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Mise sur orbite réussie en mode solo
WEEKLY FOOD – Joris Humair a lancé une plateforme qui expédie dans toute la Suisse des repas sans agents conservateurs et qui tiennent une semaine au frigo sous atmosphère protégée. La cuisine s’anime le week-end à Saint-Imier et une boutique à Bienne offre un nouveau point de contact. Le jeune entrepreneur installe aussi ses frigos dans les entreprises de la région.
Vous voulez un casse-tête? Est-il possible de manger à midi ou le soir de bonnes choses avec un temps de préparation minimal? De recevoir ses repas par la poste pour toute une semaine? De déguster des mets sans agents conservateurs et si possible fabriqués pas trop loin de chez vous? Et de pouvoir choisir entre une grande variété de menus, environ huit à dix plats différents chaque semaine? Si possible de prendre des plats végétariens aussi, mais pas seulement, des mets en sauce, de la cuisine méditerranéenne, asiatique? Et pour conclure, bien sûr, de pouvoir tout organiser facilement depuis son smartphone ou son ordinateur? Il va sans dire que l’approche devrait être durable du côté des emballages! Le consommateur moderne est un animal exigeant. Et l’entrepreneur, très entreprenant pour oser se lancer. Bonne nouvelle, nous en avons trouvé un.
Cet acteur innovant a un nom – c’est Joris Humair qui a lancé ce projet tout seul il y a deux ans – nous le rencontrons à Bienne. C’est là qu’il a ouvert en plus, il y a quelques mois, une boutique dans le quartier de la gare. Pour ceux qui connaissent, c’est pile au centre d’un triangle compris entre le Théâtre Nebia, l’Hôtel Élite et la Fédération horlogère (FH). Au rez-de-chaussée sous une sorte de galerie – là où il y avait un atelier de vélo. Il y a des vitres partout et au lieu de cycles graisseux, des plantes vertes et des rayonnages de bois clair. Pour les entreprises qui démarrent sur un site Internet, la possibilité d’accueillir des clients en quasi stationnaire est un grand plus.
Cette boutique de passage permet d’offrir des produits complémentaires, boissons choisies avec soin (du maté en canette), granola produite en vieille ville de Bienne. Mais au centre trône un frigo pour les barquettes de menu. Et, un peu plus loin, un congélateur pour les invendus de la semaine.
Le refroidissement rapide
Revenons deux ans en arrière. On nage en pleine pandémie. Son site, ce fut le vrai point de départ. Le jeune créateur d’entreprise l’a conçu comme une plateforme qui permet d’envoyer par la poste des repas conditionnés sous opercule qui se gardent une semaine entière. Une fois la plateforme mise au point, il a fallu dénicher une cuisine. La sienne se trouve à Saint-Imier. C’est là que la production des repas a pu démarrer. Tous les repas sont mis au point et concoctés durant le week-end. La technique du refroidissement rapide permet de proposer des produits qui restent frais une semaine. Une machine perfectionnée (grand investissement) concrétise cette mise en barquette, la pose d’un opercule et le conditionnement de l’air à l’intérieur.
Les plats sont expédiés le lundi (le mardi sur demande) dans des cartons très bien isolés – et en matériaux durables – auxquels un bloc de glace est ajouté. Cela tient deux jours, donc un de plus qu’il n’en faut à la poste pour livrer dans tout le pays. Et puis une fois au frigo, le repas est garanti sept jours.
«Cette cuisine était autrefois l’ancien foyer des jeunes, resté inoccupé des dizaines d’années. J’ai repris ces locaux il y a deux ans. Nous disposons d’une grande cuisine professionnelle et d’une salle pour la mise en barquette.»
Il s’est donc lancé en pleine pandémie. Joris Humair confirme et sourit. «J’ai vu un reportage sur les business qui marchaient bien pendant cette période. Une entreprise de Madrid proposait des repas que les gens venaient chercher dans une boutique. J’ai eu un déclic. Le concept est celui de recevoir en une fois plusieurs plats artisanaux pour la maison.»
