Publié le: 9 décembre 2022

De quel bois se chauffent ses vedettes!

PRODEMO – Andy Grob, à la tête de Prodemo à Fleurier (NE) est un as de cette vente particulière qui donne une âme aux foires en tout genre, petites et grandes. Il parle de son entreprise familiale fondée par son père présente sur les marchés depuis 1974 et de ce qui fait la beauté de ces métiers qui savent attirer le client. Et même le retenir.

Combien de milliers de foires et de salons dans sa vie? Le sait-il seulement? Andy Grob tourne les pages d’une l’histoire familiale qui s’étend dans tout le pays et sur trois générations, nous parle de ces fameuses vedettes de la démonstrations commerciales qui animent les foires et les salons. Et des défis monumentaux qui se posent (depuis longtemps) pour vivre (survivre) comme entrepreneur dans ces canaux de vente très concurrentiels.

Les racines. Un grand-père à la tête d’une blanchisserie industrielle dans le canton de Zurich. Ses parents qui déménagent à Noiraigue (NE) et reprennent une fabrique de planches à repasser. «Mon grand-père a pris sa retraite très jeune et s’est relancé à la tête d’une petite exploitation agricole à La Brévine après avoir transmis son affaire à ses deux fils, qui finissent par prendre des chemins différents. Mon père a essayé de fabriquer des échelles, mais la production n’était pas son fort. Il était plutôt intéressé par la vente et la démonstration. Il s’est mis à chercher des produits.»

Et il en a trouvé. Un paillasson lavable et quasi inusable qui se vend toujours. Un appareil pour couper des bouteilles qu’on a tous vu au Comptoir. Le premier pistolet à colle, vers la fin des années septante, longtemps avant tout le monde. Son père Hans s’est mis à écumer les foires et les salons, le Comptoir suisse, la Züspa à Zurich, la Bea à Berne, la Muba à Bâle...

Nous avons racheté notre fournisseur de poêle à frire et divers ustensiles au Danemark en 2009. C’était une suite logique.

Journal des arts et métiers: Comment les choses ont-elles décollé pour Prodemo, fondée en 1974?

Andy Grob: Avant cela, mon père avait vu du pays, il était allé en France, en Allemagne. Il vivait en aventurier, dormait sur place dans sa tente canadienne. Un jour à Zurich, il a rencontré un vendeur incroyablement doué, un type extraordinaire. Ce fut notre première vedette. Grâce à lui et à d’autres, mon père a pu se concentrer sur l’organisation des stands et des produits, de la logistique. Il a développé son affaire.

Nous avons bientôt été présents partout, sur plusieurs stands en parallèle et bientôt, sur plusieurs stands dans le même salon, ce qui n’était pas autorisé. Pour avoir plus de surface, nous avons racheté des entreprises florissantes dont le propriétaire partait à la retraite. Nous avons dû nous organiser parce que la concurrence était féroce et ne nous aurait pas fait de quartier. Ils ne l’ont appris que des années plus tard lorsque nous l’avons annoncé aux directions des salons, par transparence et à l’occasion du regroupement de toutes nos activités à Fleurier, où nous avons construit un bâtiment.

Dans certaines foires, nous avions alors jusqu’à cinq stands et certains week-ends, nous étions présents avec 18 stands sur différents salons. Nous nous sommes aussi placés comme force de démonstration sur les stands Füst, puis dans les centres commerciaux également. Un modèle qui depuis a notamment été repris par Laurastar.

La concurrence était féroce et ne nous aurait pas fait de quartier.

Qu’est-ce qu’un bon vendeur ?

Un bon démonstrateur ne quitte jamais son podium. Très assidu, il arrive sur le stand dès la première heure et la quitte à la dernière minute. Il ne boude pas les heures creuses qui sont plus compliquées à gérer. Un vrai showman ne les craint pas. Il veut être sur les feux de la rampe. Certains sont théâtraux, d’autres timides, il n’y a pas besoin de crier ni de déranger son voisinage. Le bon démonstrateur a un caractère fort. À côté de cela, il y a la vedette. La première vedette fut ce Zurichois dont j’ai parlé plus haut. Il y en a eu d’autres. Nous recrutons des démonstrateurs et ces derniers recrutent eux-mêmes les membres de leur équipe de soutien. Il faut que le feeling passe entre eux pour que la cohabitation soit possible. Les gens font preuve d’une grande fidélité et il n’est pas rare qu’il reste dix ans ou plus, ce qui est beaucoup pour la vente.

À quoi ressemble l’une de ces vedettes de foire?

