, en tant qu’entrepreneur, avait subi tous les tests de régulation possibles. Enfin, ses produits avaient passé la «compliance». Le deuxième exemple est du même tonneau: la faillite de la banque Lehman Brothers est due aux produits financiers qui avaient été contrôlés et avalisés par les autorités régulatoires. La prise de risque s’était donc effectuée sous les yeux du régulateur. Le troisième exemple, la crise des subprime et celle des liquidités interbancaires, fut le fruit d’une politique monétaire ultra-laxiste du côté des banques centrales. En toute connaissance de cause!

Par contraste, la dernière version du paquet des lois financières suisses n’est pas victime de son passé réglementaire. Son but est de permettre, à l’avenir, le bon fonctionnement de la place financière et celui de nombreuses PME de ce secteur. Pour ces dernières, la réglementation représente le facteur de coût le plus important. Or les charges générées par ces réglementation ont été au final réduites dans ce projet. Un assez bon équilibre a été trouvé entre la liberté d’entreprendre et la protection des consommateurs. Nous soutenons donc ce projet.

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