Publié le: 3 mai 2024

«Sans courant, tout s’arrête»

LARS GUGGISBERG – «La loi sur l’électricité est un pas dans la bonne direction.» Le conseiller national votera en sa faveur le 9 juin, car, selon lui, cette proposition renforcera la sécurité d’approvisionnement à court et moyen terme, surtout en hiver. Le paysage ne serait pas envahi par des installations photovoltaïques et des éoliennes.

Journal des arts et métiers: Le 9 juin, le peuple se prononcera sur la loi sur l’électricité ou «Mantelerlass». En quelques phrases: de quoi s’agit-il en substance et pourquoi un oui est-il important?

Lars Guggisberg: Le peuple suisse s’est fixé pour objectif de réduire ses émissions de CO2 à zéro net d’ici 2050. Cela n’est possible que si les sources d’énergie fossiles sont remplacées par de l’électricité – dans les transports, le chauffage, l’industrie. Lorsque les centrales nucléaires encore en service en Suisse arriveront en fin de vie et devront être déconnectées du réseau, une part importante de la production d’électricité disparaîtra et devra être remplacée. Ce qui entraînera une augmentation massive des besoins en électricité. Sans courant, notre vie quotidienne s’arrête, et toute l’économie.

Un approvisionnement en électricité fiable et abordable est la base de notre qualité de vie élevée et de notre prospérité. Cette loi sur l’électricité ne résout pas tous les problèmes, mais elle constitue un pas dans la bonne direction. Elle renforce la sécurité d’approvisionnement, nous rend moins dépendants de l’étranger et permet un développement rapide des énergies renouvelables en harmonie avec le paysage et l’environnement. C’est pourquoi il faut voter en sa faveur le 9 juin prochain.

«la loi fixe des règleset des garde-fous pour déterminer où des installations énergétiques peuvent être construites ou non.»

Le projet permet de développer les énergies renouvelables. Concrètement, quelles sont les sources d’énergie qui seront les plus développées?

La loi sur l’électricité crée de meilleures conditions-cadres pour le développement de nouvelles installations de production et l’augmentation de la production suisse d’électricité en hiver. Concrètement, elle permet la réalisation de 16 projets hydroélectriques, solaires et éoliens d’importance nationale. Elle fixe des règles et des garde-fous pour déterminer où les installations de production d’énergie peuvent être construites et où elles ne peuvent pas l’être. Les énergies renouvelables doivent être développées en accord avec la protection du paysage et de l’environnement.

La Suisse a un besoin urgent de plus d’électricité - mot-clé: décarbonisation. Quelle quantité d’électricité supplémentaire cette loi doit-elle permettre de produire et dans quel délai?

La loi sur l’électricité fixe des objectifs de développement contraignants pour la production d’électricité renouvelable. Il s’agit de produire 35 térawattheures (TWh) d’électricité supplémentaires d’ici 2035 et 45 TWh d’ici 2050. L’énergie hydraulique doit augmenter sa production de 6 TWh.

Est-ce réaliste? Si le soleil ne brille pas et que le vent ne souffle pas?

À chaque technologie ses avantages et ses inconvénients. Mais chacune contribue à sa mesure à l’approvisionnement hivernal. C’est ce dernier qui sera au premier plan dans les années à venir. Plus la production d’énergie est diversifiée, plus l’ensemble du système est résistant. Il est aussi vrai que parmi les énergies renouvelables, l’énergie hydraulique est celle qui permet de produire de l’électricité de la manière la plus fiable. La Suisse peut jouer un rôle-clé pour la stabilité du réseau en Europe.

«Plus la production est diversifiée, plus le système énergétique dans son ensemble est résistant.»

Quel est le rapport entre cette augmentation et la quantité totale d’électricité nécessaire?

En 2022, la Suisse a consommé 57 TWh d’électricité. Les besoins en électricité vont augmenter massivement à l’avenir, pour atteindre environ 80 à 90 TWh par an d’ici 2050. Pour atteindre la neutralité climatique en Suisse d’ici 2050, comme l’a décidé le peuple, les transports, le chauffage et une partie de l’industrie devront fonctionner à l’électricité plutôt qu’à l’essence, au diesel, au gaz ou au pétrole. Les besoins en électricité augmentent donc, mais en même temps, le système énergétique global devient nettement plus efficace, car l’électricité est plus efficace que les énergies fossiles.

Le projet prévoit la construction de 16 projets hydroélectriques. Les organisations environnementales ont déjà fait opposition à certains d’entre eux, comme le projet du barrage de Trift. Qu’adviendrait-il de ces oppositions en cas de oui à la loi sur l’électricité?