Interruption. Un client arrivé par le truchement de la plateforme To Good To go est venu chercher un plat qu’il choisit dans le congélateur. Joris Humair met à disposition deux fours à micro-ondes. «Il faut compter environ dix minutes», dit-il au client. Moment d’émotion: on vit en direct le premier client qui arrive par cette plateforme. Une délicieuse odeur s’insinue dans notre conversation. Notre interlocuteur est surpris par la vitesse avec laquelle les choses démarrent.
Un deuxième business model
Cette possibilité pour les clients de venir chercher un plat réservé est une nouveauté. «Nous congelons le lundi les plats qui n’ont pas été vendus et les mettons sur le marché pendant la semaine, explique Joris Humair, ces invendus sont en fait issus de notre second business model, la partie offre de repas pour les entreprises, via les réfrigérateurs que je mets à disposition sur place et dans lesquels les collaborateurs se servent et paient eux-mêmes.»
Les deux modèles se complètent. «Pour la vente aux particuliers, on connaît au gramme près le volume de repas à préparer dès la commande, poursuit le jeune entrepreneur. On évite donc les achats en trop, les stocks, le fait de jeter. En revanche, pour les entreprises, nous ne pouvons qu’en estimer la consommation: alors nous rendons “green” l’ensemble en congelant les possibles invendus.»
Au final, Weekly Food diminue ses pertes et gagne en visibilité sur toutes ces plateformes. Lorsque Weekly Food entre en collaboration avec l’une d’elle – assez connue en Suisse romande – Qoqa, les ventes de l’Imérien quadruplent d’un coup.
La pandémie m’a fait réfléchir
« Comme je ne viens pas du monde de la cuisine, je n’ai pas vu les obstacles que certains professionnels qui m’en ont parlé depuis auraient pu trouver. Je me suis donc lancé en toute innocence et en résolvant les difficultés une à une.» Il faut un certain courage pour nouer la gerbe entre des compétences si variées et lancer une entreprise à cheval sur plusieurs secteurs, qui plus est directement à l’échelle du pays.
«Mon père était cuisinier dans un restaurant d’entreprise, c’est peut-être un lien qui a joué un rôle. Mais je suis avant tout entrepreneur. C’est mon métier. Cela aurait pu être une autre entreprise, ou un autre produit. La pandémie m’a fait réfléchir à ce développement. J’ai compris qu’il manquait quelque chose dans ce secteur des plats préparés. Et quand j’ai eu une partie des cartes en main, j’ai commencé à développer Weekly Food.»Développer, il sait. Formé comme développeur informatique, il était prêt pour la partie numérisée. Un CFC en informatique à Saint-Imier, puis deux ans de formation à l’ES du Locle. Et cinq ans comme développeur dans une entreprise d’informatique.
«C’est comme ça que j’ai créé Weekly Food – en parallèle à cet emploi que j’ai quitté il y a cinq mois – lorsque j’ai ouvert la boutique à Bienne. Il a tout fait en solo, la création et la gestion du site, la gestion des commandes, des livraisons, les contacts avec les clients. «Dans un premier temps, comme la cuisine n’est pas mon métier, j’ai commencé avec un chef qui a été mon premier collaborateur. Désormais, deux cheffes (ou cuisinières) s’occupent de la préparation des repas.»
Au total, Weekly Food s’appuie sur six collaborateurs, deux cuisinières, deux aides de cuisine et deux personnes pour mettre en barquettes et d’autres tâches.
Recul et projection
Qu’est-ce qui a été le plus difficile jusqu’ici? «Démarrer seul, parce que j’ai dû tout porter sur mes épaules en même temps. Avec le recul, peut-être qu’un associé aurait facilité les choses. Mais maintenant, le gros du travail a été fait.»
Des rêves, s’il en a? Oui, il en a plein, comme développer des collaborations avec d’autres chefs de cuisine de la région. Parce que mine de rien, il a carburé jusqu’ici sur ses propres envies et un peu de diversité ne l’effraie pas. Envie de faire passer d’autres choses par les tubes numériques de Weekly Food. Pourquoi pas des petits déjeuners, oui, pourquoi pas?
François Othenin-Girard
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