Publié le: 12 août 2016

Une loi ingénue, le piège!

jeux d’argent – Une nouvelle loi actuellement débattue au Parlement doit être rééquilibrée sur plusieurs aspects. Il faudra composer avec la volonté du peuple qui fait primer la protection.

«Transposer la volonté du peuple», telle est la mission de la démocratie suisse. Mais alors, que peut faire une association vouée à la liberté entrepreneuriale si le peuple a une revendication plus urgente que le libéralisme économique?

Non, la question n’est pas hypothétique mais bien réelle à l’exemple de la transposition de l’initiative «contre l’immigration de masse». C’est à nouveau le cas du nouvel article constitutionnel sur les jeux d’argent. Rappelons que, dans la votation de 2012, le peuple fait primer la protection des joueurs sur la liberté des maisons de jeu! Et on retrouve donc cette même volonté dans la nouvelle loi pour tous les jeux d’argent.

Protection et proportionnalité

La loi actuellement débattue au Parlement va concilier différentes préoccupations. D’une part, elle doit créer un cadre juridique sûr pour les loteries, casinos et autres et, d’autre part, elle veut renforcer la protection des joueurs contre le jeu excessif. Et comme ce dernier aspect prime conformément à la volonté populaire, il convient de l’accepter.

Si la protection semble une question facile, sa concrétisation ne l’est pas du tout. Ici, elle implique soit une limite des montants misés, soit une surveillance des joueurs. La première se reflète dans les loteries où les montants ne sont jamais élevés au point de ruiner les gens. La seconde – surveillance des joueurs – s’applique dans les casinos où les joueurs sont contrôlés comme des avions… En effet, les maisons de jeu doivent savoir qui joue et à quelle fréquence. Et si, par addiction ou défi, un joueur mise trop gros, le casino doit l’exclure du jeu.

Ce n’est pas tout…

Cela va encore plus loin. Loteries et casinos sont soumis à des règlements stricts de redistribution des mises. En effet, la majorité doit revenir aux joueurs et une part conséquente doit être reversée à des institutions à but non lucratif et à l’AVS. Ainsi, chaque année, les casinos versent des centaines de millions de francs à la caisse de retraite. Enfin, les maisons de jeu doivent encore s’acquitter d’impôts et taxes spéciales. On comprend que l’équilibre entre protection et proportionnalité est vraiment difficile…

Le choix par le peuple d’une protection des joueurs implique aussi une présence «physique» des maisons de jeu sur le territoire. Et cela conduit à des règlements contraires à la sensibilité du droit suisse: les maisons étrangères de jeux en ligne, non soumises aux mêmes niveaux de protection des joueurs, sont bloquées. Oui, ici la Suisse bloque l’Internet!

Limitation de la concurrence

Par le système de concession de casinos et la responsabilité cantonale des loteries, la concurrence dans ce secteur est faible. Les exigences élevées en matière de protection, y compris des réunions de jeux comme, par exemple, un tournoi de poker, sont soumises à des autorisations et conditions très strictes.

D’un point de vue réglementaire, la loi fédérale sur tous les jeux d’argent n’est pas la panacée, mais elle répond à la volonté du peuple. Voilà pourquoi il convient de mettre en application ce mandat. Bien sûr, dans le détail de la transposition, il faudra tenter d’offrir la plus grande liberté entrepreneuriale possible. Mais quoi qu’on fasse, la protection du joueur restera prioritaire, tel en a décidé la population suisse.

Henrique Schneider,

directeur adjoint, usam

(Traduction: JLA)

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