Publié le: 6 mars 2015

Billag, symbole anti-PME

initiative – Jean-René Fournier, vice-président de l’usam et conseiller aux Etats, s’engage dans la campagne avec le Valais. Sur le fond: «Quelle façon pernicieuse d’introduire un nouvel impôt!»

Journal des arts et métiers: Comment voyez-vous cette campagne Billag, sur quels axes et quelles sensibilités régionales va-t-elle se jouer?

n Jean-René Fournier: Cette campagne ne tombe pas au moment le plus opportun du calendrier. Nos entreprises ont aujourd’hui d’autres préoccupations, la décision de la BNS a péjoré les conditions cadres des PME qui exportent et, par ricochet, l’ensemble du tissu. Dans ce contexte, Billag peut paraître anecdotique, mais il s’agit d’un combat essentiel, car il s’agit ni plus ni moins de l’introduction d’un nouvel impôt. J’encourage donc tout le monde à s’engager. Sur le principe, depuis plusieurs années, les entrepreneurs ont le sentiment que dans les parlements, la vision qui prédomine est celle d’une économie suisse exceptionnellement prospère, avec un taux de chômage qui fait pâlir d’envie nos voisins.

Dans les faits, quelle est la réalité?

n Celle qui est vécue par nos patrons est bien différente et la concurrence de tous les jours est devenue bien plus forte. L’opposition à Billag est cruciale et représente un symbole fort: quelle façon pernicieuse d’introduire un nouvel impôt! Non pas une taxe, puisqu’il s’agit ici d’imposer les entreprises pour une prestation dont elles ne bénéficient pas. Ceux qui écoutent la radio et regardent la TV, propriétaires de l’entreprise et collaborateurs, s’acquittent déjà, à titre privé, de leur redevance.

«Notre devoir est d’avertir les entrepreneurs romands que cet impôt échapperait au contrôle démocratique!»

Les organisations patronales doivent attirer l’attention sur le danger de mettre à disposition du Conseil fédéral un instrument qui lui permet de décider seul des tarifs de cet impôt. Depuis plusieurs décennies, la taxe Billag n’a jamais baissé: elle a même augmenté de 60% en 25 ans! Jusqu’à aujourd’hui, il n’a donc jamais été question d’adapter les coûts de ce service publique aux moyens à disposition! 

Comment convaincre les entrepreneurs romands qu’ils doivent impérativement s’engager dans la campagne Billag?

n La sensibilité romande est moins aiguë que l’attitude suisse-alémanique sur cette thématique. Outre-Sarine, les arguments fondés sur le principe de libéralisme économique prévalent. Notre devoir est d’avertir les entrepreneurs romands que cet impôt ne serait plus placé sous le contrôle démocratique, c’est une délégation trop risquée de compétence à l’exécutif fédéral. Celui-ci pourra décider à sa guise d’augmenter le tarif.

Comment, de manière concrète, l’Union valaisanne des arts et métiers (UVAM) entend-elle s’engager dans cette campagne et avec quels moyens pour gagner des suffrages contre Billag?

n L’UVAM regroupe près de 8000 PME et travaille avec la Chambre valaisanne du commerce et de l’industrie, l’Association valaisanne des entrepreneurs, le Bureau des métiers: une sorte de Medef où les chefs d’entreprises se retrouvent sur des objectifs partagés au plan de la politique économique. Dans le cas de Billag, nous disposons d’un instrument d’information de l’opinion publique qui marche assez bien. Nous allons élargir le front à tout le tissu économique. Les entrepreneurs valaisans s’engagent dans cette campagne, ils ont compris les enjeux, même si on leur serine depuis quelques semaines que, en dessous de 500 000 francs de chiffre d’affaires, personne n’est concerné, que les PME ne payeront pas. Or cette somme est de nos jours assez vite atteinte.

Du côté des opposants à cette initiative lancée par l’usam, quels sont en Suisse romandes les arguments auxquels les chefs d’entreprises devront faire attention?

n Le premier des arguments qui portera le plus dans la population est celui qui affirme à tort que si l’on taxe les entreprises, la facture baissera pour la population. Le deuxième insiste sur le fait que ce sont surtout les grandes entreprises qui payeraient les redevances. Ces deux arguments sont extrêmement dangereux: pour le premier, n’oublions pas que si aujourd’hui, le tarif discuté pour les particuliers est inférieur au tarif pratiqué actuellement, le Conseil fédéral lui seul est compétent pour adapter la redevance aux besoins. Or, celle-ci a augmenté de 60% en 25 ans, c’est énorme et il n’a jamais concédé aucune diminution!

«Nos 300 000 PME vont devoir assumer la plus grande partie de ce nouvel impôt!»

Et Ă  votre avis, cet impĂ´t continuerait Ă  augmenter de la sorte?

n Je suis persuadé que si les gens soutiennent Billag, l’impôt continuera à monter de manière quasi automatique dans les années qui suivront. Sur le deuxième argument, il est vrai que les grandes entreprises payeront plus, puisque l’impôt est fixé en pourcentage du chiffre d’affaires. Toutefois, pris sur le total des montants perçus, les grandes structures ne représenteront qu’une minorité, car le nombre de petites entreprises constitue à lui seul une très vaste majorité. Nos 300 000 PME vont devoir assumer la plus grande partie des recettes de ce nouvel impôt. Les opposants à l’initiative essaient ici de cultiver les jalousies.

A propos de jalousies, que vous indique votre boussole personnelle sur les dossiers routiers?

n Le fonds routier bafoue l’égalité de traitement prévue par le législateur. Aux Etats, la Commission des finances avait demandé que les deux fonds, routier et ferroviaire, soient traités à égalité, de façon à assurer une vision globale du développement des transports en Suisse. Puis à traiter le financement de ces deux moyens de transport, utilisés par des populations parfois différentes, notamment dans les régions périphériques, de manière parallèle. Cela ne s’est pas produit, raison pour laquelle l’initiative Vache-à-lait a été lancée. Les automobilistes assument une bonne partie du financement des transports publics. Un jour, il faudra bien rétablir l’équilibre et l’équité entre les citoyens qui ont la chance de pouvoir utiliser chaque jour les transports publics et ceux qui n’ont pas cette chance, mais qui les financent tout de même! Si ce fonds routier ne s’élargit pas non seulement aux goulets d’étranglements et au trafic d’agglomération mais également au réseau des routes principales suisses, il n’aura aucune chance.

Quid de la situation post-9 février?

n Le pays se trouve comme l’alpiniste sur une arrête. D’un côté, le vote populaire de 2014, avec des termes comme «contingentement» et «préférence nationale». De l’autre, une Europe qui ne transige pas sur son principe de libre circulation des personnes.

Quelle serait l’alternative?

n Trouver un chemin: mais l’arrête devient sinueuse et très étroite ce qui nous met plus facilement à la merci des sautes d’humeur de nos partenaires. Notre économie a besoin de la sécurité du droit et de prévisibilité. Or, actuellement, la situation est des plus imprévisibles. Personnellement, je suis favorable à une négociation avec l’UE portant sur une clause de sauvegarde, instrument déjà pratiqué dans nos contrats bilatéraux, au nom de la situation particulière de la Suisse qui connaît une très forte immigration et un taux de population étrangère déjà très élevé. Cette négociation devrait s’inscrire dans le cadre d’une nouvelle votation populaire qui devrait confirmer la confiance du peuple suisse dans la voie des bilatérales. Mais pour que l’arrête ne devienne pas un gouffre, il faut l’appui des deux versants! Souhaitons déjà bonne chance au guide.

Propos recueillis par François Othenin-Girard

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