Publié le: 20 janvier 2023

Une novice dans le jeu politique

flore teysseire – À la FER Genève, elle s’active dans des associations comme Genève Commerces et JardinSuisse. Les combats qu’elle mène pour la défense de ces intérêts lui ont fait découvrir la passion pour les rouages politiques. Elle se lance pour les élections au Grand Conseil dans les rangs du PLR. Elle parle de Genève et de ses rêves.

Flore Teysseire, vous venez juste d’annoncer que vous étiez candidate PLR pour les élections au Grand Conseil à Genève. Cela se jouera le 2 avril prochain. Comment cette idée – au demeurant un peu effrayante – vous est-elle venue? Qu’allez-vous faire dans cette galère?

Flore Teysseire: Je n’ai formellement rejoint le PLR Genève que depuis environ deux ans. Auparavant, mon engagement aux valeurs du parti se concrétisait surtout aux urnes et au suivi des débats dans les médias. C’est en rejoignant la Fédération des entreprises romandes (FER) Genève et en m’engageant directement dans le combat politique sur de nombreux sujets avec les associations que je représente comme Genève Commerces – par exemple, les horaires d’ouverture des magasins en 2021 – ou, plus récemment, JardinSuisse Genève, que j’ai découvert cette passion pour les rouages politiques.

Les batailles de ces dernières années, je les aurai vécues passionnément et elles m’ont confortée dans la nécessité de trouver des solutions par une analyse pragmatique du terrain, la discussion et une saine pesée des intérêts pour résoudre des problèmes difficiles. Pour défendre des gens et des métiers qui ont un immense besoin d’être entendus et représentés.

Quelle sont vos racines politiques?

Comme beaucoup, c’est une histoire de famille. Un grand-père président de commune en Valais, l’autre conseiller municipal, tout comme ma maman et un oncle président du PLR de Sierre. Mes origines genevoises et valaisannes permettent une vision large du système et il est sûr que nous avons toujours beaucoup parlé politique à table.

Cela me vient aussi de mes études en droit où il est question d’apprivoiser les dispositions légales et de débattre pour parvenir au meilleur résultat. Mais je me suis vite rendu compte que ce qui me plaisait en tant qu’avocate, c’est avant tout le contact humain, mener des projets pour faire bouger les choses. Le métier de secrétaire générale d’associations me permet aujourd’hui d’allier ces aspects tout en intervenant en amont de l’édiction des lois et de suivre mes membres sur le long terme.

Pourquoi le Grand Conseil et pas les fédérales?

Je me suis lancée dans le bain des associations patronales au niveau cantonal, une aventure énorme qui m’a amenée aussi à passer des auditions dans des commissions au Grand Conseil, intervenir dans ces milieux, nouer des contacts et travailler en coconstruction avec les autorités et la presse. Je ne m’ennuie jamais. Ce métier correspond à ma valeur la plus forte, la liberté d’être et d’entreprendre. C’est un monde assez méconnu, mais néanmoins crucial et le microcosme local est particulièrement intéressant. Il m’a donc semblé judicieux de commencer là où je vis et dispose du plus, pour l’heure, de connaissances et compétences utiles pour servir la société.

Et le déclencheur? Où étiez-vous lorsque cette idée s’est matérialisée?

C’est principalement la FER Genève. En 2021, quand j’ai commencé en tant que secrétaire générale d’associations, les commerces ont fermé du jour au lendemain. Ce fut un baptême du feu. Au fil des campagnes, j’ai compris à quel point le dogmatisme prenait de plus en plus de place. On se met à diaboliser n’importe qui, n’importe quoi. Le patronat, l’économie, les agriculteurs sont devenus les ennemis publics à abattre.

L’incompréhension est générale, les termes de fiscalité avantageuse et de réussite sont des gros mots. L’épineuse question des parkings à Genève ou de la censure du Black Friday souhaitée par certains met en évidence le fait qu’on veut absolument éduquer les gens par la prohibition, au lieu d’appréhender les évolutions sociétales avec pragmatisme pour permettre des adaptations raisonnées.

On ne peut pas vivre qu’avec des interdictions. Il faut se rappeler l’historique, prendre le temps de trouver des solutions réalisables, d’en discuter, d’inclure dans la discussion ceux qui sont d’un avis différent. C’est cela que je souhaite faire. Et pour le faire, je suis une grande enthousiaste et j’aime aller au bout du raisonnement et de mes actions.

Votre stratégie de campagne?

Je n’en ai pas vraiment: j’y vais pas à pas, avec curiosité et ténacité. Je vais faire ce que je sais faire en tâchant d’apporter ma plus-value dans les domaines où je m’estime légitime et où j’ai suffisamment documenté le sujet pour intervenir. Nouer des contacts, entretenir et développer mon réseau – discuter avec beaucoup d’entrepreneurs. Au final, mieux comprendre les gens pour les représenter. Tout en sachant que pour ce type d’élections, l’intérêt des gens ne se réveille qu’un mois avant.

