Le 19 avril le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR) a mis en consultation une modification de l’ordonnance sur le stockage obligatoire d’aliments et de fourrages. Il s’agit là de tout ce qui contribue à l’essentiel du jour le jour, notre nourriture. Pour garantir l’approvisionnement du pays, la Confédération peut rendre obligatoire le stockage de biens vitaux.
Quelles réserves dans quel but?
C’est le DEFR qui détermine le volume et la qualité des marchandises d’aliments et de fourrages. L’Approvisionnement économique du pays révise régulièrement la politique de stockage stratégique.
Un tel examen a été réalisé pour la dernière fois en mai 2019. Depuis, avec les différentes crises, plusieurs interventions parlementaires (2019–2020) ont demandé de réexaminer une éventuelle extension du système des réserves obligatoires.
Le DEFR peut statuer sur les dispositions de lui-même. En revanche, étant donné l’importance économique du projet, une consultation a été ouverte.
Guerre ou pénurie?
Dans le contexte actuel, le rapport explicatif souligne deux grandes tendances:
• la fragmentation et la mondialisation croissantes des chaînes de valeur, avec plus de complexité et de plus en plus d’acteurs sur la chaîne;
• la multiplication des risques et dysfonctionnements possibles. Les hypothèses de calcul prévoient 2300 kcal par jour et par personne pour douze mois et le blocage total des importations: donc une augmentation du volume des réserves obligatoires en conséquence.
Si la Suisse devait vivre douze mois de blocage des importations de la nourriture et des fourrages, cela voudrait dire que l’on se trouverait soit en situation de guerre ou aux prises avec une famine mondiale qui exigerait que l’on se fournisse au plan national uniquement. Une telle hypothèse d’arrêt total des importations semble plus qu’improbable. Quoique les crises montrent qu’il est difficile de pouvoir s’attendre clairement à la crise, sinon ce n’est tout simplement plus une crise.
De quoi parle-t-on?
Il est ainsi question d’étendre les capacités de stockage avec 245 000 tonnes supplémentaires de céréales. Or, en raison de la suppression des possibilités de stockage pour l’orge et le maïs fourrager, il faudrait plutôt estimer les réserves supplémentaires à 300 000 tonnes. Au total, il y aurait donc 755 000 tonnes de céréales.
Le projet sera difficile à réaliser en dix ans seulement. Quelles entreprises seraient capables de construire autant de capacité de stockage en une décennie? Dans ces réserves obligatoires, les entreprises qui réalisent le stockage pour le compte de l’État sont indemnisées. Or, il se trouve que le niveau d’indemnisation n’est pas vraiment réaliste et ne pourrait pas couvrir tous les investissements. De notre point de vue, il est hors de question que des entreprises organisent pour le compte de l’État des réserves qui leur coûtent plus cher que les coûts réels.
De plus, les réserves obligatoires doivent faire l’objet d’un tournage de 175 000 tonnes par an. Cela correspond à 50% des besoins. En fin de compte, les entreprises seraient chargées de procéder à la rotation des réserves obligatoires. Les activités économiques seraient profondément péjorées par une telle situation d’état de guerre. Le rapport propose également de réduire massivement les cheptels de volailles (10% en deux mois) et de porcs (12% en six mois). Les capacités d’abattages ne sont pas données, ni même de l’entreposage en congélation.
Un regard des professionnels
Il est temps que des professionnels se penchent sur la complexité de telles projets et c’est que la consultation permet. Espérons encore que les acteurs du domaine seront entendus, et que l’état de siège ne reste que dans l’imagination de nos fonctionnaires. Mikael Huber, usam