Publié le: 10 juin 2016

Ils réglementent, puis réfléchissent

technologies financières – Novatrices et (encore) peu réglementées, les FinTechs suisses sont parmi les plus actives au monde. Le projet du Conseil fédéral pourrait leur couper les ailes.

«FinTech» est la contraction de «Finance» et «Technology» pour des entreprises utilisant les technologies de l’information et de communication afin d’offrir des services financiers plus efficaces et moins coûteux. Les FinTech sont souvent des start-ups innovantes et peu réglementées. Mais la menace plane, le Conseil fédéral veut couper les ailes de ce commerce d’avant-garde.

«Le conseil fédéral a-t-il bien compris ce qu’était une fintech?»

Est-ce vraiment l’intention du Conseil fédéral, a-t-il une dent contre les FinTech? Non, bien sûr. Mais la menace n’est pas écartée pour autant car en lisant son discours, le doute s’installe: «Le Conseil fédéral a-t-il bien compris ce qu’était une FinTech?» Malgré sa définition fumeuse, sa volonté reste claire, il faut ré-gle-men-ter! Après avoir lu le communiqué de presse du Conseil fédéral, on tire la sonnette d’alarme.

La FinTech pour les nuls

Pour le Conseil fédéral: «Le secteur des FinTech est très hétérogène. Son activité se concentre principalement sur les domaines suivants: financement participatif (crowdfunding), trafic des paiements, chaînes de blocs (blockchain), devises virtuelles, portails d’information et de comparaison, conseil en investissement et gestion d’actifs. De nombreuses FinTech basent leur modèle économique sur la collecte professionnelle de fonds tiers. Ainsi tombent-elle, en principe, dans le champ d’application de la loi fédérale sur les banques (LB) et nécessitent donc une licence appropriée de la FINMA.»

La FinTech n’est pas un secteur

Malgré notre déférence pour l’organe exécutif du pays, cette affirmation est scandaleuse et surtout fausse. Et ceci pour les raisons suivantes:

n FinTech n’est pas un secteur, mais au contraire un moyen de fournir des services financiers justement par l’intermédiaire de connexions informatiques directes. Tous les secteurs traditionnels de la place financières utilisent cette technologie qu’il s’agisse de l’e-banking ou de factures électroniques, tout cela est (aussi) de la FinTech.

n Certains des modèles économiques énumérés par le Conseil fédéral nécessitent de l’informatique, d’autres pas. Le crowdfunding, par exemple, peut être géré sans aucune informatique, ni chaînes de blocs. Car le moderne financement participatif n’est rien d’autre que le bon vieux prêt aux entrepreneurs.

n Le Conseil fédéral range les FinTech parmi les portails de comparaison et d’information. Mais alors, comparis.ch ou Hotels.com sont-ils, eux aussi, des acteurs de la finance? Et pourquoi les portails des FinTech devraient-ils souffrir d’une réglementation distincte?

n Oser qualifier le conseil en placement et la gestion d’actifs comme un nouveau modèle d’affaires à cause de la «technologie financière» est pour le moins gonflé. Ou alors faut-il comprendre que les banquiers privés de Genève étaient sur le chemin des FinTech en 1880 déjà…

n Pas tous les modèles économiques énumérés ici collectent des fonds tiers, contrairement à ce que prétend le Conseil fédéral. Justement, les portails de comparaison et d’information ou de conseil en placements ne ré­clament absolument pas d’argent. Quant aux chaînes de blocs, ils créent de nouveaux fonds (propres, pas tiers) et le crowdfunding n’a pas obligatoirement un objectif commercial.

Le Conseil fédéral semble avoir choisi une mauvaise pente

La définition de «FinTech» donnée par le Conseil fédéral est donc pleine d’incohérences et de contradictions. Celle-ci n’est pas un gage de compétences, car ce n’est pas parce qu’on ne comprend pas une nouvelle technologie qu’il faut jeter toutes les nouvelles technologies dans le même panier. Ou alors, on crée sciemment une certaine confusion dans les esprits pour réglementer une fois de plus…

Dans les deux cas, le scénario suivant menace: sous prétexte de promouvoir et faciliter l’accès au marché, il faudrait démarrer le moteur de la réglementation. En raison du manque de précision, divers branches, fournisseurs et prestataires de service sont regroupés sous le même bonnet et réglementés sans distinction aucune. Là aussi, tout le monde est traité à la même enseigne. A l’instar des LSFin et LEFin, on menace de réglementer de manière uniforme et même de sur-réglementer les nouvelles technologies et prestations, les empêchant ainsi de rester bon marché.

Gare au coup de frein!

La numérisation apporte un potentiel développement énorme à l’économie et à la société. Dans le domaine de la numérisation, une certaine liberté est requise pour créer de l’innovation puis l’apporter sur le marché. Mais si, pour valider ses actions, le Conseil fédéral analyse la situation avec autant d’imprécision et d’inadéquation, on peut sérieusement craindre un coup de frein de la numérisation en Suisse voire même un arrêt complet. Nous ne le laisserons pas faire!

Henrique Schneider,

directeur adjoint de l’usam

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