Publié le: 6 avril 2018

Au début, le «docteur des tunnels»

Médecine des accidents – Elle n’en était qu’à ses débuts lorsque la Suva a commencé à fonctionner. Il aura fallu les efforts redoublés de celui qui fut le premier médecin chef de l’assurance pour la faire progresser en innovant de manière incessante.

A l’époque de la fondation de la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents, on faisait certes d’importants progrès dans le domaine médical, mais la médecine des accidents restait en grande partie un domaine inconnu, surtout en Suisse: le pays ayant jusqu’ici été épargné par les guerres, il ne possédait pas d’hôpital militaire. L’expérience des praticiens en matière de médecine des accidents se limitait par conséquent aux chantiers de grande envergure comme la construction des voies de chemin de fer du St-Gothard et du Simplon.

Les découvertes indispensables à la fourniture de soins aigus aux patients étaient trop récentes, trop peu éprouvées ou trop chères. Les premiers antibiotiques relevaient de l’expérimentation, les transfusions sanguines présentaient des risques, les appareils de radiographie étaient hors de prix et le risque d’infection lors d’opérations omniprésent. Une fracture constituait souvent un problème pour les médecins.

Un médecin-chef pionnier

Dans le même temps, l’institution s’est vu attribuer – ne serait-ce qu’en raison de sa fonction et de sa taille – un rôle de leader également dans le domaine médical, plus précisément en matière de médecine des accidents et de recherche relative aux maladies professionnelles. Elle disposait en effet des ressources nécessaires pour aider les technologies et méthodes de traitement modernes à s’imposer, ce qui était en outre dans son intérêt. La création, au sein de la structure organisationnelle de l’établissement, d’une division médicale dirigée par un médecin-chef a joué un rôle essentiel dans ce cadre.

Le premier médecin-chef de la Suva s’est efforcé de transmettre au corps médical ses connaissances en matière de médecine des accidents. Il est devenu célèbre sous le nom de «docteur des tunnels» à Brigue, où il s’occupait des ouvriers de la construction du tunnel du Simplon. Daniele Pometta a été l’un des premiers médecins de Suisse à se forger une expérience. C’était à l’époque le seul capital que l’on pouvait faire valoir. Il était donc prédestiné à occuper le poste de médecin-chef.

Pometta affirmait que la médecine des accidents était l’enfant mal aimé de la médecine. Ni les soins aigus, ni la guérison fonctionnelle n’étaient ancrés dans la science. Il a perfectionné les médecins traitants et publié en 1918 des «Principes pour la pratique médicale des accidents», un livre de 340 pages. Tout cela n’intéressait alors qu’une poignée de spécialistes.

Huit médecins 
en un siècle

Pometta a posé les bases du service médical et professionnalisé celui-ci. Lorsqu’il a quitté l’institution en 1934, celle-ci disposait déjà d’une vingtaine de médecins au sein de son administration centrale et de ses agences d’arrondissement. En cent ans, la Suva n’a compté que huit médecins-chefs. Presque tous issus des rangs de l’institution, ils ont garanti une certaine continuité dans le développement de la médecine des accidents. Durant les premiers temps, les relations entre la Caisse nationale et les médecins étaient tout sauf harmonieuses: la collaboration était en effet marquée par la méfiance et les reproches.

La révolte des médecins

Puis, certains médecins spécialistes se sont révoltés. Ils estimaient que l’institution se donnait «des allures de grande puissance» et désapprouvaient l’obligation de s’annoncer à la Caisse à laquelle les médecins étaient soumis. A la fin des années 1920, la situation a empiré lorsque la Caisse nationale a joué la confrontation en inscrivant sur une liste noire les médecins qui avaient une «pratique excessive» et prescrivaient un trop grand nombre de prestations. Cette critique a déclenché la colère du corps médical. Une enquête approfondie a été exigée par le Conseil fédéral en 1933 aboutissant en 1937 à une autre conclusion: dans son rapport, elle critiquait les médecins et saluait l’efficacité et la circonspection de la Suva. Une délivrance.

Le contrĂ´le au centre du tableau

Aujourd’hui, le contrôle des coûts est l’une des principales tâches de l’institution. L’identification d’anomalies dans certaines factures de médecins ou d’hôpitaux lui permet d’économiser chaque année quelque 200 millions de francs. Même si, dans la plupart des cas, il ne s’agit pas d’abus mais d’erreurs, ce montant représente presque 17% du total des frais de traitement.

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