Publié le: 2 juin 2023

Main d’œuvre: réformer notre politique migratoire

L’immigration parviendra-t-elle à couvrir les besoins de nos entreprises en matière de main d’œuvre? Certains l’accusent d’être à l’origine de tous les maux. D’autres au contraire la considèrent comme l’un des moteurs de notre prospérité. Que nous le voulions ou non, la Suisse, qui comptera bientôt 9 millions d’habitants n’échappera pas à la question: quelle politique migratoire voulons-nous?

Aujourd’hui tous les signaux sont au rouge, tant la situation est devenue tendue. Certes, la population a augmenté de 20 % en 20 ans dans notre pays. Mais à l’image des États occidentaux, elle vieillit. Il devrait manquer près d’un demi-million de travailleurs d’ici à 2030. Cette évolution démographique va mettre nos entreprises encore davantage sous pression, alors qu’elles peinent déjà à recruter. Il manque en particulier des ingénieurs, des informaticiens, du personnel dans la santé et la restauration.

Le temps des réformes est donc venu. Message en partie entendu par le Conseil fédéral qui a assoupli les conditions d’admission des travailleurs qualifiés en provenance d’États tiers. Les contraintes administratives ont été réduites. Cette décision est un bon début. Nous pouvons aussi miser sur la formation continue ainsi que sur une meilleure intégration les femmes et des seniors au marché du travail. Mais toutes ces mesures ne suffiront pas.

Nous devons nous montrer plus audacieux. Non pas en ouvrant grand nos frontières, mais en mettant en place une immigration moderne et de qualité. Il faut respecter le verdict du peuple et des cantons, qui ont accepté en 2014 l’initiative sur l’immigration de masse. Une marge de manœuvre existe.

Un des moyens pour orienter notre politique migratoire vers les besoins de nos entreprises, de nos PME et de nos start-up: le système à points pour les ressortissants des pays tiers. Un dispositif déjà appliqué en Angleterre, au Canada, en Australie et en Autriche et qui a fait ses preuves.

Ce dispositif permet aux services d’immigration d’octroyer des visas, voire des permis, en fonction des priorités du pays. Pour acquérir l’autorisation de s’établir en Suisse, les candidats devraient obtenir un nombre minimal de points, attribués sur la base de critères à définir comme la profession, les connaissances linguistiques, le niveau de salaire, l’offre d’emploi ou les capacités d’intégration. Des qualifications qui pourront être modifiées suivant l’évolution de nos besoins.

Ce modèle a l’avantage d’être transparent, efficace, mais aussi souple quant aux critères privilégiés. Il favorise une immigration qualifiée et diversifiée dont les bienfaits en matière d’innovation, d’entrepreneuriat et donc de croissance et de productivité, ont été confirmés. Et il contribue à maîtriser l’immigration. Ce processus mérite d’être examiné.

D’autres pistes doivent être étudiées, comme celle du système «green card». Ou encore la mise en place d’une taxe d’immigration qui pourrait, par exemple, être prélevée auprès de l’employeur à chaque autorisation délivrée à un ressortissant d’État tiers. Cet instrument permet aussi de pratiquer un contrôle quantitatif des immigrants.

L’actuel dispositif des contingentements doit de la même manière être réformé et rapidement. Dans un rapport publié il y a une année, le Conseil fédéral se penche sur différentes propositions. Il est question notamment de l’augmentation des contingentements, de leur répartition par branche, ou d’une bourse d’échange.

Toutes ces options doivent être analysées de façon approfondie. Nous devons trouver des solutions qui soient réalisables, acceptables aussi bien au niveau économique que social et qui n’entraînent pas de charges administratives disproportionnées.

L’immigration a indiscutablement contribué au dynamisme de notre économie. Grâce à elle, nos tunnels, nos barrages ont été construits. De grandes entreprises, à l’instar de Nestlé, ont été fondées par des immigrés. L’innovation leur doit aussi beaucoup.

Dans un contexte de forte concurrence internationale, la Suisse va devoir relever ces prochaines années d’importants défis économiques. Il est donc plus que jamais nécessaire de résoudre nos problèmes de main-d’œuvre en adaptant notre politique migratoire à nos besoins.

*Conseillère nationale (PLR/VD)

jacqueline.dequattro@parl.ch

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