Publié le: 6 octobre 2017

Une vendange pleine d’inepties

Aménagement du territoire – Les effets de la dernière révision ne sont pas encore connus. C’est beaucoup trop tôt pour une nouvelle mouture, pimentée de dispositions psychorigides. Voici pourquoi il convient de la renvoyer très vite à son expéditeur!

Beaucoup trop tôt et pas assez aboutie: voilà ce qu’il faut penser de cette deuxième révision de la loi sur l’aménagement du territoire LAT. Pour qu’elle soit véritablement efficiente, une nouvelle modification de la loi ne devrait intervenir qu’une fois que la première étape aura été mise en œuvre correctement et que son impact aura été évalué. Il est indéniable qu’un aménagement du territoire bien pensé est primordial. Notre pays ne possède pas un territoire illimité, il est donc important d’agir pour favoriser une construction densifiée, pour offrir une meilleure protection – mais pas absolue – aux terres cultivables, et de se pencher sur les constructions hors zones à bâtir, en prenant en compte une pesée des intérêts.

Incomplétude rédhibitoire

Ce nouveau projet de LAT intervient seulement quatre ans après la ­première révision acceptée par le peuple. Il est trop tôt pour entamer une deuxième révision alors que les effets de la première ne sont pas encore connus. Le projet comprend une nouvelle approche qui vise à donner plus de marge de manœuvre aux cantons pour les constructions hors des zones à bâtir.

«Le principe de neutralité de concurrence a-t-il été oublié? S’agit-il d’un lapsus significatif?»

L’aménagement du territoire étant du ressort des cantons, ceci est donc une bonne chose. Comme la pression est de plus en plus forte sur les terres agricoles, il est donc judicieux d’établir une règlementation claire et transparente, tout en accordant plus de souplesse aux cantons. Mais c’est l’inverse qui prévaut ici!

Dirigisme extrémiste

Cet assouplissement des règles cantonales est couplé à une exigence de compensation. Cela signifie que chaque autorisation délivrée pour une construction hors des zones à bâtir devrait être systématiquement compensée ailleurs et en quantité équivalente. Or il faut prendre en compte les typicités locales. Ce système est bien trop rigide, flou du point de vue de sa mise en œuvre et très éloigné de la réalité. Ces nouvelles dispositions extrêmement dirigistes restreignent la compétence des cantons. Les autorités cantonales sont compétentes en la matière, il n’est pas admissible de les mettre sous tutelle par une réglementation de plus en plus détaillée et complexes. Compte tenu du fait que l’agriculture a la possibilité de proposer les mêmes prestations que les Arts et Métiers, mais sur des terrains meilleur marché, celle-ci dispose d’un avantage concurrentiel certain. De ce fait il est primordial que la loi sur l’aménagement du territoire LAT intègre le principe de neutralité de concurrence. On dirait que cela a été oublié. Lapsus significatif? Il faut en tout cas que la loi le spécifie clairement et n’intègre pas de mesures qui tendraient à accroitre la distorsion de concurrence entre activités para-agricole et Arts et Métiers.

Nouveaux concepts peu clairs

L’aménagement du territoire n’est pas un but en soi. Il ne saurait consister uniquement à planifier, empêcher et interdire. Il faut flexibiliser et non figer un modèle. Ce projet tend à rigidifier l’aménagement du territoire en alourdissant les procédures. Il est important de garder en tête que l’aménagement du territoire ne doit pas seulement protéger; il doit aussi être au service de l’économie et de la société. Il faut, dans chaque cas, procéder à une pesée des intérêts. Précipitée, cette seconde révision cristallise de nouveaux concepts peu clairs, qui demandent à être précisés afin d’éviter toute insécurité juridique. C’est pourquoi il convient de le renvoyer à son expéditeur en y intégrant des conceptions plus réelles.

Hélène Noirjean, 
Responsable aménagement 
du territoire, agriculture 
et commerce

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