Une vraie vedette peut dépasser de 100 à 150 % ce que fait un bon démonstrateur. Tout est hors mesure chez lui: son énergie, le ton de sa voie, les techniques qu’il utilise. Ce sont des personnalités hors pair. Imaginez une équipe suisse avec Messi ou Ronaldo. Il y a quelque chose de plus…

Ses qualités sont difficilement transmissibles. Ils sont souvent très sportifs, toujours bien dans leur tête. Ils savent s’entourer sur leur stand de personnes qui leur offrent la possibilité de faire éclater leur talent. La vedette fait un show. Elle ne va pas dans le détail de la vente. Les autres s’en chargent. Elle joue avec son public, profite d’une personne ravie, emploie le client satisfait à bon escient, recherche la dimension positive à tout ce qui se présente.

À quoi ressemble le climat de consommation dans les salons aujourd’hui?

Les démonstrations impliquant de la nourriture sont moins évidentes, d’une part à cause des réglementations et de l’autre, parce que les gens sont plus réticents, sensibles. Je suis ravi de toutes les présences cette année. Nous n’avons pas connu un seul échec. Dans le détail, je peux dire que nous avons même très très bien travaillé dans la majorité des salons. Il y a un besoin de sortir, d’aller voir une manifestation, de voir des gens – c’est manifeste. Nous nous rendons dans les salons où le nombre de clients est élevé. Nous allons à Martigny, à la Bea, là où ça marche et où nous pouvons accueillir du monde. Certaines ont dû réduire la voilure, les surfaces ont été réduites, parfois le nombre d’exposants.

Comment se présente la situation du côté des marchés de Noël?

Nous serons présents en tout à hauteur de 200 jours sur sept marché de Noël dans toute la Suisse. Et un marché dure souvent 30 jours. Pour la suite, je suis confiant pour l’instant. Il faudra être à l’affut pour les trois à cinq prochaines années. Regarder si les gens vont se lasser.

cette année, nous serons présents 200 jours sur sept marché de Noël dans toute la Suisse. et un marché dure trente jours!

Une anecdote sur un aspect moins connu de votre métier?

La «carotte», c’était autrefois le nom que l’on donnait aux gens que l’on payait pour passer dans les stands et susciter l’intérêt en posant des questions. Parfois une étudiante, une personne âgée. Le but était de donner confiance aux personnes présentes, car l’intérêt suscite l’intérêt. Ces personnes relançaient la discussion, parfois avec d’autres visiteurs sur le stand, elle finissait par connaître parfaitement le produit. Pour les démonstrateurs, l’un des buts est aussi d’obtenir un Troube (grappe de raisin), soit un petit groupe de personnes, une audience qui peut suivre le show. En français, on disait «former une trèpe».

Aviez-vous une expression particulière entre vous sur les stands?

«Attention, voilà un Renaud!». C’est ce que nous nous disions quand on voyait arriver un râleur, ou une personne avec un objet présentant un défaut. Si un démonstrateur se trouve en face d’un public attentif, il faut éviter de devoir gérer des réactions négatives

Tout est hors mesure chez la vedette: son énergie, le ton de sa voie, les techniques qu’il utilise. Ce sont des personnalités hors pair.

Que pensez-vous de la disparition des grands salons, ZĂĽspa, Muba, Comptoir suisse?

Quand MCH a racheté la Züspa à Zurich, en 2001, mon père avait prédit le déclin de Zurich. Depuis, nous avons vu la même logique à l’œuvre à Bâle et à Lausanne. Ces événements ont été détruits et c’est dommage. Mais de telles villes recèlent de bons potentiels pour drainer du monde et peut-être que d’autres choses s’y feront. Martigny et la Foire du Valais ont montré l’exemple. Je ne vois pas pourquoi une vraie fête ne serait pas aussi possible à Lausanne ou Zurich.

Comment voyez-vous la suite?

Nous avons racheté notre fournisseur de poêle à frire et divers ustensiles au Danemark en 2009 avec 22 emplois dont quatre en Allemagne. C’était une suite logique. Cela fait donc treize ans que nous sommes dans la production. J’ai appris un tas de chose sur la fonderie, le coating, les nouveaux matériaux. Cela nous assure aussi une bonne présence à l’international et nous nous rendons ainsi dans les salons professionnels à Francfort, Dubaï. Mon idée est de faire évoluer les choses à une plus grande échelle.

Votre formation de base?

J’ai fait un apprentissage au Crédit Foncier Neuchâtelois (établissement disparu, NDLR) à Couvet puis à Fleurier. Ensuite, je suis entré dans l’entreprise familiale.

Interview: François Othenin-Girard

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