Publié le: 20 janvier 2023

Résilience dans l’incertitude

conjoncture – Pour 2023, Valérie Lemaigre, économiste en chef de la BCGE, prévoit un tassement progressif de l’inflation en lien avec sa source principale, les produits importés et autres produits manufacturés. La chimie, la pharma et l’horlogerie fournissent des secteurs de croissance qui tirent tout le monde vers l’avant.

Comment Ă©valuez-vous globalement les perspectives de croissance pour les PME romandes et genevoises pour 2023?

Valérie Lemaigre: Les PME sont plus exposées aux changements de conditions financières – nous parlons ici de la hausse des taux d’intérêt pour les lignes de crédits et de la hausse des coûts de production pour certaines. En revanche, la plupart des PME tournées vers les services ne devraient pas subir les mêmes pressions: la principale source de leur coût est liée aux salaires dont la progression semble maîtrisée. Tout dépend donc du positionnement sectoriel de la PME et de ses débouchés. Genève et la Suisse romande s’appuient sur des secteurs de croissance – comme la chimie, la pharma et l’horlogerie – pour les exportations et les services destinés aux entreprises. Une certaine résilience de ces secteurs est importante et les PME qui font partie des sous-traitants de grandes sociétés en profitent aussi.

Comment les relations difficiles avec l’UE influencent-elles – si tant est que cela soit de manière visible et prévisible – la capacité des PME à tirer leur épingle du jeu sur le marché européen?

L’incertitude constitue effectivement un frein à l’accès à la recherche et à l’innovation, clé indispensable des entreprises suisses pour faire face aux contraintes de coûts et de force du franc. Pour l’instant, face aux concurrents européens, les PME profitent d’une hausse moins rapide de leurs coûts. Mais l’investissement dans le futur, lié à la R&D et l’innovation, reste le facteur principal de leur avantage compétitif.

UE: «L’incertitude constitue effectivement un frein à l’accès à la recherche et à l’innovation.»

Comment se porte le secteur industriel à Genève?

La pharma et les sciences de la vie, principal secteur industriel, se porte bien. L’horlogerie, deuxième secteur industriel, est également encore bien orienté et devrait profiter du retour des touristes asiatiques – notamment chinois.

Comment les PME pourront-elles soutenir la croissance en Suisse alors que le moral des consommateurs est chétif, selon votre étude? Le cadre légal (fiscal notamment) est-il trop rigide?

Le cadre fiscal reste favorable en comparaison et le moral des consommateurs ne pèse pas sur leurs achats. Pour l’instant en tous cas, ce phénomène ne crée pas de rupture de la consommation, tant que le marché de l’emploi est aussi tendu.

De quelle manière l’augmentation des prix de l’énergie impacte-t-elle en ce moment la capacité des PME à investir?

Si l’entreprise ne peut reproduire une partie de la hausse des coûts dans les prix, sa capacité à investir peut en être réduite. Pour les PME installées dans des niches d’innovation, la fixation des prix est plus aisée et elle peuvent augmenter leurs prix sans limiter leurs investissements.

Quel est votre scénario pour l’inflation?

Un tassement progressif lié à la principale source de l’inflation – les produits importés, énergie et autres produits manufacturés. Le reste des composantes sont maîtrisées et leurs prix devraient se stabiliser, limitant l’inflation à une progression entre 1 % et 2 %, augmentation accessible aux entreprises et aux particuliers.

JAM

coup de projecteurL’inflation recule Moral de consommation Marché immobilier

2023: les hausses de taux seront encore de mise mais les carnets de commande sont pleins et les taux de vacance stables

Dans un environnement économique marqué par de nombreuses incertitudes, la plupart des indicateurs confirment la résilience des économies mondiale et suisse. 2022 restera comme l’année de la remontée des principaux taux directeurs visant à enrayer l’inflation. Celle-ci devrait s’afficher en Suisse, comme à Genève, à 1,0 % en 2023, laissant présager que son point culminant est déjà passé. Contrastant avec le moral des consommateurs anémique, les entreprises sont le moteur de la dynamique économique et soutiennent une croissance du PIB attendue à 1,3 % à Genève tout comme en Suisse.

L’inflation recule

Les derniers effets du Covid, couplés au conflit en Ukraine, ont entraîné problèmes d’approvisionnement et rareté de l’offre d’énergie, provoquant une émergence rapide de l’inflation. Des deux côtés de l’Atlantique, les banquiers centraux ont eu recours à leur arsenal de mesures, notamment la hausse des taux directeurs, pour tenter de la combattre. Si cette lutte semble contribuer à la jugulation, les pics d’inflation semblant dépassés en Suisse et aux États-Unis, la situation est moins limpide pour les économies de la zone euro. Les hausses de taux seront encore de mise en 2023 même si celles-ci devraient progressivement diminuer dans le courant de l’année. En Suisse, la modération de l’inflation est soutenue par l’absence d’indexation généralisée des salaires, évitant ainsi que l’économie se trouve prise dans une spirale de hausse de prix aux effets dommageables.

Moral de consommation

Si l’environnement incertain est propice à un sentiment des ménages déprimé, les indicateurs économiques indiquent quant à eux la bonne santé générale de l’économie, portée par les entreprises. Les carnets de commande sont pleins et les entreprises n’ont pas suspendu leurs investissements productifs. En outre, leurs exportations sont majoritairement destinées à la zone dollar dont le renforcement face aux autres monnaies, y compris vis-à-vis du franc suisse, préserve l’avantage compétitif. Quant aux exportations à destination de la zone euro, si l’appréciation de la devise helvète par rapport à la monnaie unique semble un handicap, la protection offerte contre l’inflation des prix importés, notamment ceux de l’énergie, n’est pas de nature à affecter les entreprises disposant de suffisamment de marges sur leurs produits.

Marché immobilier

Si la hausse des taux semble apporter une contribution sur le front de la lutte contre l’inflation, son effet sur le marché immobilier n’est pour l’heure que marginal. La plupart des crédits ayant été souscrits à un taux fixe, les renouvellements progressifs n’engendrent pas d’effet d’alerte sur le marché immobilier. Les différents taux de vacance demeurent stables, soutenus par l’évolution démographique toujours favorable et l’évolution des prix qui ne reflète pas encore l’incidence de la hausse des taux. Seules les entreprises de construction se trouvent sous une certaine pression du fait de la difficulté de reporter rapidement la hausse des fournitures sur les devis de chantier. BCGE

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