Publié le: 10 avril 2015

«Une véritable aberration»

billag – André Berdoz, entrepreneur à Grandvaux, s’engagera résolument contre ce nouvel 
impôt et contre l’imposition sur les successions. Il faut mettre fin à la pénalisation des PME.

Journal des arts et métiers: Comment, à votre avis, les Vaudois vont-ils s’engager dans cette campagne contre Billag?

n André Berdoz: Les associations patronales vont s’engager contre cette taxe et je pense que nous trouverons les mots justes pour que les Vaudois nous suivent. J’observe que, dans des cantons comme Berne, Lucerne, Zurich ou Bâle, les gens ont soutenu ce référendum de façon massive, tandis que l’élan a été moins prononcé en Suisse romande et dans le canton de Vaud. A l’évidence, le sujet n’est pas de la toute première priorité de ce côté de la Sarine.

Comment la situation se présente-t-elle alors dans les autres cantons romands?

n On est au tout début de la campagne et il s’agit maintenant de mobiliser les troupes. Il est difficile pour l’heure de faire un pronostic. Parmi les sujets au programme des votations du 14 juin prochain, deux sujets sortent du lot et représentent des enjeux économiques importants, tout d’abord l’imposition des successions, ensuite le référendum contre la loi sur la radio et la télévision.

Y-a-t-il un ordre de priorité?

n L’imposition des successions passera sans doute au premier plan.

«la rts a des besoins 
financiers qui augmentent sans cesse.»

Nous y revenons dans un instant. Pour Billag, quel sera votre moteur personnel dans cette campagne?

n Ce référendum est une occasion d’affirmer haut et fort que les PME – mais plus largement l’ensemble des entreprises – n’en peuvent plus d’être considérées comme taillables et corvéables à merci. On entend dire, surtout à l’aube des élections fédérales, que la force de l’économie suisse, c’est ses PME! Mais à observer les débats, on constate que l’on veut les pénaliser encore et toujours avec de nouvelles taxes ou impôts, lorsque ce n’est pas par des réglementations de plus en plus tatillonnes. Cela suffit! Le référendum doit permettre de mettre en lumière les incohérences du système, voire ses injustices. Et pour ma part, je suis prêt à prendre part intensément au débat.

Combien payeriez-vous pour l’entreprise si cela passait?

n Mon exemple personnel n’est pas le plus important, mais il illustre bien la situation. Pour la redevance radio-TV, ma facture est aujourd’hui de 223 fr. 85. Sur les nouvelles bases, je devrais payer 1000 francs, soit quatre fois plus. Pour un service que ni moi ni mes collaborateurs n’utilisons durant les heures de travail et que chaque employé paye déjà à titre individuel! 

Des exemples d’absurdités?

n Récemment, j’ai eu l’occasion de visiter une entreprise de distribution de médicaments, la société Amedis à Puidoux. Vous voyez des collaborateurs qui courent partout avec un scanner, vont chercher ici une boite de pilules, là une boite de pansements. Tout cela est rassemblé soit par des robots, soit par des êtres humains dans des caisses, pour être ensuite livré aux pharmacies. Nous avons vu 60 personnes à l’œuvre et je puis vous garantir qu’il leur est impossible d’écouter la radio ou de regarder la TV. Sinon, les envois seraient pleins d’erreurs.

Les arguments qui inciteront les Romands à voter NON?

n La RTS est un immense bateau ­déjà copieusement doté, qui encaisse 1,3 milliard de francs de redevance, 300 millions de publicité, compte six milles employés, huit chaines TV, dix-huit stations radio et douze sites internet. C’est un monopole très fort qui ne laisse que peu de place aux médias privés. Ces derniers ont une peine énorme à progresser et doivent se contenter de toutes petites parts de marché. Or, la nouvelle loi ouvre grand la porte à l’augmentation incontrôlée de la nouvelle taxe, déjà la plus élevée en Europe. Cela a tout du cadeau empoisonné.

Que préconisez-vous?

n Il doit y avoir de la place pour tout le monde. Or, le monopole que constitue la RTS a, fatalement, des besoins financiers en constante augmentation et il manque une réflexion sur l’importance que cet organisme doit avoir à l’avenir.

