Publié le: 3 mars 2023

Congé parental de 38 semaines: la grande arnaque!

Comment ne pas verser une larme face à la générosité extraordinaire de cette «commission des affaires familiales» qui, la main sur le cœur et sur votre porte-monnaie, propose de dépenser l’argent de nos cotisations salariales pour substituer aux congés maternité et paternité, un nouveau «congé parental» de 38 semaines. Vingt-deux semaines supplémentaires prises au capitalisme, la belle affaire!

On reste muet devant tant d’inspiration: doubler les prestations sociales financées par les cotisations salariales, quelle originalité. Bien sûr, pour parvenir à ce projet superinnovant consistant à augmenter le coût du travail pour distribuer les congés, la commission propose simplement de faire les poches des employeurs, tout en conspuant la radinerie de ceux qui soulèvent la triviale question des coûts.

Déjà dix nouvelles assurances sociales! Naturellement, la gauche réunie applaudit cette proposition génialissime. Alors que l’on sort d’une pandémie ruineuse et que la guerre en Ukraine laisse toujours planer les spectres de l’inflation et de la récession, nos socialistes de service veulent encore une fois dépenser avant de produire. Pourtant, on pourrait rappeler les «progrès» sociaux des dernières années.

En l’espace de cinq ans, la Confédération a mis sous toit pas moins d’une dizaine de nouvelles assurances sociales: un congé paternité, un congé pour les proches aidants, un congé de trois jours en cas de maladie d’un enfant, des augmentations des prestations de l’assurance-maladie (infirmiers, psychologues, etc.), une rente-pont pour les chômeurs âgés, une extension massive des allocations perte de gain dans le cadre du COVID, une augmentation des rentes de veufs, des élargissements du congé maternité et des allocations familiales.

On parle encore d’octroyer des prestations de l’assurance-chômage aux employeurs et de régler diverses lacunes dans l’assurance-accidents.

De 2009 à 2021, les dépenses par habitant en prestations sociales sont passées de 18 000 francs à 24 000 francs, une augmentation d’un tiers. C’est dire s’il est indispensable d’ajouter encore 1,5 milliard de dépenses annuelles alors que la Confédération voit ses comptes plonger dans le rouge.

Éloigner les mères du marché du travail? Pour revenir à nos moutons, selon la commission de la famille, ce nouveau congé parental permettra «d’améliorer la participation des mères au marché du travail». Voilà qui ravira les manifestants de la prochaine grève des femmes du 14 juin prochain.

Mais comment? C’est peut-être parce que ladite commission est composée notamment de professeurs d’université, de sociologues et de syndicalistes, mais d’aucun employeur, qu’elle est aussi déconnectée du marché du travail. Peut-on raisonnablement expliquer pour quelle raison magique une mère serait «mieux intégrée» sur le marché du travail après un accouchement si elle reste le plus longtemps possible loin de son poste de travail?

L’argument est tellement absurde, intrinsèquement faux… qu’on finirait par y croire. C’est évidemment l’inverse. Plus la rupture est courte, moins les impacts de la maternité sur la carrière professionnelle se feront sentir. Il en va de même des questions de prévoyance professionnelle. On valorise d’ailleurs assez peu les «trous» dans les CV.

C’est cruel, mais c’est la vraie vie. Et c’est toujours parce que les membres de ladite commission n’ont aucun lien avec le monde de l’entreprise, en particulier les petites, qu’une proposition pareille peut germer. Tandis que la pénurie de personnel fait rage, que les collectivités publiques pratiquent une concurrence déloyale en embauchant à des salaires surfaits du personnel formé par les privés, voilà que l’on part du principe qu’il sera forcément facile de remplacer le personnel jusqu’à neuf mois à chaque naissance.

Mais dans le fond, pourquoi? Dans toute cette affaire, on peut s’interroger sur le but réel de la mesure. Pourquoi 38 semaines? Pourquoi pas 28 comme le proposent les Verts libéraux, un peu plus pingres que la commission, un peu plus généreux que le Parlement? Pourquoi pas 87, en souvenir des championnats du monde de ski alpin de Crans-Montana? Dans cette course à l’échalote, à celui qui proposera le plus de semaines, on agit comme si un enfant ne représentait une charge que durant les premiers mois de sa vie. Comme si, passé le premier anniversaire, la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale devenait automatique. Comme si un enfant ne tombait plus malade, qu’il avait des horaires de bureaux, qu’il se gérait tout seul.

Comme le relève avec intelligence l’Union patronale, il faut de bonnes structures d’accueil, pas des congés à rallonge. Il faut des crèches ouvertes à des horaires raisonnables. Des crèches qui n’appliquent pas les vacances scolaires sans fin. La gauche, si propice à soutenir l’accueil extrafamilial, pourrait aussi s’engager pour éviter de renvoyer les enfants à la maison à chaque grève de la fonction publique.

Malheureusement, le but réel de ces mesures n’a jamais été de rapprocher les mères du marché du travail, mais de dépenser plus d’argent public. Et c’est malheureux, tant le sujet est sérieux.

*conseiller national (PLR/VS)

philippe.nantermod@parl.ch

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