Publié le: 6 septembre 2019

Vulcanologue de l’âme

alessandra barberi-ettaro – Elle propose une approche originale de compréhension du phénomène du burn-out: l’idée, c’est de comprendre les mécanismes biologiques, puis de reprendre les rênes de sa propre vie en tentant de démêler des nœuds complexes qui mènent un jour à l’explosion.

Elle est née à Milazzo en Sicile. Pour ceux qui l’ignorent, c’est le port d’où l’on embarque pour se rendre sur les îles éoliennes. Sur l’une d’elles trône le Stromboli, ce volcan au tempérament ombrageux qui cet été s’est réveillé brutalement d’un long sommeil.

La comparaison s’impose en écoutant Alessandra Barberi-Ettaro, qui propose une approche originale – quasi vulcanologique – sur le burn-out humain. Comme une éruption trop longtemps contenue et invisible de l’extérieur, la détresse psychique humaine plonge ses racines dans les profondeurs de la vie naturelle.

Les neurosciences, la clé

«En biologie animale, le stress est un mécanisme qui permet la survie de l’espèce et à l’individu d’opter pour la fuite ou le combat – lorsqu’il perçoit une menace réelle pesant sur lui», développe cette coach spécialisée en PNL neuro-sémantique et basée à Genève depuis cinq ans – après une trajectoire qui l’a emmenée à Gênes et en Alsace, où elle a grandi puis étudié. Les neuro­sciences donnent selon elle des clés de lecture utiles à la compréhension du burn-out. Le coaching permet ensuite de changer de posture et d’avancer de manière constructive pour acquérir la connaissance de soi et le savoir-être qui permettra d’éviter de replonger.

Un jour, le corps lâche

«Dans la vie en société telle que nous la connaissons, par exemple dans le monde du travail, le mécanisme est resté le même, poursuit-elle. A la différence près que le stress ne correspond plus à une menace sur l’existence, mais constitue une source de pression qui impacte la personne au plan psycho-émotionnel. Le conflit avec les besoins et les valeurs sont enfouis et l’individu s’engage en contradiction avec lui-même. Il va jusqu’au bout de la démarche – mais un jour le corps finit par lâcher!» Petit à petit, la tension s’accumule dans le psychisme et un jour tout éclate. C’est l’éruption!

La lave psychique refroidie, commence le travail de dégagement de la personne. La coach Barberi opte en premier lieu pour une prise de conscience de la situation. «Cela passe par une quête intérieure, une recherche de sens, un déclic: l’idée, c’est de reprendre les rênes de sa propre vie en tentant de démêler des nœuds complexes: par exemple, quelles ont été dès le début les attentes de l’entreprise à notre égard et nos attentes par rapport à elle? Ce n’est là que la moitié du travail. Ensuite, il faut agir en connaissance de cause.»

Profilage, signes critiques

A quoi ressemble le profil d’un candidat au burn-out ? «Il s’agit souvent d’une personne très engagée et dotée d’une conscience professionnelle exacerbée touchant au perfectionnisme, voire même au présentéisme. Il lui est difficile de déléguer et elle doit tout contrôler personnellement. On observe chez elle un grand besoin de reconnaissance et parfois aussi une incapacité à valoriser son propre travail. D’où une attente des feedbacks d’en haut – qui ne viennent pas forcément. Et son corps subit physiologiquement les dommages collatéraux de cette quête du super-héros. La pression que l’individu se met sur lui-même l’épuise sans même qu’il s’en rende compte – et peut-être même sans que l’entreprise ait des attentes particulières à son égard!»

L’identification du problème et la logique des nœuds sont d’autant plus complexes que les formes épousées par le burn-out sont des plus diverses. La plus connue rampe dans l’univers du travail, mais il en existe dans le scolaire ou dans le microcosme familial.

Alessandra Barberi intervient en entreprise avec des formations spécifiques (gestion du stress, prévention du burn-out, coaching d’équipes…) et chez les particuliers via du coaching et des cours en ligne. «Cela s’articule en 50% de connaissance de soi et 50% de mise en pratique, décrit-elle. Dans les équipes, je vais chercher les connaissances de terrain et l’expérience pour dégager des solutions. Nous mettons en place de l’écoute active permettant de dépasser les problèmes.»

François Othenin-Girard

quelques conseils

PME

1. Mieux définir le cahier des charges et éviter les flous pour que chacun puisse mieux se positionner dans l’entreprise.

2. Communication saine et cohérence entre les valeurs et les actes: disposer d’un moment où chaque individu peut s’exprimer librement et être entendu.

3. RĂ©soudre les conflits rapidement.

Collaborateurs

1. Travailler sur l’estime de soi.

2. Mettre au clair ses attentes personnelles et les comparer avec celles de l’entreprise.

3. Rester à l’écoute de son corps et veiller à son équilibre intérieur.

«J’ai moi-même emprunté ce chemin»

Nous sommes de plus en plus nombreux à souhaiter vivre un quotidien professionnel qui ne soit pas seulement «alimentaire». Les besoins de sens, de valeurs, d’éthique et de cohérence se font de plus en plus ressentir, et la tension qu’ils génèrent lorsque ce quotidien ne le permet pas est de plus en plus palpable dans notre conjoncture actuelle.

Les chiffres le démontrent très bien, mais il suffit d’être simplement à l’écoute pour l’observer partout autour de nous. Nous connaissons tous quelqu’un qui est sous pression, qui a fait un burn-out, qui vit des conflits au travail ou encore qui s’ennuie totalement.

Une fois passé le poids moral et la culpabilité des jugements tels que «il faut s’estimer heureux d’avoir un travail et ne pas se plaindre», il est nécessaire à mon sens, de reconsidérer la place et le rôle de l’humain dans la sphère professionnelle. Chacun à son niveau, peut se poser la question, s’il le souhaite. Malheureusement, ce questionnement intérieur est souvent le fruit d’une situation qui est arrivée à son extrême. Le point de non-retour a été franchi, et la question de la quête de sens au travail, n’est alors plus un luxe ou une lubie que l’on veut se permettre, mais une évidence et une condition sine qua non. C’est devenu non négociable, car le corps qui a fini par faire une réaction allergique, manifeste à présent une intolérance à tous ce qui ne nous correspond plus. C’est souvent le retour que l’on me fait dans le cadre de mes accompagnements suite à un burn-out par exemple.

Cela peut paraître effrayant, mais une fois les turbulences acceptées et dépassées, c’est en réalité une merveilleuse occasion de découvrir le vrai professionnel qui sommeillait en nous, et laisser la place à un renouveau, plus adapté et plus juste. Une des meilleures choses qui puisse parfois arriver dans un cursus professionnel, et qui permet notamment d’éviter les regrets en fin de carrière, ou le sentiment d’être passé à côté de sa vie.

J’ai moi-même emprunté ce chemin, et j’ai choisi d’être aux commandes de mon parcours. Je suis aujourd’hui honorée de pouvoir accompagner les professionnels qui le souhaitent à leur tour. Une de mes plus grandes satisfaction professionnelle est de pouvoir observer la capacité de l’humain à s’émanciper et se recréer au quotidien. Je suis bluffée à chaque fois!

Accompagner les individus dans leur recherche de bien-être professionnel, leur reconstruction, leurs projets et leur quête de sens est pour moi la possibilité d’être témoin au quotidien de la capacité et du pouvoir de chacun à transcender sa condition et ses difficultés. Ce sentiment de contribuer à quelque chose de plus grand et plus important que moi, a une saveur et une valeur inestimable à mes yeux.

Alessandra Barberi-Ettaro

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