Publié le: 9 décembre 2016

RIE III: un enjeu majeur, un OUI déterminé

L’invité du mois

Le peuple suisse votera le 12 février 2017 sur la Réforme de l’imposition des entreprises (RIE III). Ce scrutin doit être gagné. L’enjeu est majeur pour la solidité et le développement de notre tissu économique et la prospérité de notre pays. Mais il l’est aussi pour la conformité de notre fiscalité des entreprises aux standards internationaux, sa stabilité à long terme et donc son attractivité. L’importance de la votation n’a échappé ni au Conseil fédéral, ni à la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des finances (CdF). Le 27 octobre dernier déjà, le chef du Département fédéral des finances, Ueli Maurer, et le ministre jurassien Charles Juillard, président de la CdF, étaient ainsi devant les médias pour défendre la RIE III.

Je reste d’ailleurs étonné du référendum du Parti socialiste suisse. Il a été annoncé alors que les Chambres n’avaient pas fini leur travail. Il a été lancé malgré les solutions fédéralistes et équilibrées trouvées, alors que la RIE III a été adoptée par 139 oui, contre 55 non et 2 abstentions au Conseil national et par 29 oui, contre 10 non et 4 abstentions au Conseil des Etats. J’y vois la marque d’un regrettable dogmatisme relevant d’une injustifiable méfiance envers les entreprises en général et nuisant aux intérêts économiques de la Suisse et de ses cantons. Même socialistes, certains magistrats cantonaux sont plus réalistes et soutiennent la RIE III, comme l’a fait la ministre de Bâle-Ville, Eva Herzog, le 27 octobre, en tant que vice-présidente de la CdF. Car nul ne peut contester la nécessité de réformer notre fiscalité des entreprises. Les statuts spéciaux cantonaux, qui sont attractifs puisqu’ils imposent plus légèrement les bénéfices de source internationale des holdings, sociétés de domicile et sociétés mixtes, sont condamnés. La Suisse s’est engagée à les supprimer dans un accord passé en 2014 avec l’Union européenne. Elle se conforme ainsi aux nouveaux standards internationaux.

Mais il faut avoir conscience de ce qui est en jeu. Aujourd’hui, quelque 24 000 entreprises en Suisse sont au bénéfice de statuts spéciaux cantonaux. Elles représentent plus de 150 000 emplois, mais aussi près de 50% des dépenses privées de recherche et de développement, de bons clients pour tout notre réseau de PME, des investisseurs et des consommateurs. Et de non négligeables recettes fiscales, puisque ces sociétés (7% du total) apportent près de 50% des recettes de l’impôt fédéral sur le bénéfice (IFD), soit près de 5,4 milliards de francs. Sans compter les impôts de leurs collaborateurs sur des salaires en moyenne élevés, les impôts de consommation, etc. Or, il est très illusoire de penser qu’en supprimant simplement les statuts spéciaux, toute cette activité demeurerait en Suisse. Les hausses d’impôts seraient tout simplement trop importantes pour les sociétés concernées, la plupart du temps internationales – donc mobiles – et qui se déplaceraient à l’étranger. Les pertes seraient considérables. Tout l’art de la RIE III a donc consisté à trouver un nouvel équilibre, qui traite tous les bénéfices de toutes les entreprises de la même façon, reste attractif pour celles qui perdront leurs statuts spéciaux et préserve de la substance fiscale.

Les Chambres fédérales ont atteint ce résultat. Elles y sont arrivées en un an de discussion (de juin 2015 à juin 2016) ce qui est rapide et mérite d’être salué. Elles y sont parvenues en se concentrant sur l’objectif, en écartant des changements sans rapport direct avec la RIE III comme la suppression du droit de timbre ou la taxe au tonnage, et en retenant des outils internationalement compatibles. En cherchant aussi à laisser, dans toute l’application de la RIE III, une marge de manœuvre bienvenue aux cantons qui peuvent ainsi tenir compte de leur situation particulière, de la nature, du nombre et de l’importance des sociétés à statuts qu’ils ont sur leur territoire. Au final, la fiscalité fédérale changera assez peu. La déduction des intérêts notionnels (NID) y sera introduite, ce qui mettra à égalité les sociétés capables de financer elles-mêmes leur développement et celles qui empruntent et sont aujourd’hui seules à pouvoir déduire une charge d’intérêts.

Ce sont les cantons qui auront en main les principaux outils, ce qui est juste. Eux aussi pourront pratiquer la déduction des intérêts notionnels (NID), pourvu que leur taux d’imposition partielle des dividendes soit d’au moins 60%. Ils pourront réduire, au moyen de ce qu’on nomme une «patent box», l’imposition des revenus de brevets ou d’autres droits immatériels. Ce dégrèvement sera de 90% au maximum et les cantons pourront limiter ce taux. Et ils pourront autoriser une déduction des frais de recherche et de développement (R&D), en Suisse d’un maximum de 150%, ce qui doit préserver les activités de recherche en Suisse. Précision importante: ces outils ont un maximum. Le cumul des allègements ne peut dépasser 80% du bénéfice, ce qui garantit une substance fiscale. Les cantons pourront d’ailleurs limiter ce taux. Au final, les sociétés jusqu’ici au bénéfice de statuts spéciaux paieront globalement plus d’impôts. Le principal outil à disposition des cantons sera toutefois le plus simple. C’est le taux d’imposition des bénéfices. Fruit de la disparition des statuts spéciaux, ce taux sera unique: le même pour les PME suisses et les sociétés internationales. Une équité bienvenue sera ainsi rétablie. Et ce taux baissera par rapport au taux ordinaire actuellement appliqué aux PME. Selon les indications actuellement disponibles, il va, en moyenne suisse, se situer vers 14%, alors qu’il est actuellement proche de 19%. Les PME seront ainsi les premières bénéficiaires de la RIE III. Elles allègeront leur facture fiscale de l’ordre de 30% alors que les sociétés réalisant une part importante de leurs bénéfices à l’étranger paieront un peu plus. Un ballon d’oxygène en 
période de franc fort.

Les taux étant plus bas, les recettes des cantons diminueront. La Confédération, qui n’abaissera pas son propre taux d’imposition des bénéfices, a prévu des compensations. Elle va relever de 17% à 21,2% la part des cantons à l’impôt fédéral direct ce qui représente la redistribution de 920 millions par an. Une contribution complémentaire de quelque 180 millions sera encore accordée aux cantons à faible potentiel de ressources. Avec les NID, le coût de la RIE III pour la Confédération sera donc de l’ordre de 1,3 milliard. C’est tout à fait raisonnable en regard des quelque 63 milliards de recettes fiscales qu’elle encaisse annuellement. Cela n’engendrera aucun démantèlement des prestations. Les opposants à la RIE III peignent ici le diable sur la muraille. Les conséquences seront autrement plus graves si l’on ne fait rien.

Intelligemment menée, la RIE III peut même aboutir à une augmentation des prestations. J’en ai la preuve. Dans mon canton, la population a d’ores et déjà plébiscité à 87,2% des votants l’application vaudoise de la RIE III. Avec des allocations familiales en hausse, avec un développement des crèches et garderies, avec la limitation de l’impact des primes d’assurance-maladie à 10% des budgets des ménages. Et avec un taux d’imposition abaissé de 22,09% à 13,79%.

En résumé, la RIE III est une réforme nécessaire, bien menée, qui maintien des emplois en Suisse, renforce les PME, préserve des recettes et contribue à des finances saines. Elle mérite une approbation déterminée. Votez OUI à la RIE III le 12 février 2017!

Les opinions exprimées dans cette rubrique ­n’engagent que l’auteur.

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