Lors de la mise en œuvre des 16 projets d’aménagement hydraulique mentionnés, des mesures de compensation doivent être prises pour protéger le paysage et la biodiversité. Dans tous les cas, le droit de regard des communes et de la population est préservé. Les procédures juridiques en cours ne sont pas affectées par le vote et seront poursuivies de manière ordinaire jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue. Il est important de mentionner que les grandes organisations environnementales se sont mises d’accord sur le principe de ces 16 projets de centrales hydroélectriques à accumulation. Ceci parce que l’extension est réalisée de manière ciblée là où elle est compatible avec la protection de la nature et du paysage.

La loi priorise la construction d’installations de production d’électricité par rapport à la protection de la nature et du paysage. Les opposants craignent que ce dernier soit défiguré. On parle de 9000 éoliennes et installations solaires d’une surface cinq fois plus grande que le lac de Zurich. Pensez-vous que le peuple dira oui à ce projet?

Le paysage et les Alpes ne seront pas pavés d’installations solaires et d’éoliennes. Les cantons définiront des zones appropriées pour les installations d’intérêt national, en tenant compte d’autres intérêts (protection des paysages et des biotopes, préservation des forêts, agriculture). Ainsi, les zones protégées restent protégées et les zones situées en dehors des zones appropriées ne sont pas intéressantes pour les projets. La loi sur l’électricité pose ainsi des garde-fous clairs pour des dévelopements respectueux du paysage et de l’environnement. Je pense que le peuple approuvera la loi dans ces conditions.

Les opposants craignent que les communes ne soient mises à l’écart, que la population locale n’ait plus rien à dire – sans parler des expropriations. Cette objection est-elle justifiée?

La participation démocratique et les possibilités de recours des particuliers et des associations sont totalement préservées par la loi et pour tous les projets. Très clairement, rien ne pourra être construit si la population locale ne le souhaite pas.

Vous prônez le oui. Votre parti, l’UDC, recommande pour sa part le non et affirme que la loi apporte peu d’électricité, mais coûte beaucoup. L’UDC estime que les coûts supplémentaires s’élèvent à plus de 11 000 francs par personne. Les partisans estiment au contraire que la loi sur l’électricité n’apporte pas de nouvelles taxes et que les consommateurs économisent même de l’argent. Pourquoi les calculs divergent-ils autant et qu’est-ce qui est vrai?

La loi sur l’électricité fixe de nouvelles règles pour la détermination des prix de l’électricité des clients dans l’approvisionnement de base. L’électricité renouvelable produite en Suisse doit être intégrée dans l’approvisionnement de base. Il n’est pas prévu de répercuter les coûts d’investissement des grands projets sur le prix de l’électricité. De plus, les consommateurs finaux profitent de la sécurité d’approvisionnement en produisant eux-mêmes leur électricité et/ou en l’achetant dans leur voisinage. La loi sur l’électricité garantit notre approvisionnement en électricité, surtout en hiver, lorsque l’énergie peut se faire rare. Mieux nous y parviendrons, moins nous serons dépendants de l’étranger ou d’autres mesures d’urgence coûteuses. Plus la dépendance en électricité est élevée face à l’étranger, plus le risque en termes de coûts est important. La demande de la France de cofinancer la construction de 14 nouvelles centrales nucléaires par la Suisse le montre clairement.

«rien ne pourra être construit si la population locale s’y oppose.»

La stratégie énergétique adoptée en 2017 est considérée comme un échec. Ne serait-il pas stratégiquement plus intelligent que la loi sur l’électricité échoue? Cela rendrait plus urgente la construction de nouvelles centrales nucléaires, ce que certains souhaitent.

Non. Nous aurons probablement des pénuries d’électricité, en particulier en hiver, dans quelques années déjà, avant même d’avoir réalisé d’éventuelles nouvelles constructions de centrales nucléaires. Le chemin politique pour y parvenir est trop long. La loi sur l’électricité ne résout pas tous nos problèmes d’approvisionnement, mais elle a le mérite de nous aider à court et moyen terme. Avec cette loi, nous misons sur des sources d’électricité réalistes et surtout disponibles. Mais sur le long terme, il faut aller plus loin et faire preuve d’ouverture technologique.

Au fait, avons-nous besoin de nouvelles centrales nucléaires même en cas de oui à la loi sur l’électricité?

Oui, sinon nous ne pourrons plus garantir la sécurité de l’approvisionnement en électricité en Suisse à long terme et de manière durable.

Interview: Rolf Hug

www.loielectricite-oui.ch

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