Que diront les pro-Billag?

n Certains ménages considéreront que le coût pour eux va diminuer de 600 francs et qu’il y ont donc avantage. Mais ce serait une erreur! Depuis 1990, on constate que la taxe a déjà progressé de 279 francs à 462 francs, soit plus 64%. Rien ne nous dit qu’il n’en ira pas de même à l’avenir. Voter NON le 14 juin doit permettre de donner un signal clair contre cette augmentation continue.

A vos yeux, la RTS se montre-t-elle particulièrement dispendieuse?

n Je viens de suivre les championnats du monde de ski, qui se sont déroulés en Amérique du Nord. On a eu des images extraordinaires, mais on a aussi pu constater que la RTS avait envoyé une pléthore de collaborateurs sur place. Pour une modeste course journalière, on comptait bien cinq à six journalistes au sommet et en bas des pistes. Il y a de la marge et il serait certainement judicieux de revoir les choses de manière plus économique, comme nous le faisons dans les entreprises où chaque franc qu’il faut aller chercher nécessite de l’énergie.

«les coûts d’encaissement de l’impôt vont augmenter, c’est fatal!»

Que craignez-vous avec le système d’imposition des PME proposé?

n Le système basé sur six catégories selon le chiffre d’affaires des entreprises est trop complexe. Fatalement, les coûts d’encaissement de l’impôt vont augmenter, c’est fatal! En outre, on voit bien que l’impôt payé par les entreprises sera appelé à prendre l’ascenseur: car il sera plus simple et politiquement moins risqué de l’augmenter que de faire progresser la redevance perçue sur les ménages privés. Alors que les entreprises doivent affronter le franc fort, il est pour le moins malvenu d’augmenter leurs coûts. C’est une véritable aberration alors que tout le monde doit se serrer la ceinture.

Seriez-vous aussi frappé par l’initiative sur les successions?

n Vu mon âge (n.d.l.r., André Berdoz est né en 1956), nul doute que je serais touché. Et cela serait assurément dangereux pour la poursuite des activités de l’entreprise. Car d’une part la valeur vénale de deux millions de francs est rapidement atteinte, tout particulièrement s’il y a des biens immobiliers. D’autre part, dans nos secteurs, il est quasi impossible de payer un impôt de 20% en trouvant la liquidité.

Quelles conséquences si cela passe?

n Si cette votation passe, la transmission des entreprises sera assurément compliquée, voire mise en péril. Il est en effet tout sauf certain que l’héritier ou celui qui bénéficie d’une donation ait les liquidités suffisantes pour payer l’impôt. Si ce n’est pas le cas, il devra soit vendre l’entreprise (à condition de trouver un repreneur), soit se défaire d’une partie de sa substance en vendant des actifs, ce qui fragilisera l’entreprise et risque d’avoir des conséquences sur l’emploi. J’observe aussi que, dans un grand nombre de cantons, les enfants seront imposés alors qu’ils sont exemptés à l’heure actuelle.

Successions: «seules les très petites structures pourraient y échapper.»

Et qu’en pense la jeune ­génération?

n Il n’est déjà pas aisé de motiver la jeune génération à reprendre une entreprise. Dès lors, il convient de faciliter les conditions de reprise et non de les rendre plus difficiles, notamment en percevant un nouvel impôt ou en assortissant d’éventuelles facilités fiscales à des conditions économiquement impossibles, comme une durée d’exploitation de dix ans (ce que semble prévoir le texte soumis au vote populaire).

Les entreprises pourraient-elles échapper à ce nouvel impôt?

n Avec une simple halle et quelques machines, on atteint déjà la limite de deux millions… surtout que les biens sont estimés à leur valeur vénale et que le montant de deux millions de francs concerne l’ensemble de la succession et non pas chaque part successorale. Seule les très petites structures pourraient y échapper. En réalité, ce nouvel impôt est un véritable poison pour toutes les entreprises. C’est donc un NON très ferme qu’il faut déposer dans l’urne. 

Propos recueillis par François Othenin-Girard

A lire également

Les plus consultés