Publié le: 3 mars 2023

Drive-in boulanger à Moutier

À LA BONNE MICHE – Une idée géniale: ouvrir une boulangerie accesssible en voiture. Avec l’aide de son beau-père Eric Affolter, Yves Schneider est devenu boulanger. Il gère en autodidacte cette PME à la fois innovante et traditionnelle. Le secret du levain ne sera pas éventé.

Rien ne prédisposait Yves Schneider à devenir à 33 ans le premier boulanger à la tête d’un drive-in en Suisse romande. Cela s’appelle À la Bonne Miche à Moutier. Dix ans plus tard, on le trouve toujours là en suivant la rue de l’Industrie en direction de Court et en tournant à gauche (juste en face du Lidl). On ne peut pas le rater, c’est un ancien garage reconverti en drive-in, ouvert de 11 heures à 19 heures – fermé le samedi et le dimanche. À Moutier, tout le monde le connaît et les gens qui travaillent dans les boîtes de la région aussi. Et ils en parlent en rentrant chez eux.

Yves Schneider était ferblantier-couvreur. Il travaillait dans une entreprise spécialisée dans les travaux d’étanchéité. Son travail l’emmenait dans toute la Suisse romande. «Nous avons réalisé des travaux au nouveau stade de la Praille à Genève. Il fallait souvent se déplacer assez loin et je recherchais une activité plus proche de ma région.»

Dix ans d’expérience

Une nouvelle vie en quelque sorte. Grâce à Eric Affolter, un beau-père entrepreneur et entreprenant, les explorations peuvent commencer. «À vrai dire, l’idée d’un drive-in pour du pain est née de la rencontre avec un établissement de Balsthal, Fürobe Brot. Nous avons étudié la possibilité d’ouvrir un drive-in à Moutier.» L’ouverture a lieu en octobre 2013.

Cet automne, Yves Schneider soufflera les dix premières bougies de son drive-in et songe à d’autres développements – mais il est encore un peu tôt pour en parler. Eric Affolter a récidivé, un deuxième point de vente a été lancé à Porrentruy – en 2020, en pleine pandémie.

Premier en Suisse romande

Le modèle marche. C’est l’occasion de dissiper un doute. La Bonne Miche de Moutier est bien le premier du genre en Suisse romande. «Nous avons trouvé ce vieux garage remis par son ancien propriétaire et réalisé des travaux importants, auxquels j’ai eu l’occasion de participer. Du point de vue des règlements, cela n’a pas été trop difficile de l’adapter. Il a fallu acheter quelques machines.»

Yves Schneider est très autonome. Il produit tout lui-même, les baguettes, les pains et même des boules de Berlin. «Mon offre est limitée à ces trois produits, ce qui me permet de produire et de vendre en continu jusqu’à la fermeture.» Il vend aussi des fondues fribourgeoises grâce à un partenariat avec un fromager de Grolley. «Quoi de plus complémentaire en sortant du travail», glisse en souriant le boulanger prévôtois qui propose aussi des saucisses sèches.

Passer du four Ă  la vente

Le matin, avant l’ouverture à 11 heures, il se consacre à la production. Les baguettes mises à lever la veille passent au four pendant que le boulanger façonne les miches. Il travaille en flux tendu, s’octroie un café et continue. «Le fait d’être seul me procure beaucoup de satisfaction. Je peux rester concentré et avancer.»

Car il faut savoir passer promptement du four à la vente, c’est le secret de la Bonne Miche. En fin de matinée, la clientèle se constitue en grande partie de retraités. «Plus on avance dans l’après-midi et le début de soirée, plus on accueille des personnes actives qui sortent du travail et passent prendre du pain. Je lance la dernière fournée vers 17 heures et reste ouvert encore deux heures.»

Vieille recette de levain (secrète)

Non seulement il fait tout lui-même, mais il a tout appris en autodidacte. Ou presque. «Avec mon épouse Myrka, nous avons essayé diverses recettes. Nous sommes tombés sur une vieille recette de levain dont je ne peux pas vous dire grand-chose de plus. C’est un secret de fabrication auquel nous tenons. Pas possible non plus de savoir combien de fournées ou de pain il produit. «Cela dépend de nombreux facteurs, je tiens des statistiques pour savoir un peu à quoi m’attendre, comment pour les vacances de ski. Mais cela varie beaucoup.»

L’innovation est maximale sur la manière de vendre du pain – les voitures roulent devant la caisse vitrée et le boulanger vous tend ses produits par-dessus le comptoir, comme pour un hamburger. Sauf que c’est du pain succulent (on l’a goûté) – et qui se garde bien. La baguette aussi.

Quant aux pâtisseries, c’est en tombant sur une machine spéciale dans un salon professionnel que l’idée a fait son chemin. «Cette machine permet de fabriquer de manière artisanale des boules de Berlin fraîches. C’est bien pratique parce que je peux me concentrer sur la production et la vente de pain pendant ce temps.»

En voiture Simone!

Mais la dimension drive-in, est-ce que tout le monde s’y fait? «Cela varie un peu selon les générations. Certains préfèrent venir à pied. D’autres ont peur d’abîmer leur véhicule. Mais comme il n’y a de toute façon pas de places de parc dans le quartier, c’est plus pratique de rester dans sa voiture.»

En revanche, le marketing est des plus classiques. Pas d’influenceurs à l’horizon, du moins pas officiellement pour Yves Schneider qui confesse que les réseaux sociaux – et les moyens de communication électroniques de manière générale, ce n’est pas trop son truc. «C’est le bouche-à-oreille qui marche et de temps à autre un article dans la presse locale qui nous donne de la visibilité.»

Le secret d’une telle production? «Il faut garder le flux entre la production et la vente, faire attention à ne pas se laisser submerger par la vente et sortir des fournées avant de ne plus rien avoir à proposer. Mais avec le temps, on finit par savoir anticiper.»

Dix ans d’échange avec la clientèle, le plaisir de faire un travail qui lui plaît en étant bien organisé, de proposer de beaux produits artisanaux. Que demander de plus pour un dixième anniversaire? Un peu de temps pour que ce couple puisse avancer le long du Chemin de Compostelle, une manière de se ressourcer en découvrant d’autres horizons.

François Othenin-Girard

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