Comment sentez-vous le climat, lĂ ?

À Genève, on dit que c’est l’année des hannetons. Tout le monde donne son point de vue sur tout ce qu’il y a à commenter. Personne n’y échappe. Les transfuges entre MCG, UDC, Vert’libéraux, EàG et d’autres formations sont nombreux. On sent que la scène politique est en reconfiguration. Et nous risquons d’avoir beaucoup de surprises, avec des listes très nombreuses, des personnalités de premier plan et d’autres qui semblent s’être perdues en chemin.

Vous êtes très présente sur les réseaux sociaux? C’est un atout pour cette campagne?

J’ai la chance de travailler pour des associations qui ont besoin d’être soutenues et de cette visibilité que je peux leur offrir. Et j’ai la chance surtout qu’elles me fassent suffisamment confiance pour m’exprimer en leur nom. Mes interventions sur les réseaux ou dans la presse sont donc avant tout professionnelles.

«Cette ville concentre beaucoup de pouvoir sur une petite surface et il faut s’y faire une place.»

La juste mesure est dans tous les cas primordiale pour ne pas finir par agacer mais il est vrai que cela peut être un avantage pour la campagne: cela permet de mettre en évidence les combats que je défends, de faire connaître mes valeurs, ma détermination et ma manière de travailler ainsi que d’aborder les choses. Et, à ce niveau-là, j’ai énormément de chance d’avoir un métier, des associations et un employeur alignés avec mes idées personnelles.

Est-ce que cela ne fiche pas un peu la trouille de s’engager politiquement dans une région où les choses peuvent si mal tourner? Où par exemple on peut en quelques accusations faire sonner le glas d’une carrière politique impeccable et la transformer en cauchemar personnel. Typiquement l’affaire Maudet?

À Genève, nous avons beaucoup de ‹Genfereien›, c’est clair que l’on doit s’en amuser, même à Berne. C’est une ville qui concentre beaucoup de pouvoir sur une petite surface et il faut s’y faire une place. Mais la vie politique y est aussi passionnante. Les élus le sont parce qu’ils proposent un programme dans lequel leurs électeurs se reconnaissent. Ensuite, il s’agit d’y rester fidèle et de se montrer digne de la confiance de la population. C’est le jeu de la démocratie: lorsque l’on ne représente plus suffisamment les votants, il faut savoir passer à autre chose. Pour ma part, j’estime qu’il y a donc très peu à craindre si l’on reste intègre mais qu’il faut surtout avoir envie de se plonger dans ce milieu pas forcément aisé et de donner de sa personne pour le maintenant et le demain.

Que reste-t-il de nos rêves concernant Genève? Que peut-on faire pour lui rendre son lustre d’antan?

En matière de fiscalité, de mobilité, de logement et de conditions-cadres pour le tissu économique local, tous secteurs confondus, de belles batailles sont à venir pour défendre son attractivité. La fuite des contribuables hors du canton est souvent évoquée comme une épée de Damoclès imaginaire mais il est urgent de prendre conscience des réalités: elle commence à s’entamer et il sera trop tard pour réagir si elle prend de la vitesse. Or, ce sont les prestations sociales et les services publics, qui garantissent la dignité de tous, qui seront les premiers à en pâtir.

C’est donc un cauchemar. Mais le rêve?

De nombreuses entités ont récemment émergé avec pour objectif de renforcer l’attractivité du canton, cela dénote forcément une certaine frustration. Genève est une dame d’histoire, une capitale internationale et un berceau d’élites dans de nombreux secteurs (innovation, finance, négoce, agriculture, tourisme, etc.). Plutôt que de tenter d’apporter un amas de corrections à des conditions-cadres peu satisfaisantes qui constituent finalement des entraves au tissu local, il conviendrait de s’attaquer au fond. Au final, c’est la prospérité de tous dont il est question.

Genève doit être un lieu où il fait bon vivre pour sa population et ses entreprises ainsi que découvrir avec plaisir pour nos visiteurs. Genève dispose là d’un avantage certain: c’est la ville, le lac, la campagne et la montagne (et même un jet d’eau mondialement célèbre) sur un seul territoire. Il s’agit donc d’avoir une vision globale pour mettre en valeur tous ses atouts, dans le respect de chacun. Et à ce niveau-là, les artisans, commerçants, restaurateurs, hôteliers, professionnels du tourisme et des métiers de la terre ont des choses à dire: il s’agira donc peut-être de les écouter davantage.

Interview: François Othenin-Girard

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